C’est l’histoire d’un camion qui part d’Oran vers Saïda et croise un camion faisant le chemin inverse. Les deux chauffeurs se connaissant pour avoir pris quelques cafés ensemble sur les routes sinueuses du long pays, ils s’arrêtent et chacun descend de son véhicule.
Comme il n’y a pas de café dans le coin, ils se partagent un jus d’orange, tout frais tombé du camion. Car leurs cargaisons sont des oranges, ce qui entraîne l’évidente discussion, le premier camion transporte des oranges d’Oran à Saïda et le second des oranges de Saïda à Oran, au même prix. Evidemment, l’opération peut sembler absurde et au fond elle l’est, mais si la liberté de commerce est plus ou moins garantie et les camions plus ou moins libres de circuler, ce sont les réseaux de distribution et l’absence d’organisation commerciale qui sont en cause. Les deux camionneurs se sont quittés, non sans s’échanger quelques oranges qui se sont avérées les mêmes, et chacun a repris sa route dans deux directions opposées. Le coin redevenu désert, à peine bruyant du souffle de l’aridité des Hauts-Plateaux, un trou dans le goudron a posé la question : l’Algérie a récemment exporté des pommes de terre, poussée par les exportations hors hydrocarbures selon la politique présidentielle, va maintenant importer de la même pomme de terre pour combler le déficit et ainsi rassurer la population selon la politique présidentielle.
Sur la base de l’offre et la demande, la pomme de terre est déjà à 140 DA à la veille du Ramadhan, le ministre Rezig, qui jurait que le problème de ce tubercule si nourrissant était réglé et que l’Algérie n’aura plus jamais recours à l’importation, doit-il être jugé pour diffusion de fausses informations, atteinte au moral de la nation ou incompétence ? Aucun, car bien sûr, on peut vivre sans pomme de terre, sans sel, sans voiture et même sans pain puisqu’il y a de la galette. Mais les deux camionneurs le savent bien, on peut aussi vivre sans ministre du Commerce et sans ministre de l’Agriculture.