Sale temps pour le bâtiment. La flambée des prix des matériaux de construction est venue aggraver la situation d’un secteur qui tentait à peine de se relever de la paralysie provoquée par la pandémie de Covid-19.
«Nous avons constaté l’absence de beaucoup de nos concurrents : les tréfileurs, fabricants d’étriers à souder, de grillages, etc. Beaucoup sont en difficultés et n’ont pas pu suivre l’augmentation des prix et la baisse de la demande. Beaucoup d’entreprises et professionnels ont fermé», déplore Khadidja Ahmed Fouatih, représentante d’une filiale du groupe Imetal.
Alors que tout le monde s’attendait à une reprise de l’activité économique après la crise sanitaire mondiale due à la Covid, la guerre russo-ukrainienne vient compliquer la donne et aggraver une situation déjà difficile.
Outre l’augmentation des prix de l’énergie et des produits alimentaires, qui a fait couler beaucoup d’encre, la hausse vertigineuse du fret maritime, des matières premières et la baisse de la demande ont fait exploser les prix du rond à béton et de certains matériaux de construction, notamment.
Et les retombées néfastes ne sont pas faites attendre sur le marché local, où producteurs, distributeurs et clients attendent, en vain, une reprise qui tarde à voir le jour.
Profitant du Salon Batimatec, qui s’est tient à Alger du 15 au 19 mai, plusieurs opérateurs rencontrés nous ont fait état de la dure réalité du secteur.
Au stand de l’Entreprise nationale de transformation des produits longs (ENTPL), filiale du groupe Imetal, Khadidja Ahmed Fouatih, directrice marketing, a indiqué que le fil machine, le rond à béton et bon nombre de leurs produits ont connu une augmentation de près de 180% par rapport à l’avant-Covid.
L’ENTPL fait dans la transformation des produits longs, le tréfilage et fabrique, entre autres, les aciers destinés au bâtiment, aux Travaux publics et à l’hydraulique, ainsi que le trier soudé, le fil d’attache, les armatures et toute une gamme des produits de soudage.
Et les retombées néfastes sur l’entreprise et tout le secteur du bâtiment ne se sont pas faites attendre, dira notre interlocutrice, pour qui, «les clients, qui attendaient la baisse des prix, observent une certaine réticence et lenteur à l’achat».
Expliquant les raisons de la flambée des prix, Mme Ahmed Fouatih y voit deux facteurs majeurs : d’abord la Covid, où les usines à l’étranger ont fermé et qui a vu une baisse importante de l’activité, puis la guerre en Ukraine. «Et comme les plus grands producteurs sont en Russie et en Ukraine, conjuguée à l’augmentation des prix de l’énergie (gaz et pétrole) qui entrent dans le coût de production, les prix ont alors explosé», a-t-elle expliquée.
La crise économique qui sévit dans notre pays est un facteur à prendre en considération, estime notre interlocutrice, en plus de la crise sanitaire mondiale et la guerre en Ukraine.
«Nous avons constaté l’absence de beaucoup de nos concurrents : les tréfileurs, fabricants d’étriers à souder, de grillages, etc. Beaucoup sont en difficultés et n’ont pas pu suivre l’augmentation des prix et la baisse de la demande. Beaucoup d’entreprises et professionnels ont fermé», a-t-elle tenu à souligner.
Quant à l’espoir d’une éventuelle reprise dans les jours à venir, la directrice marketing de l’ENTPL reste sceptique : «Tout dépend de la reprise du secteur du bâtiment. Les chantiers sont en fin de réalisation et les nouveaux projets tardent à voir le jour. Donc, il n’y a pas de demande des aciers.»
«Avant-hier, il y a eu une baisse des prix annoncée par Tosyali. Une baisse de 2500 DA en TTC pour le fil machine et 8000 DA pour le rond à béton. C’est dû à une baisse constatée dernièrement sur les marchés turque et russe pour placer leurs produits», nous a informé Mme Ahmed Fouatih, qui ne voit tout de même pas le signe d’un début de reprise de l’activité et de la baisse des prix.
«Non, c’est conjoncturel. Je pense que les prix vont se stabiliser à ce niveau là. Le fil machine coûte actuellement 142 800 DA en HT», a-t-elle indiqué.
Explosion du prix du fret maritime
Au stand du grand producteur et exportateur Tosyali Algérie, le ton est plutôt à l’optimisme. Ibrahim Elcibôga, DG de Tosyali Algérie, indique que les augmentations depuis maintenant près de deux années sont dues à la flambée du prix du minerai, la matière première qui entre dans la production du rond à béton et du fil machine.
