Le groupe TF1 a offert une tribune de choix au Premier ministre israélien pour tenter de requinquer son image et briser l’isolement dans lequel l’acharnement sanguinaire contre Ghaza a fini par envaser son gouvernement.
La démarche provoque une polémique en France et de franches condamnations ailleurs, et soulève de vraies questions concernant la posture éthique des soutiens, non seulement dans les médias mais aussi dans tout le système politique occidental.
Il est évident que la vague d’indignation de plus en plus massive dans le monde, face aux crimes que commet à grande échelle la machine de guerre de Tel-Aviv depuis octobre dernier, pose problème à l’establishment israélien, malgré son aplomb affiché et ses prétentions de pouvoir souverainement se passer de l’avis de l’opinion internationale et sa communauté diplomatique. Il semble également que Netanyahu sent bien le vent tourner dans ce camp occidental, pourtant historiquement acquis à la cause israélienne et qui s’est pour le moins surpassé pour le démontrer durant ces huit derniers mois d’horreur intégrale à Ghaza.
L’officialisation de la reconnaissance par l’Espagne, la Norvège et l’Irlande de l'Etat de Palestine il y a quelques jours et les débats au moins non hostiles que l’initiative suscite dans des pays européens jusque-là peu ouverts à la question ont sans doute sonné l’alerte dans l’Etat hébreu et conforté toutes les voix qui, en son sein, redoutent les conséquences du jusqu’au-boutisme du Premier ministre et sa coalition d’extrême droite.
Enfin, l’inédite épée de Damoclès que fait suspendre au-dessus de la tête de Netanyahu la possibilité de mandats d’arrêt de la CPI pour crime de guerre complète ce tableau de déconvenues stratégiques pour le pouvoir israélien appelant une réaction de survie de son Exécutif.
En choisissant la France, Netanyahu n’a pas seulement compté sur les faveurs, voire complicités, jamais démenties depuis au moins le début de la guerre en cours, des médias mainstream français. LCI, fleuron dédié à l’information dans le groupe TF1, a mis sa grande audience au service des thèses de Tel-Aviv et mobilisé ses chroniqueurs et experts pour conforter une production journalistique systématiquement orientée. L'adresse du Premier ministre israélien a visé concrètement le pays qui compte la plus grande communauté juive dans le monde, l’un des Etats les plus impliqués dans l’obsessionnelle lutte contre l’antisémitisme, en misant également sur son influence réelle ou supposée sur l’univers francophone. «Notre victoire est votre victoire.
Notre victoire est la victoire d’Israël contre l’antisémitisme. C’est la victoire de la civilisation judéo-chrétienne contre la barbarie. C’est la victoire de la France.» Cet extrait du discours télévisé est suffisamment explicite pour renseigner sur les objectifs de l’exercice de communication de la primature israélienne. Il ne s’adresse donc pas au camp de plus en plus large des soutiens gagnés par le scepticisme, y compris en Europe, mais à une nation censée partager la matrice civilisationnelle et le destin commun avec l’Etat hébreu pour l’appeler à la rescousse.
Intervenant dans un contexte qui voit Emmanuel Macron tenter de rééquilibrer la position de la France sur le conflit et refaire un peu de «politique arabe», après des mois d’alignement sur Tel-Aviv (soutien à la récente proposition algérienne sur un cessez-le-feu, vote favorable à la reconnaissance d’un Etat palestinien à l’AG de l’Onu, condamnation ferme des derniers massacres, appui à la CPI…), le discours sonne même comme un appel à la classe politique française pro-israélienne de freiner les nouveaux élans de l’Elysée.