Nos frangins, dernier triptyque consacré à l’immigration : Rachid Bouchareb sort la grosse artillerie cinématographique

16/09/2023 mis à jour: 00:13
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Le film de Rachid Bouchareb est basé sur l’histoire de Malik Oussekine tué à l’âge de 22 ans par des policiers - Photo : D. R.

Les images d’archives insérées, comme à brûle pourpoint, sont là pour rappeler que l’on n’est pas en mode fiction.

Nos frangins, le dixième long métrage de Rachid Bouchareb, est le dernier d’un triptyque consacré à ce qu’a subi l’immigration algérienne en France. Il y rapporte ce qui s’est appelé dans les médias l’affaire Malik Oussekine, une «bavure» policière commise contre un jeune d’origine algérienne qui, de surcroît, la nuit du 5 au 6 décembre 1986, n’était impliqué en rien dans les manifestations estudiantines opposées à une réforme de l’éducation.

Malik périt à la suite d’une brutale intervention d’une brigade de voltigeurs, des couples de policiers à moto, dont l’un conduit et l’autre, installé à l’arrière, bastonne à la volée sans retenue, armé d’un redoutable gourdin. Le scandale a été tel que ce corps de répression a été dissous. Néanmoins, il a été reconstitué presque deux décennies après à la faveur des manifestations des gilets jaunes.

D’où le film coup-de-poing de Bouchareb qui, à l’occasion, y rappelle une autre bavure commise au même moment contre Abdel Benyahia mais passée sous silence, d’ailleurs les policiers impliqués dans les deux affaires n’ont jamais été punis. Bouchareb, qui venait de réaliser son premier long métrage en 1985, avait pris date pour en faire témoignage le moment venu, lui dont la préadolescence avait été durablement marquée par ce qui se racontait lors des massacres, un certain octobre 1961, contre de paisibles manifestants algériens pour l’indépendance.

Il lui a semblé important de rappeler d’abord ce qu’ont vécu les grands parents desvictimes, ceux qui ont combattu le nazisme pour libérer la France, ce qui a donné Indigènes, en 2006, vingt ans après. Puis, en 2010, c’est le tour des parents avec Hors la loi, qui restitue les affres de la guerre d’Algérie s’invitant en France même. Enfin, le dernier du triptyque est dédié aux petits enfants. Et alors que dans les premiers, Bouchareb a privilégié la forme de la fresque, plutôt consensuelle, même si Hors la loi a réveillé les vieux démons des pro-Algérie française, avec Nos frangins, le petit enfant Bouchareb sort la grosse artillerie cinématographique.

Il y a du André Cayate pour l’aspect réquisitoire, mais en plus somptueux. La caméra est nerveuse, le montage heurté, en parallèle parfois. Les mages d’archives insérées, comme à brûle pourpoint, sont là pour rappeler que l’on n’est pas en mode fiction.

La colère de Rachid perce à gros bouillons mais reste digne à l’instar des personnages des parents. Du grand art comme dans ces séquences renvoyant une brutalité inouïe soulignée par une surprenante musique venant en contre poing plutôt qu’en contre point. Mais le titre du film et la chanson de Renaud sont là pour rappeler à la fraternité et la solidarité entre opprimés. Enfin, les comédiens ? Tous d’une rare justesse dans pourtant un film tourbillon. Plus précisément, si les têtes d’affiche Réda Kateb et Lyna Khouidri sont égaux à eux-mêmes, Samir Guesmi est impressionnant dans un rôle de composition.

 


 

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