La mise à l’écart qui frappe plusieurs artistes russes en Occident depuis l’invasion de l’Ukraine, dont la soprano superstar Anna Netrebko, relance le débat sur le bien-fondé et l’impact des boycotts culturels.
En deux semaines seulement, en Europe et aux Etats-Unis, les déprogrammations d’artistes et de compagnies russes sur les scènes new-yorkaise, londonienne, allemande, italienne, française ou polonaise, font surgir pour les arts russes la menace d’un isolement culturel.
Du jamais-vu pour Moscou, même au plus fort de la Guerre froide. Anna Netrebko, critiquée pour sa complaisance supposée envers le président Vladimir Poutine, a quitté le 3 mars le Metropolitan Opera de New York où elle devait se produire au printemps et à la saison prochaine. Le chef d’orchestre Valery Gergiev, proche du Kremlin, a été limogé le 1er mars de la direction de l’Orchestre philharmonique de Munich.
Dernière victime en date: le chef d’orchestre Pavel Sorokin a été écarté lundi du Royal Opera House de Londres. A Paris, la Philharmonie va annuler la venue d’artistes ayant eu des positions favorables à M. Poutine. Même si les conséquences de ces mises à l’écart sont pour l’instant difficile à évaluer, elles rappellent les mouvements internationaux contre l’apartheid en Afrique du Sud et Israël dans les Territoires palestiniens occupés (Boycott, désinvestissement, sanctions - BDS).
Dans ces deux cas, des artistes étaient visés ou sommés de prendre position contre ces Etats. Pour Jane Duncan, de l’université de Johannesburg qui travaille sur le boycott culturel comme «agent du changement politique», les campagnes visant à isoler un pays de la communauté culturelle et sportive internationale peuvent être «très efficaces grâce à leur énorme impact psychologique». D’autant que la «Russie est depuis des siècles fière de ses réussites intellectuelles, artistiques et sportives.
C’est devenu une partie de son identité, son ‘soft power’ dans la mondialisation», analyse la chercheuse pour l’AFP. Mme Duncan pense même qu’un «boycott culturel pourrait doper la contestation qui a surgi en Russie contre l’invasion de l’Ukraine» décidée par le président russe. Mais pour Frédéric Lodéon, violoncelliste français élève du célébrissime violoncelliste et chef d’orchestre russe Mstislav Rostropovitch, «Poutine se moque absolument de ce que les artistes russes subissent en Europe, ce n’est pas leur boycott qui va changer son agressivité». Emilia Kabakov est une artiste ukrainienne multidisciplinaire qui travaille à New York avec son mari depuis des décennies.