Ce qui, explique-t-il, a impacté les prix de tous les ferreux alliages, qui sont des ajouts indisponibles et importés et qui ont connu trois augmentations successives en dix mois.
«Les premiers fournisseurs dans la zone sont les Russes et les Ukraniens, donc le prix du minerai a connu une hausse vertigineuse», a déclaré le même responsable avant d’évoquer la crise de Covid, qui a généré «la fermeture de plusieurs usines et les fournisseurs qui ont abandonné leurs clients.
Il y a aussi la Chine qui a connu une période très difficile et où il fallait attendre 21 jours pour qu’un bateau puisse entrer dans les plus grands ports chinois à cause de procédures sanitaires strictes. Ce qui a triplé et même quadruplé les prix du fret maritime».
Des retombées sur Tosyali ? Notre interlocuteur avoue l’existence d’un impact certain sur la production, mais estime que l’intégration du groupe lui permet d’y faire face.
«Comme nous avons plusieurs fournisseurs, pas uniquement russes, et nous avons des stocks de sécurité d’un à deux mois, nous avons aussi l’avantage logistique et les prix de l’énergie, pas comme en Europe où ils sont très élevés», précise-t-il.
Sur sa lancée, le DG de Tosyali Algérie explique la baisse des prix opérée ces jours-ci sur ses produits. «La matière première est plus accessible, même si elle reste excessivement chère. Et nous avons surtout un complexe intégré. Nous avons une matière première en déchets ferreux, nous avons un quai à nous pour chargement et déchargement des matières premières.
Beaucoup d’avantages dans la gestion des coûts. Maintenant, en deux journées, on peut décharger un navire de 170 000 tonnes», a-t-il expliqué. Et d’ajouter : «Nous avons les meilleurs prix au monde.
Et nous allons être encore plus compétitifs parce que nous allons acheter le minerai à l’état brut et l’enrichir à notre niveau. Notre devise, c’est intégration, intégration, intégration. C’est la seule voie pour pouvoir exister dans le secteur mondial et c’est important pour l’Algérie.»
Outre le rond à béton et les produits ferreux, le secteur du bâtiment subit de plein fouet la crise et la hausse des prix des produits destinés à la construction. C’est le cas, par exemple, des produits en PVC, portes et fenêtres.
Rencontré à la Safex d’Alger lors du Salon Batimatec, Bouyakoub Boumediene, responsable des ventes nationales chez Chiali Trading, filiale du groupe Chiali, abonde dans le même sens que ses prédécesseurs. «La Covid et l’arrêt de pas mal d’unités de production dans le monde ont été à l’origine de la hausse des prix. La deuxième raison est la rareté de certains matériaux, comme l’aluminium.
Des matériaux nobles qui viennent des gisements. Et comme le premier producteur mondial c’est la Chine, et avec la crise sanitaire qui s’en est suivie, la rareté a donc été le lot de cette matière, qui a vu les producteurs connaître plusieurs arrêts d’activité. Autre chose, les coûts des frets maritimes ont augmenté de manière vertigineuse.
De 2000-3000 dollars le conteneur, on est aujourd’hui à 17 000-18 000 dollars. Le PVC était à 900 dollars la tonne pour atteindre 2200-2500 dollars. Même les radiateurs qu’on importe connaissent des augmentations de prix tous les mois. Ce sont des augmentations en chaîne, qui ont généré la hausse des prix des produits aluminium de 10%», a-t-il indiqué.
Abordant le marché local, notre interlocuteur parle d’une pénurie des produits due essentiellement à la coupe opérée par les pouvoirs publics dans les importations de certains produits.
La hausse des prix des produits alimentaires a également lourdement impacté le budget des ménages, qui ont renoncé aux travaux de réparation, embellissement et autres, a-t-il indiqué. Conséquence : «Nous avons augmenté nos prix de 100% et baissé nos objectifs de vente annuelle.»
En attendant des jours meilleurs, beaucoup de fabricants et vendeurs ont réduit leurs effectifs. Tous s’accordent à dire que les prémices d’une relance ne sont pas encore là, et l’avenir reste incertain.
Un constat qui fait froid dans le dos et qui est partagé par bon nombre d’acteurs. Même au sein du GICA, où les prix du ciment n’ont pas changé, la flambée des prix du rond à béton a lourdement impacté le secteur en raison de la baisse de la demande sur le produit.