Netanyahu se résout à reparler de négociations : La pression s’accentue sur Tel-Aviv

25/05/2024 mis à jour: 23:33
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Après de lourdes déconvenues diplomatiques, que même le puissant bouclier américain n’arrive plus à lui épargner, et l’entrée en lice des juridictions internationales que sont la CPI et la CIJ, il y a comme un air de démence qui s’empare de la classe politique dirigeante en Israël.

Bezalel Smotrich, le ministre des Finances israélien, a annoncé avant-hier un nouveau gel unilatéral de versement des revenus fiscaux et douaniers à l’Autorité palestinienne (AP), en guise de protestation contre… la toute récente reconnaissance d’un Etat palestinien par trois pays européens.

Le ministre d’extrême droite, partisan acharné d’un plan de colonisation intégral, utilise le levier des finances depuis son accession au gouvernement en 2022, pour mettre définitivement à genoux l’instance déjà chancelante présidée par Mahmoud Abbas. Son leitmotiv depuis le 7 octobre dernier est de couper complètement les vivres à la Cisjordanie et de maintenir la pression au sein de l’Exécutif pour une occupation totale de Ghaza.

La mesure annoncée est accompagnée de la menace de bloquer les quelques canaux bancaires qui permettent des mouvements financiers, de et vers les territoires occupés, avec l’objectif d’y paralyser la vie sociale (non-paiement des salaires, faillite des distributeurs d’énergie, effondrement du système de santé…). Un rapport de la Banque mondiale, publié jeudi dernier, estime que l’Autorité palestinienne (AP) est aujourd’hui au bord de l’asphyxie financière.

Clôturant l’année écoulée sur un déficit de 682 millions de dollars, l’institution qui fait office d’embryon d’Etat palestinien, legs rachitique des Accords d’Oslo, devrait voir ses malheurs sérieusement s’aggraver durant l’année en cours, puisque le rapport s’attend à un doublement du déficit précédent à hauteur de 1,2 milliard de dollars.

Mais les choses pourraient aller plus mal encore. Les projections prennent en compte le contexte de guerre qui, même en ayant comme théâtre l’enclave de Ghaza, aire géographique non administrée par l’AP depuis 2007, impacte lourdement l’économie rudimentaire des autres lambeaux de territoires palestiniens. Elles ne peuvent pas cependant anticiper les caprices du gouvernement israélien qui régulièrement, depuis quelques mois, fait du non-reversement des revenus fiscaux collectés, tel que prévu par les accords signés, un moyen de sanction contre les Palestiniens.

Dans la foulée, le leader du Parti sioniste religieux s’agite pour amener le gouvernement à décider des sanctions contre les représentants consulaires de Madrid et des autres Etats européens ayant annoncé reconnaître une entité palestinienne avec ses attributs et ses ambitions de souveraineté contrariés par l’occupation. Smotrich et ses acolytes du gouvernement, un des plus extrémistes depuis la greffe du corps étranger sioniste dans le territoire palestinien, voit son objectif d’enterrer définitivement la solution à deux Etats s’éloigner à la faveur du retour de l’option sur la scène internationale et l’initiative prise, il y a quelques jours, par l’Espagne, l’Irlande et la Norvège.

Après de lourdes déconvenues diplomatiques, que même le puissant bouclier américain n’arrive plus à lui épargner, l’entrée en lice des juridictions internationales que sont la CPI et La CIJ, il y a comme un air de démence qui s’empare de la classe dirigeante à Tel-Aviv, sa composante prédisposée de l’extrême droite en particulier.

L’enfer Rafah

Avant-hier, et pour un peu lâcher quelques gages de modération après des semaines de blocages et calmer un tant soit peu la tempête qui menace de souffler sa cohésion, le cabinet de guerre a decidé d’élargir les compétences et les champs d’intervention de la délégation de négociateurs israéliens. Il vient de la charger de mettre au point une proposition dans l’immédiat pour l’échange de prisonniers.

A chaque fois que la crise politique culmine en Israël, ou que ses relations connaissent un pic de tension avec Washington, la voie des négociations pour une trêve de longue durée à Ghaza est évoquée pour faire tomber la pression. Le chef de la CIA a en tout cas repris du service pour relancer des pourparlers. William Burns devait avoir des entretiens hier avec le Premier ministre qatari et le chef du Mossad à Paris.

Le président français, Emmanuel Macron, devait pour sa part recevoir les chefs de la diplomatie de l’Arabie Saoudite, la Jordanie, l’Egypte et le Qatar pour discuter des moyens de parvenir à un «cessez-le-feu» à Ghaza. Les derniers efforts pour parvenir à un cessez-le-feu négocié ont buté il y a deux semaines sur l’obstination de Netanyahu à lancer une offensive contre Rafah.

Offensive qui tourne d’ailleurs au fiasco militaire pour l’armée israélienne, incapable jusqu’à présent de démanteler les fameux quatre bataillons de combattants du Hamas et de faire face à la résurgence de foyers de résistance, théoriquement déjà neutralisés, plus au nord de l’enclave.

Les opérations militaires ont juste servi pour l’heure à provoquer une autre errance massive des populations et aggraver la situation humanitaire ; de même qu’elle a davantage compliqué le cas de l’Egypte voisine et fragilisé sa posture de funambule cherchant à tout prix à éviter la confrontation, tout en veillant à l’intégrité de ses frontières et à la stabilité d’un front intérieur très peu convaincu de l’attitude de son gouvernement vis-à-vis du conflit.

Des rapports des services de renseignement israéliens, fuités dans la presse, admettent pour leur part une situation compliquée sur le terrain, et l’impossibilité opérationnelle d’anéantir le Hamas tel que martelé par Netanyahu pour justifier la poursuite de la guerre. Dans le même contexte, ressurgit la polémique sur la responsabilité du gouvernement lors des assauts des Brigades Al Qassam le 7 octobre 2023.

Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, affirme que Netanyahu et lui-même ont été destinataires de rapports faisant état d’un mouvement inhabituel du côté du Hamas et qu’il fallait s’attendre à des actions. Le Premier ministre israélien a répondu dans la même journée pour affirmer qu’il n’a été destinataire d’aucun rapport des services de renseignement en dehors de ceux qui ont continué à lui assurer, à la veille même du 7 octobre, que le Hamas n’avait plus les moyens d’entreprendre une opération militaire. 

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