Olivier Rives. Expert principal coordinateur et Chef de projet Pôle Soummam. Filière oléicole : "La mention huile sans résidus est prévue à partir de 2023 en Algérie"

30/06/2022 mis à jour: 05:00
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Photo : D. R.

L’objectif est de développer une oléiculture plus résiliente qui s’appuie sur des atouts, comme les variétés résistantes au changement climatique, le respect variétale et une bonne valorisation des coproduits. Il s’agit du programme PASA, (Programme d’Appui au Secteur de l’Agriculture), dédié au renforcement de trois filières stratégiques en Algérie (dattes, olive et maraîchage). Olivier Rive, chef de projet Pôle Soummam de la filière oléicole, le programme se donne le temps pour faire «convaincre» les Algériens à un apprentissage progressif de dégustation de l’huile d’olive. Entretien.

- Quel est l’objectif du programme PASA ?

Il s’agit en effet d’un projet de l’union européenne, débuté depuis 2019 et qui prendra fin en 2023 avec un budget 5 millions d’euro dédiés exclusivement la filière oléicole. Le programme est initialement destiné aux agriculteurs de Tizi ouzou, Béjaïa et Bouira pour ensuite élargir la zone sur cinq autres wilayas, à savoir Jijel, Bordj Bou Arréridj, Sétif, Médéa et Boumerdès. Au total, nous comptons 50 000 bénéficiaires comme producteurs de l’huile d’olive avec un millier de moulins dont 600 traditionnels et 400 autres modernes.

Faut savoir qu’il est difficile de faire une bonne huile d’olive de qualité avec un moulin traditionnel. Nous travaillons donc beaucoup sur l’amélioration de cette qualité en mettant sur place 46 conseillers en production et transformation. Nous avons ensuite un grand focus sur l’analyse, car en Algérie il y a une grande différence entre la qualité perçue et qualité avérée.

- Et c’est pour la qualité des olives que vous entamez justement l’installation d’un laboratoire de référence à Béjaïa. Quelles seront ses missions ?

Nous mettons en place une station de grande référence de l’huile d’olive à Sidi Aïch. Quatre laboratoire y seront installés, dont un qui sera chargé de mesurer les contaminant. Nous allons pouvoir livrer aux olé-facteurs des bulletins d’analyse où s’est mentionné «zéro résidus».

C’est notre objectif principal. J’insiste beaucoup sur cette question car c’est directement lié à l’agriculture biologique. Cette dernière a pris un retard en Algérie où il n’y a pas de dispositif de certification de bio. Dans notre programme, les travaux pour le labo démarreront en plein été et les première huile labialisées permettront aux producteurs d’afficher la mention bio est prévue dès le début de 2023. C’est notre pari. Les investissements matériels et immatériels solides sont déjà mis en place.

- Pourtant l’Algérie compte plusieurs variétés de qualité …

Il s’agit du deuxième volet de notre programme, beaucoup de variétés d’olives et d’huile existent dans le monde ou bassin méditerranéen. Et en Algérie, une collection variétale crée en 1947 maintenue et développée depuis, sur le site. 150 variétés dont 71 algériennes endogène, 36 inscrites au catalogue des variétés qui ont fait l’objet d’une publication de l’Olivier. Et 35 en cours d’inscription.

C’est la raison pour laquelle nous avons engagé une mission animée par la directrice du conservatoire de l’olivier en France, une spécialiste internationale, pour appuyer cette collection et améliorer la caractérisation des variétés algériennes. Un double intérêt est affiché pour une conservation génétique aux prochaines générations. Nous avons en effet tout un intérêt à favoriser les huiles de variétés endogène. Nous devons donc bien réfléchir avant de planter une variété.

- Un travail important doit aussi se faire pour aider ces variétés à résister aux changements climatiques. Quelle approche adoptez- vous ?

Nous sommes en train de mettre un programme pour l’anticipation la plus forte possible de protection de ces variétés aux changements climatique, dont beaucoup de verges de Kabylie sont soumis naturellement au stress hydrique. Nous avons une grande chance en Kabylie d’avoir l’olivier sauvage, exigeant peu d’eau dans les hautes montagnes. Ils se reproduisent tout seul. Ca vaut donc la peine de griffer ces «oléastres» parfaitement adaptables à la fois aux soles mais aussi au climat. Nous avons encore la chance de trouver des portes greffes naturels sur ces territoires, rencontrés rarement ailleurs.

- Vous portez aussi une démarche pour essayer de réduite l’alternance de la production…

L’Olivier a une production naturellement cyclique. Ca s’appelle le phénomène de l’alternance. Le programme PASA a un objectif de l’atténuer. Il n’est donc plus question d’avoir de grands arbres. Très intéressant de reprendre aussi la méthode de labourer al terre avec une paire de veaux. C’’est la meilleure méthode de travailler dans les vergers. Nous devons aussi lancer des formations pour revoir les méthodes de cueillette. Les battons généralement utilisés pour faire vibrer et tomber les olives sont très néfastes pour l’arbre d’ailleurs.

