Dans cet entretien, le Professeur Abdelhak Lakehal dresse un état des lieux de l’incidence du carcinome hépatocellulaire (CHC) en Algérie, en examinant les facteurs de risque, ainsi que les méthodes de dépistage du cancer du foie en Algérie. Ce thème constituait l’un des axes centraux du Congrès international de l’Association scientifique des pathologies hépatobiliaires et pancréatiques (ASPHP), qui s’est tenu le 31 octobre à l’hôtel Marriott de Constantine.
- Quelles sont la prévalence et l’incidence du carcinome hépatocellulaire (CHC) en Algérie ? Comment situez-vous ces chiffres par rapport aux autres pays ?
Honnêtement, nous ne disposons pas de données précises concernant la prévalence, mais nous avons des chiffres fiables pour l’incidence. Grâce à la mise en place du réseau national des registres du cancer, nous avons pu obtenir des données sur toutes les formes de cancer, y compris le CHC, chez les deux sexes. En moyenne, l’incidence nationale du CHC avoisine moins de 3 nouveaux cas pour 100 000 habitants, avec des variations régionales. Ce gradient nord-sud est en partie dû à la répartition inégale des facteurs de risque, notamment les hépatites virales, qui influent fortement sur l’incidence.
- Quels sont les principaux facteurs de risque en Algérie ?
En Algérie, comme ailleurs, les hépatites virales B et C représentent les principaux facteurs de risque pour le CHC. D’autres éléments sont également en cause, tels que le tabagisme et certaines maladies métaboliques liées à l’obésité et au diabète de type 2, qui engendrent des hépatopathies métaboliques. Donc, ce sont les principaux facteurs de risque qu’on trouve ici en Algérie. Néanmoins, les hépatites virales restent le facteur de risque le plus déterminant.
- Existe-t-il des spécificités géographiques ou socioéconomiques ?
La spécificité de l’Algérie, en termes d’incidence, est qu’elle se distingue par un risque de CHC relativement faible comparé à d’autres types de cancers. Par exemple, le cancer du sein présente une incidence d’environ 70 nouveaux cas pour 100 000 habitants, soit un risque 25 fois plus élevé que pour le CHC. Cependant, ce faible taux ne signifie pas que le CHC doit être négligé.
- Cela n’implique-t-il pas pour autant qu’il faille sous-estimer ce cancer et ses risques ?
Absolument pas. Le côté encourageant est que, selon l’OMS, près de 80% des cas de CHC sont évitables. En premier lieu, il s’agit de lutter contre les hépatites virales. comment luttent les patients ? L’Algérie a instauré depuis 2007 la vaccination contre l’hépatite B pour les nouveau-nés, une initiative qui a largement contribué à réduire, j’oserais même dire anéantir les cas potentiels de CHC.
- Quels sont les moyens de diagnostic précoce disponibles en Algérie ?
Un autre volet, après la prévention primaire, est d’éviter carrément de développer la maladie. L’objectif est de détecter la maladie à un stade précoce pour améliorer le pronostic. Le dépistage permet de diagnostiquer la maladie à un stade précoce, qui permet d’avoir un meilleur pronostic. Actuellement, le dépistage du CHC est un sujet de débat mondial, et il n’existe pas de stratégie unanimement approuvée. Le consensus actuel repose sur l’échographie, combinée à la mesure de l’alpha-fœtoprotéine tous les six mois pour les personnes à risque. Cela inclut notamment les personnes présentant des cirrhoses hépatiques ou ayant des antécédents de CHC. Il existe d’autres critères.
- Les examens de dépistage sont-ils facilement accessibles ?
Oui, ces examens sont accessibles puisqu’il s’agit d’échographies et de dosages de l’alpha-fœtoprotéine, qui sont couramment disponibles.
- Des programmes de dépistage sont-ils mis en place en Algérie ?
Un programme de dépistage de masse non, mais on a des centres. C’est-à-dire des centres spéciaux, surtout au niveau des centres universitaires, puisqu’en fin de compte ce sont eux qui prennent en charge le CHC. Alors, on a des programmes de dépistage qui sont mis en place ciblant les sujets à haut risque.
- Quelles sont les conditions d’accès à la greffe, vu que même la pénurie d’organes est déclarée dans d’autres pays et particulière dans la société algérienne ?
Je ne saurais pas répondre à votre question parfaitement. Je ne suis pas un spécialiste de la greffe ou de la transplantation hépatique, mais je pense que la problématique de la greffe en Algérie concerne tous les organes, pas uniquement le foie. Oui, on a un problème énorme, surtout par rapport à la disponibilité, c’est-à-dire les donneurs, que ce soit des donneurs vivants ou morts.