Pour faire face au stress hydrique en Algérie, les chercheurs du CRE tranchent : «La solution est le traitement et le recyclage des eaux usées»

29/05/2023 mis à jour: 06:42
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Photo : D. R.

Les eaux non traitées sont rejetées dans le milieu naturel, le plus souvent dans les cours d’eau, les plans d’eau et en mer, pour lesquels elles constituent la plus forte source de pollution.

L’Algérie est classée à la 29e place sur un total de 44 pays exposés à un très grave stress hydrique dans les années à venir. Si elle n’anticipe pas dans l’urgence pour se mettre à l’abri, le risque d’avoir soif d’ici 2040 est sans appel. Ainsi, l’Algérie puise son eau potable de trois différentes sources : les barrages, les nappes phréatiques et celle issue du dessalement de l’eau de mer. Hormis cette dernière, les autres sont tributaires de la générosité du ciel.

«Le traitement et le recyclage des eaux usées est la solution idoine pour se mettre à l’abri des aléas climatiques, notamment les épisodes de sécheresse récurrents.» C’est la conclusion à laquelle sont arrivés les chercheurs du Centre de recherche en environnement (CRE) de Annaba durant le Séminaire national sur l’innovation pour la réutilisation et la valorisation des eaux usées, organisé les 23 et 24 mai à Annaba.

Un thème qui colle à l’actualité nationale avec les mesures envisagées par les pouvoirs publics pour faire face au stress hydrique qui plane sur le pays. A travers les interventions de 40 communicants, venus de différentes régions du pays, cette rencontre se veut un bilan de la situation actuelle, des problèmes qui sont déjà posés et ceux à venir et, surtout, des solutions durables que laissent envisager les technologies innovantes.

Selon le professeur Zihad Bouslama, directrice du CRE dont l’envergure est nationale : «Le volume des eaux usées générées par la population algérienne, estimée à 44 millions d’habitants, aurait aujourd’hui largement dépassé le milliard de mètres cubes (1,09 Md m3), l’Office national de l’assainissement (ONA) l’a estimé à 927 millions de mètres cubes en 2017. En mars 2022, le ministre des Ressources en eau et de la Sécurité hydrique, Karim Hasni, avait affirmé que le volume des eaux usées épurées était de l’ordre de 500 millions m3/an, soit moins de 50%, avec une réutilisation de l’ordre de 3 millions de mètres cubes dans le secteur industriel et presque autant pour l’irrigation agricole. Cependant, il n’y a pas d’épuration en eau potable destinée à l’alimentation humaine.»

Réutilisation et valorisation des eaux usées

Les eaux non traitées sont rejetées dans le milieu naturel, le plus souvent dans les cours d’eau, les plans d’eau et en mer, pour lesquels elles constituent la plus forte source de pollution. La rareté du précieux liquide, qu’est devenue l’eau dans le monde pour le tiers de l’humanité, et la protection de l’environnement ont fait que les eaux usées sont traitées pour être réutilisées au mieux pour la boisson et les autres besoins des activités humaines, particulièrement l’irrigation agricole, qui absorbe 70% des besoins en eau. Selon l’Onu-Eau, «aujourd’hui encore, une bonne part des eaux usées est rejetée dans la nature sans être ni collectée ni traitée.

C’est particulièrement vrai dans les pays à faible revenu, qui traitent en moyenne 8% des eaux usées, contre 70% dans les pays à haut revenu. Or, le volume des eaux à traiter devrait encore augmenter de manière significative dans les années à venir, notamment dans les villes à forte croissance démographique des pays en développement, pour lesquels la réutilisation et la valorisation des eaux usées sont devenues un enjeu de développement et de progrès». Selon les chiffres avancés par les chercheurs du CRE lors de ce séminaire : «L’Algérie dispose actuellement de 171 stations d’épuration des eaux usées (Step) d’une capacité de 900 millions m3/an contre 10 stations seulement en 2000.»

De par sa situation géographique, son climat et l’importance de sa population, l’Algérie vit de graves problèmes dans le domaine de l’approvisionnement de l’eau et de l’assainissement. «Une vingtaine de stations de dessalement de l’eau de mer jalonnent déjà le littoral dans 14 wilayas, et le recours aux eaux souterraines devraient répondre momentanément aux besoins croissants en ce liquide précieux. Pour faire face durablement à la raréfaction de cette ressource et répondre à des besoins en constante augmentation qui généreront tout autant d’eau usée, la solution est de recycler, traiter les eaux usées pour mieux les réutiliser», tranche le Pr Bouslama.

Chargée de réaliser les programmes de recherche scientifique et de développement technologique dans le domaine de l’environnement, elle étaye : «Le progrès des connaissances et de la technologie ont permis de mettre au point de nombreuses méthodes d’épuration et de traitement, et face à la raréfaction du précieux liquide essentiellement pour cause de pollution, la valorisation des eaux recyclées a montré qu’elle avait un intérêt économique certain avec les méthodes issues des technologies innovantes

Rappelons que des questions ont été posées face à cette problématique et le colloque du CRE s’est transformé en une plateforme d’échange et de développement des derniers résultats de recherche, des études de cas et des réflexions méthodologiques réalisées dans le domaine. Durant deux jours, il s’est transformé en une occasion pour échanger, débattre entre universitaires, chercheurs et industriels dans le domaine de la valorisation des eaux usées.

Le CRE, c’est quoi ?

Le Centre de recherche en environnement (CRE) de Annaba est un établissement public à caractère scientifique et technologique. Créé en 2018 (décret 18-264 du 17 octobre 2018), il est opérationnel depuis l’installation, le 17 janvier 2019, du professeur Zihad Bouslama en qualité de directrice. Le CRE est chargé de réaliser les programmes de recherche scientifique et de développement technologique dans le domaine de l’environnement.

Il contribue à la résolution des problématiques relatives à la préservation et à la valorisation des ressources naturelles, à la prévention des risques liés aux pollutions et aux technologies de dépollution, au développement de l’économie verte et à la gestion et à la valorisation des déchets. Le CRE traite, coordonne et gère toutes les questions en rapport avec l’environnement et répond aux préoccupations scientifiques, technologiques et socioéconomiques de l’Algérie, particulièrement celles liées à la création de start-Up.

Le CRE est doté de quatre divisions de recherche constituées chacune de laboratoires et d’équipes de recherche. Il offre également des services en relation avec l’environnement : analyses et expertises, formation à la carte, manifestations scientifiques. De ce fait, il s’implique dans l’économie nationale pour apporter un changement de comportement de tous les acteurs socioéconomiques et des citoyens en faveur de la protection de l’environnement.
 

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