A Paris, Londres ou New York, de nouveaux collectionneurs de dessins anciens (XVe-XIXe siècles), âgés de 30 à 50 ans, arrivent sur le marché, attirés par une forme d’art qui «les fait voyager à travers le temps», selon des spécialistes du secteur interrogés par l’AFP.
Professionnels de la finance ou du droit, plus rarement startuppers bercés au numérique, «beaucoup ont découvert cette passion grâce aux ventes en ligne pendant les confinements», dit Louis de Bayser, président du Salon du dessin de Paris qui se tient jusqu’à lundi. «Nous avons vu arriver quelques-uns d’entre eux qui ont acheté des lots de plusieurs millions d’euros», confirme Hélène Rihal chez Christie’s Paris.
Soucieux de trouver «la perle rare» pour l’exposer dans leur salon, ces nouveaux collectionneurs s’intéressent «à l’esprit du dessin, qui leur permet de se projeter dans le temps à la période de création de l’artiste», ajoute M. De Bayser, marchand d’art qui a vendu une «feuille» de Johann Heinrich Füssli (XVIIIe siècle) à l’un de ces nouveaux collectionneurs.
A New York, Domenico Lanzara, 36 ans, employé d’une grande banque d’investissement américaine, adore les préraphaélites. Il parle avec passion de sa collection : «Une vingtaine de dessins anciens, majoritairement italiens des XVIe et XVIIIe siècles, qui s’enrichit depuis peu de dessins allemands du XIXe siècle».
«Voyager à travers le temps»
«Pour moi, c’est une manière d’échapper à la réalité en étant entouré d’objets qui me donnent l’illusion de voyager à travers le temps», explique-t-il. Connecté en permanence, il ressent aussi le besoin de revenir au papier physiquement à sa texture et aux marques du temps qui en font sa valeur et qui n’ont rien à voir avec l’art numérique, un univers virtuel où tout peut être modifié.
Au salon du dessin, Nathalie Motte Masselink, galeriste, distingue ceux qui cherchent des pièces rares, peu importe l’époque, et les très pointus, à la recherche d’un sujet très spécifique. Souvent «self-made men», ils sont prêts à dépenser beaucoup d’argent pour un dessin et très soucieux de l’authenticité de son attribution.
Contrairement à leurs aînés, qui conservent leurs trésors dans des cartons, ils les accrochent sur les murs, détaille-t-elle. Edwart Vignot, 53 ans, collectionne depuis ses 10 ans ces parts de bonheur qui pèsent quelques grammes avec une prédilection grandissante pour les chevaux.
Réseaux sociaux
Connaisseur du secteur et adepte des réseaux sociaux, il dit «voir émerger parmi les collectionneurs de nombreux étudiants en histoire de l’art». «Agés de 20 à 30 ans», ils ont peu de moyens et achètent des dessins pour quelques dizaines d’euros. Le confinement leur a permis de découvrir de petites signatures, même à Drouot, lors des ventes en ligne. Je le vois sur Instagram où ils postent des photos des dessins qu’ils chinent aux puces et dans les passages parisiens, dit-il.
C’est aussi sur les réseaux sociaux que Domenico Lanzara échange avec ses homologues à Londres et Paris. «On fait des recherches dans les bases de données, on s’échange des informations sur les prix. Quand on voit quelque chose et qu’on ne peut pas prendre un avion, on contacte une personne sur place qui va voir l’œuvre physiquement», dit-il, regrettant que le salon parisien dont il est adepte n’y ait pas plus recours.
Mais pour Emmanuel Marty de Cambiaire, marchand spécialisé, le marché du dessin ancien et les réseaux sociaux ne font pas bon ménage. «Ce sont certainement des accélérateurs de vente pour les petits prix mais vous ne vendriez jamais un Canaletto (Giovanni Antonio Canal, 1697-1768, peintre vénitien) comme celui-ci - estimé à plusieurs centaines de milliers d’euros - sur Instagram», dit-il.
Question de confiance, estime Sébastien Castel, 50 ans, habitué du salon du dessin où sa «passion dévorante» l’entraîne régulièrement. Internet, c’est pratique mais il faut toujours voir le dessin avant de l’acheter. «On découvre alors le plus extraordinaire : une feuille qui a 400 ans, qui a voyagé et traversé toutes les époques. C’est une plongée dans l’histoire qui ouvre beaucoup de portes», ajoute-t-il.