Pour verdir le désert… : L’Arabie saoudite mise sur la «green tech»

07/12/2024 mis à jour: 17:20
AFP
659
Himanshu Mishra, expert en sciences et ingénierie de l’environnement à l’Université des sciences et technologies du roi Abdallah (Kaust), dans un champ à l’extérieur du campus de Thuwal - Photo : D. R.

L’Arabie saoudite mise sur les innovations vertes pour verdir ses sols désertiques, mais entre promesses technologiques et accusations de greenwashing, le véritable défi pour ses start-up reste de transformer des projets pilotes en solutions durables face à l’urgence climatique.

En combinant technologies de pointe, agriculture et gestion de l’eau, le premier exportateur de brut mondial cherche à répondre à la crise climatique, tout en diversifiant son économie pour se préparer à un potentiel après-pétrole. Selon le rapport «2023 Middle East Climate Tech» du géant de l’audit PwC, près de 75% des investissements du Moyen-Orient dans les start-up de technologies climatiques à l’échelle mondiale sont saoudiens.

Mais «seule une petite fraction» de ces investissements est dirigée vers la région, assure PwC.
Dans le royaume, en 2023, les investissements dans des start-up étaient principalement absorbés par le secteur de l’énergie (363 millions de dollars), suivi par l’alimentation, l’agriculture et l’utilisation des terres (39 millions de dollars), affirme la société d’audit. Parmi ces projets figure la station d’épuration développée à la King Abdullah University of Science and Technology (Kaust), qui traite les eaux usées tout en produisant sa propre énergie.

Sous la direction de la professeure Peiying Hong, cette station utilise des «micro-organismes anaérobies (qui survivent sans oxygène) pour transformer le carbone organique en méthane», collecté sous forme de biogaz, explique-t-elle.

«Transformer le sable en sol» 

L’eau filtrée dans ces réacteurs biologiques «peut être utilisée pour cultiver des micro algues visant à nourrir le bétail» ou pour «irriguer des plantes et des arbres afin de lutter contre la désertification», ajoute-t-elle. Dans le cadre de l’«Initiative verte du Moyen-Orient», l’Arabie saoudite ambitionne de planter dix milliards d’arbres pour réhabiliter «74 millions d’hectares de terres (une surface plus grande que la France) et restaurer sa verdure naturelle», selon le site internet de l’Initiative.

Pour concrétiser ces ambitions, une gestion efficace des ressources en eau et des sols est fondamentale pour le royaume largement désertique. «Nous transformons le sable en sol», affirme le professeur Himanshu Mishra depuis une ferme expérimentale.

Avec son équipe de l’université Kaust, il a développé un produit capable, affirme-t-il, de transformer les terres désertiques en terres fertiles en les enrichissant de fumier de poulet optimisé, une ressource abondante et sous-utilisée en Arabie saoudite qui en enfouit «environ 500 000 tonnes par an».

«Contrairement aux engrais, qui sont des nutriments pour les plantes», son innovation «agit comme une éponge pour retenir ces nutriments et l’eau, tout en favorisant la biodiversité microbienne», nécessaire aux plantes pour se développer, explique-t-il à l’AFP, depuis le  désert où pousse désormais une végétation luxuriante.

Greenwashing ou opportunité ? 

Mais ces innovations nécessitent des financements conséquents pour un déploiement à grande échelle. Mme Hong souligne l’importance des «investissements en capital-risque». John Robinson, investisseur pour Mazarine Ventures, spécialisé dans les investissements liés à la gestion de l’eau, admet que lever des fonds reste «extrêmement difficile» pour ce type de start-up, bien que certaines parviennent à attirer des investisseurs privés.

Les ambitions écologiques de l’Arabie saoudite coexistent avec sa défense acharnée du pétrole. Au-delà de la lutte contre la désertification, le royaume mise sur des technologies incluant la capture du carbone et la production d’hydrogène dans le cadre de ce qu’il appelle une «économie circulaire du carbone» lui permettant de maintenir et même d’augmenter sa production d’hydrocarbures. 

Les critiques considèrent ces efforts comme du greenwashing, affirmant qu’ils permettent de continuer à investir dans les combustibles fossiles, tout en n’offrant que des bénéfices environnementaux limités. En mai 2024, l’ONG European Centre for Democracy and Human Rights affirmait que «l’’Initiative verte saoudienne’ vise à masquer la dépendance du pays aux énergies fossiles». Riyad affirme que cette politique est nécessaire à sa sécurité énergétique.

Dans la perspective d’un après-pétrole, le royaume, qui dispose des capitaux et des ressources nécessaires, pourrait devenir un poids-lourd régional de l’innovation verte. Car en vendant son terreau carboné, «fait dans le royaume, à partir de déchets locaux», l’Arabie saoudite pourrait devenir «un exportateur à la fois du produit, mais aussi de sa technologie», veut croire M. Mishra. 
 


 

Copyright 2024 . All Rights Reserved.