Neïla Romeyssa, romancière : Brûleurs ou… de l’illusion à la désillusion ?

09/03/2023 mis à jour: 00:10
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Neïla Romeyssa, romancière

Créatrice du média Commun Exil où elle recueille des témoignages de personnes exilées et du podcast «Algéroisement vôtre», qui raconte son enfance à Alger, Neila Rommeyssa raconte, dans son premier roman Brûleurs (harraga), à travers Salim, tout le drame des jeunes Algériens, dont le rêve est de traverser la Méditerranée… irrégulièrement.

Suffoqué par un horizon brumeux, mais bercé par son énergie, son objectif (son illusion ?), Salim, une fois sur l’autre rive, baignera-t-il dans l’euphorie, croisera-t-il un meilleur destin ou affrontera-t-il  sa déconvenue ?

«De sa fenêtre, Salim regarde la mer, le mouvement des vagues, et enfin il se sent vivre…» Un incipit qui incite à l’optimisme, à l’imagination féconde, à la rêverie…

Il se donne raison, un prétexte pour prendre la mer «… Ici à Alger, le soleil brille, mais le quotidien est gris. Pas de boulot. Pas de perspectives ni d’espoir…»

Mais, Salim sait-il qu’en Occident, le quotidien des migrants est «accompagné» de contrôles de police, de propos racistes, de discussions xénophobes, du mal-être ?

Pourtant, tous qui partent en Europe ne sont pas démunis ou chômeurs, beaucoup d’entre les jeunes ont abandonné leur travail et leur «quiétude» pour cette aventure. Qu’est-ce qui les motive, en fin de compte ?

La jeune auteure, qui s’intéresse à cette actualité, à la thématique, apporte un regard nouveau à ce débat qui n’en finit pas. Neïla tente de contribuer à remettre l’humain au cœur de la discussion et répond à notre questionnement : «J’ai côtoyé des harraga à Paris et ils m’ont narré des bribes de leurs traversées, mais je n’en ai jamais eu une en entier. Moi qui m’intéresse beaucoup aux émotions engendrées par l’exil, j’ai voulu m’intéresser à leur histoire. Et au fil de nos rencontres, j’ai compris que ces jeunes s’en vont non pas pour des raisons de pauvreté, leurs vies ne sont pas toujours ‘à plaindre’. Ils s’en vont parce qu’ils veulent vivre dans un monde meilleur, et surtout ils veulent pouvoir jouir de leur liberté. Et ils s’en vont de cette façon en étant conscients du danger, ils traversent la mer au détriment de leurs vies parce que justement, cette liberté-là, elle n’a pas de prix. D’une façon ou d’une autre, le mythe de l’eldorado existe toujours. Salim, le personnage principal du roman le dit, il ne se sent pas exister, c’est un désillusionnaire.» Il a l’impression qu’il ne compte pas dans sa terre natale, il se sent vide. Alors, il s’en va. La harga était sa dernière carte après avoir essuyé plusieurs refus de visas…

Brûleurs, un roman écrit avec un style simple, mais poétique et d’une grande beauté.

A lire avec délectation !

Brûleurs. Neïla Romeyssa 177 pages Editions JC Lattès (février 2023)

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