Parution de Mémoires de fossoyeurs de Nourdine Ouchefoun : Le cimetière El Kettar, un nom, un lieu, une histoire

15/05/2024 mis à jour: 21:01
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Photo : D. R.

Mémoires de fossoyeurs est l’intitulé de l’ouvrage de l’auteur Nourdine Ouchefoun qui invite le lecteur à des haltes dans un terrain de vergers qui se voit transformé en cimetière et où le métier de distillerie cède le pas à l’activité de «haffar».

Passionné d’histoire et rivé au monde de la culture, Nourdine Ouchefoun, ce natif de la banlieue ouest de la capitale,  vient de faire paraître un corpus qui, pour le commun des mortels, peut paraître singulier et dont l’intitulé est Mémoires de fossoyeurs.

Ce corpus, loin d’être macabre, qui vient meubler l’éventaire de quelques librairies, se veut un récit révélateur d’un moment de l’histoire des premiers fossoyeurs du cimetière El Kettar,  qui a vu le jour vers la fin de la première moitié du XIXe siècle, soit en 1847, lorsque les petits cimetières de la basse Casbah,  notamment ceux du côté de Bab Azzoun, Outah (quartier de la marine), El Kettani étaient rasés par l’administration coloniale qui avait lancé des projets de routes, d’immeubles, de maisons, etc.

El kettar, un nom, un lieu, une mémoire, est à flanc de colline ; c’est l’endroit le plus – et non le mieux – indiqué par l’administration coloniale pour permettre aux autochtones d’enterrer leurs morts. Après avoir amputé une partie d’un verger appartenant à Si Larbi, le distillateur de fleurs d’agrumes  sur un des versants du cimetière, et suite à des travaux d’aménagement vite expédiés, l’autorité coloniale délimita le terrain devant servir de réceptacle aux morts et confia au maître de céans, Si Larbi, sa gestion...

L’auteur de l’ouvrage dépeint l’ambiance bon enfant  qui avait pignon sur ces parcelles de vergers et le métier que doit abandonner Si Larbi, le distillateur (el kettar), d’où la désignation éponyme du cimetière.

Ce dernier, qui sera secondé par son ami M’hamed, se voit contraint désormais de troquer son alambic, de fabricant d’essence et producteur de miel dans ces belles parcelles de vergers où, à l’ombre des treilles, coule une eau abondante autour d’un café-auberge qu’on nomme «la mauresque bâtisse, dite la Bridja», contre la nouvelle activité, celle de creuser les tombes, non sans après avoir «radouci» au préalable, les escarpements du rude relief.

Nourdine Ouchefoun, qui est médecin de son état, n’a eu de cesse de récolter, depuis qu’il était adolescent des témoignages émanant de son entourage familial, qui avait peu ou prou côtoyé ses aïeux, premiers fossoyeurs du cimetière El Kettar.

A quatre-vingts ans, l’auteur taquine sa mémoire d’enfant, interroge ceux qui y ont travaillé, furète toujours des documents et des archives, fait son propre repérage dans ce cimetière qui, pour les uns, était presqu’un lieu de villégiature ou de ressourcement, au moment où d’autres s’y rendaient pour rendre visite à l’un des premiers fossoyeur d’El Kettar, M’hamed ben Ali Ouchefoun y élisait domicile.

Après avoir passé, en diagonale, les transformations urbaines qu’a connues Alger, suite à la conquête de 1830, le narrateur plonge son lecteur, dans une succession chronologique de faits, puisant dans des scènes de vie captives dans ce lieu de mémoire, ce réceptacle de morts qui, de quelques ares au tout début, embrasse actuellement 14 hectares.

L’auteur du récit déroule une œuvre littéraire fluide avec un verbe digeste, et qui se lit d’un trait, invite les passionnés d’histoire et de patrimoine à s’imprégner un chouiya de cette atmosphère de l’époque lorsque les conditions de vie n’étaient pas moins hostiles face à l’ordre colonial, cependant, il fleurait bon quelque part avec le peu de moyens dont disposaient les petites gens, notamment les modestes agriculteurs algérois qui y venaient écouler leurs produits dans la médina. L’auteur fait également un clin d’œil à cet épisode de la guerre de Libération nationale lorsque ammi Hassane Ouchefoun, ce «héros inconnu» terrait les armes près des tombes.

Ce dernier, soupçonné par l’ennemi, fut enlevé de son poste de travail pour ne plus revenir. Il disparaît à jamais au même titre d’ailleurs que d’autres qui travaillaient pour la cause algérienne sans… faire de bruit. Notons que l’ouvrage, dont le prix public est fixé à  600 DA, est disponible au niveau des rayons des librairies, dont celles du Tiers-Monde, Chaib Dzair (Pasteur), la Renaissance (Riad El Feth) et celle située à la rue Arezki Hamani (ex-Charras).
 

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