Pourquoi des singes magots envahissent les localités montagneuses

10/02/2022 mis à jour: 16:13
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Photo : D. R.

Présence des singes magots, jamais observée auparavant dans plusieurs localités montagneuses. L’espèce a même été signalée dans la wilaya de Guelma et encore plus à l’Est. L’enseignant-chercheur à la faculté des sciences, de la nature et de la vie de Béjaïa, Mourad Ahmim, donne des explications scientifiques.

Des singes qui circulent en plein villages au milieu des habitations dans les hautes montagnes de Kabylie. Une vidéo des amateurs qui a fait le tour des réseaux sociaux.

Ce n’est certes pas un phénomène nouveau vu que depuis des années, ces singes magots «empoissonnent la vie» des habitants. Mais depuis les derniers incendies de mois d’août dernier, la situation se complique pour les villageois. Existe-t-il une explication ? Oui, selon l’enseignant- chercheur à l’université de Béjaia, Mourad Ahmim. Cette présence des singes n’a jamais été observée auparavant et on l’a même signalé dans la wilaya de Guelma encore plus à l’Est.

Il existe, selon le chercheur, deux facteurs qui conduisent le singe à se déplacer et à coloniser d’autres espaces. Le premier étant la dynamique des populations, c’est-à-dire qu’il y aurait probablement une augmentation des effectifs d’où la création de nouveaux groupes qui vont chercher d’autres territoires pour ne pas chevaucher sur les territoires déjà occupés par d’autres troupes.

Mais on n’en sait absolument par grand-chose, car aucun travail d’estimation des effectifs d’envergure n’a été fait. Il faut, de l’avis de Mourad Ahmim, reconnaître que c’est très difficile de faire le comptage des effectifs de beaucoup d’espèces, il faut reconnaître tout de même que des efforts ont été faits dans les parcs nationaux pour estimer les effectifs de leurs populations, mais la grande majorité des singes se trouvent hors des parcs nationaux.

Il était en effet admis, selon certains auteurs, que durant les années 1980 le plus grand effectif se trouvait au niveau de la forêt de l’Akfadou et depuis il n’y a aucun travail de fait au vu de la situation sécuritaire qui ne le permettait pas. Le deuxième facteur est la destruction de l’habitat d’où l’amenuisement des ressources naturelles. Le singe magot, comme son nom l’indique, est une espèce forestière (M sylvanus , sylvanus signifie forêt ) et c’est en forêt qu’il habite et c’est de la forêt qu’il tire sa nourriture comme les glands des différents chênes, les myrtes, les fruits de l’arbousier et certains insectes etc.

Incendies à répétitions

Mais l’homme, de par ses activités, a colonisé l’habitat du singe et il l’a modifié (défrichements, urbanisation… ) d’où la disparition des ressources alimentaires. Et puis il y a les incendies à répétitions qui ravagent nos forêts et qui font que le singe doit se déplacer pour trouver des milieux plus favorables. De ces deux options ou facteurs, l’enseignant-chercheur opterait pour le deuxième car «c’est évident et visible que nous avons perdu beaucoup de superficies forestières et c’est ce qui a imposé un déplacement du singe».

Pourquoi le choix de la région est ? Il est dû, toujours de l’avis de Mourad Ahmim, la région du pays la plus boisée que la partie ouest et également le problème des ressources hydriques ne se posent pas.

Elles sont plus importantes à l’Est. «Bien sûr il se pourrait qu’il y ait d’autres facteurs et cela nécessite un travail plus approfondi avec des méthodes de suivi adéquates et surtout la disponibilité du matériel de travail pour les chercheurs et gestionnaires de la faune». On prenant en compte les explications du chercheur, c’est donc l’habitat naturel des singes qui était plutôt détruit ou envahit par l’humain.

Que faire donc pour préserver l’habitat naturel des signes ? Il ne suffit pas de créer des parcs nationaux seulement mais il faudrait qu’il y ait un travail de préservation proprement dit qui devrait limiter des atteintes et cela par une mise à niveau des mesures coercitives concernant les délinquants et aussi l’application de la loi.

C’est d’ailleurs une des failles soulignée par le chercheur. «Les failles c’est l’absence de lois et de mesures incitatives à préserver notre patrimoine faunistique et autre, doter les forestiers de moyens plus performants et plus dissuasifs et dans le domaine de la recherche. Il faut valoriser les efforts des chercheurs qui dans la majorité des cas n’ont aucun moyen», conclut-il et d’insister sur la nécessité de créer une vraie police de l’environnement.

Le singe magot… une espèce protégée

Le singe magot ou macaque de Berberie, de son nom scientifique macaca sylvanus est le seul primate vivant en Afrique du Nord. On le retrouve en Algérie et au Maroc, ainsi qu’au niveau de Gibraltar où une colonie s’est installée depuis longtemps probablement par introduction. Cette espèce est protégée au niveau mondial par l’IUCN en tant qu’espèce en danger et au niveau national elle est protégée par la loi algérienne.

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