La Journée internationale de la liberté de la presse s’est déroulée dans le deuil cette année. Un deuil silencieux, sous le signe de la peur et d’une conscience de la finitude de celui qui se rend à l’évidence qu’il va mourir jeune.
Les journalistes disparus en nombre en 2021-2022, souvent prématurément, font écho à un crépuscule tragique d’une profession qui perd ses éléments comme un arbre qui se meurt et perd ses feuilles, inexorablement. Chômage, pauvreté, stress extrême ont fait de ces journalistes des cibles faciles pour la mort et ses causes, à leur tête la Covid-19.
La précarité est un signe chronique que porte en lui «ce voleur qui…», une précarité gâtée par le corps d’enfant de cette presse qui, finalement, contient, à lui seul, les signes infaillibles d’un défaut d’infini. Naissance prématurée, traumatismes, asphyxie, en plus d’un environnement hostile, la presse algérienne est exposée aux mêmes causes de la mortalité infantile.
En général, notre pays, depuis qu’il est indépendant, fait en sorte de réduire la mortalité infantile en combattant les causes et en améliorant la qualité de vie des populations. Un enjeu stratégique assumé de manière doctrinale. La presse algérienne si jeune pourtant et si vulnérable ne bénéficie pas hélas de cette considération, malgré la preuve de son utilité nationale ; malgré ses sacrifices.
Entre 1993 et 1997, 100 journalistes et travailleurs de presse ont été tués en Algérie par les terroristes islamistes. Et l’actualité nous fait rappeler cet épisode effroyable. En moins spectaculaire. Le tragique est le même en effet.
Seules les causes changent. Les cadavres de journalistes et de médias s’amoncellent sur le chemin de la République post-Octobre 1988. C’est l’histoire de la presse indépendante en Algérie (indépendante ou privée, c’est selon). Dès sa naissance, cette presse pourtant résiliente, pleine de vigueur et d’intelligence, flirte avec la mort, entre le marteau du terrorisme islamiste et l’enclume du pouvoir politique.
La crise économique et la crise de modèle achèvent de laminer les plus résistants des médias. L’année 2022 est si triste. Liberté a disparu à l’âge de 30 ans à peine, allongeant la liste macabre de ces journaux si prometteurs qu’étaient Le Matin, La Nation, La Tribune… Beaucoup d’autres sont partis en silence et beaucoup sont à l’article de la mort.
En somme, un holocauste médiatique que les quelques hirondelles peinent à faire oublier. Honneur à nos consœurs et à nos confrères disparus cette année, et honneur à celles et à ceux qui continuent à faire preuve de génie et de résilience ici et là, à briller même, à redoubler d’ambition et d’initiative.