Nouvelle recomposition du pouvoir mondial : Tensions géostratégiques, mutations économiques et poids des BRICS

09/01/2023 mis à jour: 06:38
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L’annonce du risque d’une récession de l’économie mondiale en 2023 par le FMI, le poids croissant des BRICS ; la stratégie chinoise de la route de la soie les enjeux en Afrique, et les tensions Occident/Russie via l’Ukraine risquent de bouleverser la carte économique et géopolitique du monde. Dans ce cadre, l’adhésion de l’Algérie aux BRICS est un choix stratégique 

1.- Rappelons que le terme BRIC a été inventé par la société d’investissement Goldman Sachs le 20 novembre 2011 sur un rapport de l’ économie mondiale suivi d’un autre rapport en octobre 2003 «rêver avec les BRICS vers les années 2050» dans lequel il prévoit que les BRICS vont dominer l’économie mondiale et que les six premières puissances économiques du monde seraient la Chine, les Etats-Unis d’Amérique, l’Inde, le Japon, le Brésil et la Russie, les pays européens déclassés arrivant très loin. Créés par le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine en 2006, ils se sont transformés en BRICS après l’adhésion de l’Afrique du Sud en 2011. Le PIB pour 2021 est le suivant : – Brésil, (1608 milliards de dollars de PIB) Russie ( 1750 milliards de dollars de PIB) , Inde (3250 milliards de dollars de PIB) , Chine(,18460 milliards de dollars de PIB et des réserves change de plus de 3000 milliards de dollars) Afrique du Sud, (420 milliards de dollars de PIB). L’acronyme BRICSAM (en anglais) a été également utilisé pour y adjoindre le Mexique, sans qu’il soit membre de ce groupe, rejoints en tant qu’observateurs par la Thaïlande, l’Egypte, la Guinée et le Tadjikistan. Les BRICS en 2021 représentaient 45% de la population de la planète, près du quart de sa richesse et seraient à l’origine de plus de 50% de la croissance économique mondiale au cours des dix dernières années. N’oublions pas le poids économique d’autres pays asiatiques, le Japon 5383 de PIB pour une population de 126 millions, la Corée du Sud 1907 de PIB pour une population de 52 millions, l’Indonésie 1180 milliards de dollars de PIB pour une population de 274 millions, le Pakistan 264 milliards de dollars de PIB pour une population 221 millions , la Thaïlande un PIB de 540 milliards de dollars pour 70 millions d’habitants et le Vietnam du Nord 310 milliards de dollars de PIB pour une population de 122 millions d’habitants. Selon le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères que si la population totale des pays composant le G7 est d’un peu plus que 770 millions de personnes, que l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et les BRICS – représentant à eux seuls de facto la moitié de la population terrestre et plus d’un quart du PIB mondial abritent 4 des 10 principales économies mondiales en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat (Chine – 1re, Inde – 3e, Russie – 6e, Brésil – 9e) et quatre puissances nucléaires par la même occasion (Russie, Chine, Inde, Pakistan). En attendant un changement de tendance, où le poids croissant entre 2022/2030 des BRICS aura pour conséquence un profond changement du système économique et politique mondial, selon les données internationales, Europe/USA pour une population de moins d’un milliard d’habitants accapare 40% du PIB mondial en 2021. L’ Europe bien que déclinante, excepté l’Allemagne, reste une grande puissance économique avec une population de 440 millions d’habitants non inclus la Grande- Bretagne avec un PIB de 14  476 milliards Europe de 2021. En incluant la Grande-Bretagne qui a un PIB de 2695 pour une population de 69 millions d’habitants, nous aurons un total de 17 171 milliards de dollars et un PIB, les Etats-Unis d’Amérique ayant un PIB selon les prévisions pour 2022 de 24793 milliards de dollars pour 332 millions d’habitants, (voir Pr A. Mebtoul American Herald Tribune USA en anglais novembre 2018, face aux enjeux géostratégiques mondiaux, l’Algérie acteur majeur de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, et magazine Futuribles paris France juillet 2022, Guerre en Ukraine : quels scénarios à l’horizon 2025, collectif sous la direction de Marie Ségur).

