- Quelles sont les actions que vous avez déjà menées pour sensibiliser les jeunes sur le virus ?
Plusieurs actions de prévention combinées sont organisées tout au long de l’année au profit des jeunes ainsi que des autres populations-clés et vulnérables (PCV).
Ces actions incluent des campagnes de sensibilisation menées à travers différents canaux pour toucher un large public et des programmes de proximité avec notamment la mise en place d’activités communautaires pour atteindre directement les jeunes et les groupes vulnérables.
Il y a aussi la promotion du dépistage afin d’encourager les jeunes et les populations à se faire dépister, y compris par le biais d’associations locales. L’autre action que nous menons est la distribution de matériel de prévention, à savoir préservatifs, gel hydro-alcoolique, seringues et autres pour réduire la transmission du VIH.
Par ailleurs, nous avons également mis en œuvre, en partenariat avec le ministère de la Santé (MS), un projet intégré dans le cadre de l’élimination de la transmission de la mère à l’enfant avec le soutien des laboratoires MSD en Algérie. L’objectif de ce projet est d’améliorer l’accès aux services de prévention de la transmission mère-enfant du VIH (PTME) pour les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer.
- Estimez-vous important de renforcer la sensibilisation au niveau des écoles ?
Oui, il est absolument important de renforcer la sensibilisation au niveau des écoles. L’école doit être le premier lieu où l’on sensibilise et informe les enfants sur des maladies comme le VIH/sida.
Il est crucial d’intégrer cette éducation dans le programme scolaire, mais avec un discours adapté à leurs besoins et à leur niveau de compréhension, tout en respectant le contexte socio-culturel local. L’éducation précoce permet aux jeunes de mieux comprendre la maladie, de se protéger et d’adopter des comportements responsables.
Elle permet également de réduire la stigmatisation et les idées fausses entourant le VIH, en leur offrant les informations nécessaires pour lutter contre la discrimination. Il est essentiel que cette sensibilisation soit menée de manière à encourager la prévention tout en respectant les valeurs culturelles et les normes sociales, afin de garantir une meilleure acceptation et une meilleure compréhension des enjeux liés au VIH/sida.
- Pensez-vous que la stigmatisation est une des causes de la non-déclaration ?
Oui, la stigmatisation est sans aucun doute l’une des principales causes de la non-déclaration du statut VIH. Beaucoup de personnes porteuses du virus hésitent à se faire dépister ou à déclarer leur statut par crainte du rejet social, de la discrimination et de l’exclusion, tant dans leur cercle familial que professionnel.
Le regard négatif porté sur les personnes vivant avec le VIH, alimenté par des préjugés et des idées fausses, contribue largement à cette réticence. La peur de ne pas être pris en charge de manière digne et respectueuse dans les établissements de santé en dehors des structures spécialisées (comme les CDR) est également un facteur-clé.
La stigmatisation génère un climat de méfiance et de honte, ce qui empêche les individus de chercher un traitement et de se protéger, agissant ainsi comme un frein majeur à l’efficacité de la réponse au VIH/sida. Ainsi, il est crucial de lutter activement contre la stigmatisation et de créer des environnements plus inclusifs et bienveillants, où les personnes vivant avec le VIH se sentent soutenues et non jugées.
- Un accompagnement psychologique est-il essentiel pour ces malades ?
Oui, l’accompagnement psychologique est indispensable pour les personnes vivant avec le VIH. Cependant, il est important de souligner que ces individus ne sont pas nécessairement «malades» au sens strict du terme. En effet, si elles suivent correctement leur traitement, elles peuvent mener une vie en bonne santé, avec une espérance de vie comparable à celle de toute autre personne en Algérie.
L’accompagnement psychologique est crucial pour les aider à surmonter les difficultés émotionnelles et psychologiques liées au diagnostic, à la stigmatisation et à la discrimination. Il permet également de favoriser une meilleure acceptation sociale, en aidant les personnes à accepter leur statut, à gérer les défis associés à leur condition et à maintenir une bonne qualité de vie.