- Les sous-produits générés par les olives partent dans la nature comme déchets alors que nous pouvons les valoriser. Avez-vous un programme dans ce sens ?

C’est notre préoccupation d’ailleurs. D’abord je préfère dire les coproduits avec beaucoup de valeurs que nous souhaitons valoriser. Nous avons beaucoup de matière végétale abondante avec beaucoup de potentialités inexploitées. Et nous avons la chance d’avoir de porteurs de projets pour les grignons te margines. Une grande étude sur les grainons a été lancée à laquelle nous associons plusieurs départements ministériels.

Nous cherchons encore de porteurs de projets pour trouver les meilleures pratiques à adopter pour valoriser les coproduits de l’olive. Pour le moment, la réutilisation principale reste le composte. Mais, nous réfléchissons aussi à la possibilité d’alimenter le marché d’aliment de bétails, importé pour l’instant. Il faut aussi réfléchir aux pertes de l’huile. Le grignon n’est pas forcément bien pressé.

- Vous dites aussi que l’objectif est de se démarquer par la qualité. Quelles données avons-nous sur la qualité des olives et l’huile d’olive DZ ?

Une étude a été faite avec un grand diagnostic. La réalité sur les 1000 moulins dont la moitie sont traditionnels qui ne peut pas produire une bonne qualité d’huile. Car, les pratiques se sont dégradées. Autrefois par exemple, les gens récoltaient les olives mais pressent au moins de 48 heures, ce qu’il fait qu’un aucun taux d’oxydation ne s’est formé. Puis, autrefois, la conservation de l’huile se faisait dans des contenants saints alors qu’aujourd’hui le plastique fait des ravages. D’ailleurs tout un travail est en cours pour bannir le plastique.

Aujourd’hui, il faut une grande prise de consciences, si possible récolté d’une manière d’éviter de poser les olives pendant deux à trois jours en attendant de les presser pour gagner sur la qualité. Ensuite il faut favoriser des moulins modernes où y a zéro oxydation. Le niveau moyen de l’huile d’olive d’Algérie n’est pas bon. 80 % d’huile consommée en Algérie est courante. Notre objectif est de faire cette qualité à l’huile de vierge douce. Nous avons constaté que les Algériens n’apprécient pas l’huile de vierge extra. Une habitude alimentaire.

100 e journée internationale des coopératives

Le programme d’appui au secteur agricole en Algérie PASA s’associe avec la chambre nationale d’agriculture CNA pour célébrer le Coopsday : 100e journée mondiale des coopératives au siège de la CNA à Alger. Elle se tiendra samedi 2 juillet à Alger.

Pour le PASA, le Coopsday à Alger constitue la 1re journée d’un cycle de capitalisation sur l’évolution des coopératives agricoles en Algérie, avec la participation des coopératives agricoles, artisanales, féminines de la zone projet, mais aussi des témoins des succès stories de Sétif, Souk Aras, Biskra, Annaba qui témoigneront sur la valeur ajoutée économique et sociale de leurs initiatives.

Ce cycle PASA qui démarre le 2 juillet 2022, sera clôturé dans une année en Juillet 2023 par un grand atelier national dédié à la pérennisation des activités et entreprises du mouvement coopératif.

Bioexpresse

Olivier Rives est agroéconomiste et expert international senior en charge du pilotage du programme PASA-PS depuis mai 2020. Zootechnicien à l’origine il est diplomé de l’ESSEC Paris en management international agroalimentaire. Il a dirigé la fédération Sud (France) pendant 13 années, c’est dans cette fonction qu’il a accompagné les partenariats entre coopératives du Sud et du Nord de la méditerranée, en particulier en Algérie ou il est intervenu de nombreuses fois depuis les années 2000.

Pendant 10 années, il a piloté la business school des coopératives ESCAIA. Depuis 2015, passé à l’international, il a travaillé dans 14 pays sur les problématiques d’organisation de producteurs et de marketing territorial ; En Algérie il a particpé comme expert coopératif au programme PAP ENPARD, puis comme expert en économie sociale et solidairedans le programme PAJE et aujourd’hui comme chef de projet pour le PASA pôle Soummam dans la filière Oleicole.

Auteur en 2017 du «diagnostic et préconisations du système coopératif en Algérie» et en 2019 du «Plan de développement de l’économie sociale et solidaire en Algérie» ; fils, petit fils, arrière petit fils d’agriculteurs coopérateurs, il se dit «au service des paysans du monde» et «ami de l’Algérie depuis l’age de 16 ans», sa devise : «Le groupe est meilleur que le meilleur du groupe».


 

 

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