2.- Bien que n’ayant pas, contrairement au G7, des affinités économiques, politiques et idéologiques, l’action des BRICS adopte des positions sensiblement communes sur des questions de relations internationales, dont la souveraineté nationale, la non-ingérence dans les affaires internes des pays, des problèmes d’environnement, du désarmement, de la non-prolifération nucléaire, des réformes des institutions internationales, du commerce international et d’autres problèmes économiques comme la sécurité alimentaire et énergétique ayant créé des instances de coopération telles que la Nouvelle Banque de développement et un mécanisme contingent de réserves de devises étrangères. Du point de vue des relations économiques alors que les États-Unis et l’Union européenne prônent la création de mécanismes d’évaluation des mesures contraignants pour les pays membres, les BRICS suggèrent une évaluation constructive et non contraignante des mesures d’application, prenant en compte la différence de développement dans les pays développés et les pays en développement. C’est également sous l’impulsion des BRICS que le G20 a transformé le forum de stabilité financière en conseil de stabilité financière, les BRICS ayant soutenu le rapport sur les G-SIFI pour réduire les risques moraux des institutions financières systématiquement et globalement importants, les fonds de couverture, le shadow banking, les produits dérivés financiers des marchés offshore et les agences de notation ayant été ramenés pour la première fois sous la supervision. Mais c’est pour échapper à la dépendance de l’hégémonie du dollar que les BRICS ont décidé de créer une nouvelle banque de développement à travers la contribution des banques centrales des BRICS, une partie des réserves de devises étrangères pourrait être concentrée, de même, par l’émission d’emprunts sur le marché financier international, on pourrait concentrer des fonds pour servir à la construction des infrastructures dans les BRICS. Les avantages de la Nouvelle Banque de développement seraient premièrement de mieux utiliser leurs devises étrangères afin de réduire le risque d’inflation et de rétrécissement de leur réserve de devises étrangères, et de mieux servir leurs économies réelles ; deuxièmement, les bénéfices que la banque de développement pourraient tirer de l’investissement dans les économies réelles et dépasseraient largement ceux que les banques centrales pourraient tirer de l’achat de bons du Trésor des pays développés, et l’investissement dans les infrastructures pourrait stimuler la demande intérieure de ces pays, entraînant la croissance économique ; troisièmement, la Nouvelle Banque de développement ferait la promotion de l’usage des monnaies nationales des pays membres, ce qui pourrait promouvoir le commerce intérieur et l’investissement réciproque de ces pays, réduisant ainsi la dépendance au dollar, bien qu’en baisse mais dominant dans les transactions internationales suivi de l’euro. En somme, la création de la Nouvelle Banque de développement traduit la volonté des BRICS . Conscient d’une rénovation de leur gouvernance interne, dont la lutte contre la corruptions, d’une manière générale, l’action des BRICS a permis de soulever des problèmes jusque-là ignorés par les pays développés dans un esprit dépassé de domination, comme le déséquilibre de l’économie mondiale, qu’il ne peut y avoir de développement global sans le développent et de prospérité de la majorité des pays en voie de développement, proposant de créer un partenariat global fondé sur le dialogue productif par une compréhension mutuelle et une coordination des efforts entre le Nord et le Sud afin de résoudre les nombreux défis de notre monde.

3.-Acteur stratégique au niveau des BRICS, le poids de la Chine ne cesse de croître au niveau de l’économie mondiale, l’Asie concentrant la majorité de la population mondiale estimée en 2022 à 8 milliard d’habitants avec 4 ,8 milliards d’habitants. La Chine à travers son action en faveur du renforcement du BRICS où il entend jouer le rôle de leader, entend développer sa stratégie de la nouvelle route de la soie afin de ressusciter la mythique route caravanière qui reliait, il y a près de 2 000 ans, Xi’an en Chine à Antioche en Syrie médiévale (aujourd’hui en Turquie), visant à relier économiquement la Chine à l’Europe et l’Afrique en intégrant les espaces d’Asie centrale par un vaste réseau de corridors routiers et ferroviaires. Par ce projet, la stratégie vise à ancrer l’Europe orientale et l’Asie occidentale par un vaste réseau d’ infrastructures, routes, chemin de fer, pipelines, câbles de fibres optiques et terminaux portuaires qui relieront les trois continents par terre et par mer où toutes les routes conduiront à Pékin. Ce qui explique la récente contre-offensive américaine et accessoirement de l’Europe en direction de l’Afrique, enjeu économique du XXIe, importantes richesses et un quart de la population mondiale horizon 2035/2040. C’est ainsi que le ministre chinois des Affaires étrangères a annoncé, lors du dernier sommet à Ryad, Chine-pays arabes, la formule de BRICS+ afin d’attirer de nouveaux membres. Selon le porte-parole du ministère sud-africain des Affaires étrangères, dont le pays assure la présidence, Clayson Monyela, le pays accueillera un sommet des BRICS en août 2023 où l’Algérie, l’Argentine et l’Iran ont déjà demandé à rejoindre les BRICS, tandis que l’Arabie Saoudite, la Turquie et l’Égypte ont annoncé leur intérêt à devenir membres du groupe. Le choix de l’Algérie à adhérer aux BRICS est un choix stratégique, son dossier devant être étudié à la prochaine réunion en août 2023, la Russie et la Chine ayant salué l’adhésion de l’Algérie à cette organisation économique internationale. Pour pouvoir jouer un rôle effectif au sein des BRICS, son commerce extérieur dont ses exportations étant actuellement orientées essentielles vers l’Europe, l’Afrique son espace naturel représentant environ 3 milliards de dollars, en 2021, elle doit selon le président de la République accélérer les réformes, doubler son PIB (minimum 400 milliards de dollars), qui a été en 2022 d’environ 180 milliards de dollars largement irrigué par la rente des hydrocarbures, s’adapter aux évolutions géostratégiques, par une nouvelle gouvernance et la maîtrise des nouvelles technologies, fondement d’entreprises compétitives. Le temps en économie ne se rattrape jamais  : après la mise en exploitation, sans compter les délais de réalisation, pour atteindre le seuil de rentabilité, il faut 2/3 ans pour les PMI/PME et 5/7 ans pour les projets hautement capitalistiques.

En conclusion, horizon 2025/2030, face à un profond bouleversement de l’ordre économique et géopolitique mondial où les chaînes d’approvisionnement se reconfigurent et les réseaux de paiement se fragmentent nous devrions assister à des rivalités entre les USA et la Chine dont le poids des BRICS sera déterminant. Avec la crise Occident via Russie/Ukraine ukrainienne et en Asie avec les tensions Chine/USA concernant l’avenir de Taiwan et bien d’autres conflits, le monde ne sera plus jamais comme avant, ( voir notre interview à la télévision ALG 24 NEW’S du 04 août 2022). L’impact du réchauffement climatique qui menace l’humanité, l’accélération de la transition énergétique et numérique, la crise alimentaire et son soubassement de la crise de l’eau, préfigurent une nouvelle architecture des relations internationales avec des incidences sur les plans politique, sécuritaire, économique, et sociale des nations. Abderrahmane Mebtoul

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