En outre, un soutien psychologique peut aussi jouer un rôle-clé dans la motivation à suivre le traitement antirétroviral de manière constante, ce qui est essentiel pour maintenir une charge virale indétectable et éviter la transmission du VIH. Un accompagnement psychologique adapté est donc un élément-clé pour améliorer le bien-être des personnes vivant avec le VIH et les aider à surmonter les obstacles sociaux et émotionnels.
- Comment maximiser l’efficacité des centres de dépistage du VIH ?
Les centres de dépistage jouent un rôle-clé dans la prévention et la lutte contre le VIH/sida, mais pour maximiser leur efficacité, plusieurs défis doivent être relevés. Il y a d’abord l’amélioration des horaires et de l’accessibilité.
Il faut savoir que les horaires d’ouverture des centres de dépistage ne sont parfois pas adaptés aux besoins de la population, ce qui peut limiter l’accès au dépistage. Il est donc important d’élargir les horaires et de rendre ces services accessibles à tous. Il y a aussi les ruptures de stock des tests. Ces ruptures récurrentes des tests de dépistage sont un problème majeur.
Il est essentiel de garantir un approvisionnement continu et fiable en matériel de dépistage pour éviter toute interruption des services. L’autre défi important est l’amélioration des lieux et des emplacements. Il faut savoir que les centres de dépistage ne sont pas toujours situés dans des endroits pratiques ou accessibles pour toutes les populations, en particulier pour les groupes vulnérables, comme les populations-clés.
C’est pourquoi j’estime essentiel que ces centres soient installés dans des lieux plus stratégiques, pour encourager davantage de personnes à venir se faire dépister. Enfin, il y a la lutte contre la stigmatisation. En fait, la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH reste l’un des obstacles majeurs.
Bien que la stigmatisation ne soit pas systématique dans les structures de santé, elle est parfois le fait de certaines personnes, ce qui peut dissuader les individus de se rendre dans ces centres. Heureusement, des efforts ont été faits par le ministère de la Santé pour promouvoir des textes réglementaires visant à réduire la stigmatisation et à garantir un traitement respectueux et non discriminatoire dans ces centres.
En résumé, pour améliorer l’efficacité des centres de dépistage du VIH, il est crucial de réduire les obstacles pratiques (horaires, ruptures de stock, localisation), mais aussi de lutter activement contre la stigmatisation en sensibilisant le personnel de santé et en créant un environnement d’accueil respectueux et sécurisé.
- Pensez-vous qu’il est possible d’éradiquer la maladie complètement ?
Il n’est pas réaliste d’éradiquer complètement le VIH/sida à ce stade. L’objectif est plutôt de réduire son impact sur la santé publique. Et cela implique de contrôler l’épidémie en réduisant les nouvelles infections à des niveaux très faibles en suivant les objectifs de l’ONUSIDA (95-95-95).
Cela passe aussi par prévenir la transmission mère-enfant. Dans ce sens, il est important de dire que l’Algérie a une vraie opportunité ici, car presque toutes les femmes enceintes passent par des structures de santé, ce qui permet un dépistage systématique. Mais qui ne se fait malheureusement pas.
Ce sont donc des occasions ratées. Réduire l’impact du VIH sur la santé publique passe aussi par la réduction de la mortalité, et cela, en garantissant l’accès aux traitements sans rupture pour que les personnes vivant avec le VIH aient une meilleure qualité de vie. Car on observe toujours des situations de rupture de traitements. Et, enfin, on en revient toujours à ce point, mais cela passe également par la lutte contre la stigmatisation, et cela, en réduisant les préjugés autour du VIH pour encourager le dépistage, l’adhésion aux traitements et l’accès aux soins.
Cela passe aussi par des campagnes d’éducation, la formation des professionnels de santé et des lois contre la discrimination. Malgré les défis comme les occasions perdues de dépistage et la stigmatisation persistante, ces objectifs sont atteignables avec des efforts coordonnés, une bonne mobilisation des ressources et un environnement inclusif.