- Qu’est-ce qui vous a inspiré à associer les noms de chaînes montagneuses algériennes aux paysages martiens ? Etait-ce un hommage personnel ou une volonté de valoriser l’Algérie dans un contexte international ?
L’idée d’associer les noms des parcs nationaux algériens aux paysages martiens m’a semblé rationnelle et presque évidente. En effet, les paysages du Tassili N’Ajjer, du Djurdjura et des Gorges de Ghoufi se distinguent par leur beauté exceptionnelle et leurs caractéristiques géologiques uniques qui rappellent par certains aspects les terrains martiens, en particulier ceux du Tassili N’Ajjer. A travers cette initiative, mon objectif était certes de rendre un hommage personnel à ces trésors de la nature mais aussi et surtout de mettre en lumière la splendeur et la richesse exceptionnelles de notre pays tant sur le plan géophysique que culturel, tout en y ajoutant une dimension scientifique.
Ces parcs nationaux et d’autres incarnent qui se trouvent un peu partout en Algérie l’histoire ancestrale de l’Algérie, riche et diversifiée, et témoignent d’un patrimoine préservé au fil des âges. Ce sont de véritables joyaux intemporels, témoins de la résilience de notre peuple. J’espère que cette démarche inspirera d’autres initiatives visant à valoriser les parcs nationaux terrestres dont les noms ont été attribués à des lieux martiens.
Idéalement, ces actions devraient impliquer les populations locales, renforçant ainsi leur lien avec ces trésors naturels. En rapprochant les sciences naturelles, les sciences humaines et les cultures, cette initiative pourrait, je l’espère, contribuer à une meilleure compréhension et valorisation de notre patrimoine, sur Terre et au-delà.
- Quels défis avez-vous rencontrés pour faire accepter ces noms algériens dans un cadre scientifique international ?
Je n’ai rencontré aucune difficulté particulière, ce qui peut s’expliquer par deux raisons principales. Tout d’abord, depuis déjà quelques décennies, les communautés scientifiques se caractérisent par une ouverture quasi unanime et une volonté sincère d’inclusivité. Cette attitude repose sur un profond respect des échanges d’idées et des collaborations internationales, essentielles au progrès scientifique. La science transcende les frontières culturelles et géographiques, ce qui favorise une acceptation presque instinctive de propositions novatrices.
Ensuite, ces communautés valorisent activement la diversité culturelle et reconnaissent l’importance de représenter des lieux emblématiques issus de diverses régions du monde. Cela reflète une prise de conscience croissante que la richesse culturelle et naturelle de notre planète constitue une source inestimable d’inspiration et de connaissances. Ce sont de beaux et riches laboratoires de recherches à ciel ouvert !
- Quelles émotions avez-vous ressenties en voyant des noms de montagnes algériennes associés à une planète aussi emblématique que Mars ?
Voir des noms de montagnes algériennes associés à une planète aussi emblématique que Mars a éveillé en moi un mélange de fierté, d’humilité et d’émerveillement. Ces parcs nationaux algériens riches en biodiversité et en histoire, sont ainsi liés à l’exploration spatiale, grâce au travail collectif de scientifiques venant des quatre coins du monde. Cette initiative montre à quel point la science est profondément enracinée dans son milieu naturel : la nature.
Ces noms, choisis pour représenter des lieux emblématiques de notre planète, rappellent que la science et la nature sont intimement liées. Pour moi, c’est un pont symbolique entre le local et l’universel, entre la préservation de nos trésors terrestres et notre quête de connaissances. Ce moment est aussi un hommage à la collaboration internationale et à l’importance de valoriser notre patrimoine naturel.
- Comment percevez-vous l’impact de cette reconnaissance sur l’image de l’Algérie dans le domaine scientifique mondial ?
Il est encore trop tôt pour mesurer pleinement l’impact de cette reconnaissance sur l’image de l’Algérie dans le domaine scientifique mondial. Cependant, je nourris de grands espoirs pour son avenir, sans quoi, je n’aurai pas entrepris cette démarche.
A mon humble avis, cette initiative a le potentiel d’inspirer les jeunes Algériens et Algériennes à s’intéresser davantage aux études scientifiques, tout en se rappelant que nos parcs nationaux sont de véritables trésors, à la fois naturels, culturels et scientifiques, qui méritent d’être étudiés, valorisés et protégés.
Cette reconnaissance dépendra en grande partie de leur engagement. Ce n’est qu’en adoptant une démarche rationnelle et continue que cette reconnaissance pourra s’inscrire dans la durée et devenir un héritage qui pourra servir les générations futures.
- Pensez-vous que ce type de projet peut servir de tremplin pour des collaborations scientifiques entre l’Algérie et des institutions internationales comme la NASA ou l’ESA ?
Je pense que ce type de projet reste symbolique. C’est une goutte dans l’océan des efforts nécessaires à produire pour établir et/ou renforcer des collaborations scientifiques solides entre l’Algérie et des institutions comme la NASA ou l’ESA. Cela dit, c’est une goutte qui peut en attirer une autre, puis une autre et qui pourrai, je l’espère, permettre d’entrevoir des opportunités de collaborations, et à explorer davantage les synergies possibles, notamment en matière de recherche scientifique, d’éducation et de sensibilisation à l’environnement.
Bio Express
Professeur de physique à l’université de Massachusetts Lowell, doyen du Kennedy College of Sciences Membre des missions Curiosity et Perseverance. Il est fellow de l’American Physical Society, Optica et l’American Association for the Advancement of Science