Mouadh Tabainet. Président de l’Association nationale des pharmaciens algériens (Anpha) : «La coordination entre les différents intervenants du secteur pharmaceutique est indispensable»

25/08/2022 mis à jour: 16:55
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Photo : D. R.

Dans l’entretien accordé à El Watan, Mouadh Tabainet, président de l’Anpha, revient sur l’instruction adressée par le ministère de l’Industrie pharmaceutique afin de mettre toutes les quantités disponibles des stocks de médicaments actuellement «sous tension» à la disposition des officines. Il explique que l’activité en général baisse pendant cette période des congés annuels, où les établissements pharmaceutiques fonctionnent avec le minimum de leurs effectifs. «La coordination entre les différents intervenants est plus qu’indispensable pour réduire les alertes sur les produits anticancéreux ou la disponibilité de ces derniers. Les tensions sur ces produits sont dues à d’autres causes spécifiques, comme les budgets des structures hospitalières et leur solvabilité envers la PCH, le code des marchés publics qui reste figé même devant l’acquisition de ce genre de produits sensibles et l’enregistrement des nouvelles thérapies qui relève de la responsabilité de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP)», note-t-il.

  • Le ministère de l’Industrie pharmaceutique a annoncé avoir instruit l’ensemble des établissements pharmaceutiques (de fabrication, d’importation et de distribution de gros), de mettre toutes les quantités disponibles des stocks de médicaments actuellement «sous tension» à la disposition des officines. Un commentaire ?

L’instruction, qui concerne les produits déclarés disponibles ou leurs matière premières disponibles selon les programmes d’importation signés par les services du ministère de l’Industrie pharmaceutique, vise en quelque sorte à sensibiliser les établissements pharmaceutiques sur l’urgence d’accélérer le déstockage du maximum de quantités disponibles.

Permettez-moi juste de vous rappeler que l’activité en général baisse pendant cette période des congés annuels où les établissements pharmaceutiques fonctionnent avec le minimum de leurs effectifs. Nous allons régler la disponibilité de certains produits, mais la priorité est d’augmenter la performance et la coordination entre les différents intervenants pour arriver à anticiper. C’est d’ailleurs notre objectif prioritaire au sein de l’Observatoire national de veille sur la disponibilité des produits pharmaceutiques dont l’Anpha est membre actif.

  • La question des pénuries de médicaments se pose périodiquement, faisant même réagir le président de la République qui a donné des instructions à l’Inspection générale de la Présidence pour enquêter sur les raisons de «la pénurie de certains médicaments qui ne devrait pas exister». Quels sont les médicaments les plus touchés ? A quoi cela est-il dû ?

Les pénuries de médicaments sont un fléau mondial récurrent et chronique. Ce n’est pas une exception algérienne.

On doit enquêter et limiter comme on peut un tel phénomène. Mais il faut convenir qu’aucun programme ou solution magique ne peuvent juguler définitivement ce phénomène. Les crises mondiales qu’on connaît actuellement sur les plans géopolitique, économique et sanitaire impactent négativement le marché des produits pharmaceutiques partout dans le monde.

Les sources d’approvisionnement en matières premières sont monopolisées, les variables de taux de change, les coûts du fret aérien et maritime et d’autres paramètres non maitrisables vont changer tout l’avenir du domaine pas uniquement la disponibilité.

Techniquement et en interne, on aura encore d’autres problèmes techniques dans les process de fabrication, dans les procédures d’enregistrement et de validation des dossiers dans un marché de distribution qui nécessite encore plus de restructuration et de surveillance.

Ce créneau, qui a commencé par un principe social d’Etat de «distribution et de répartition équitable des produits à travers le territoire national», a connu une transformation radicale vers un marché libre qui positionne le plus fort financièrement au détriment des autres acteurs ; tout simplement on distribue mais on répartit mal ce qui est disponible.

Pour revenir aux produits sous tension, il s’agit des différentes aires thérapeutiques, principalement les collyres et les gouttes auriculaires, certains antibiotiques et produits de certaines maladies chroniques et produits de large consommation publique et d’achat libre en pharmacie.

L’augmentation de la demande sur certains produits est inévitable avec cette nouvelle vague légère de Covid-19 ; nous allons actualiser la liste à la prochaine session de l’Observatoire qui ne va pas tarder.

  • La problématique récurrente des ruptures se pose particulièrement pour les médicaments contre le cancer. Qu’en est-il au juste ?

Vous touchez maintenant à la partie la plus sensible dans l’histoire et qui concerne une population qui n’a pas assez d’alternatives thérapeutiques si une substance connaît une tension ou une pénurie ; c’est la discipline la plus touchée par certaines anomalies de coordination multidisciplinaire.

La responsabilité de la disponibilité de ces derniers concerne bien d’autres secteurs et pas uniquement l’industrie pharmaceutique, le ministère de la Santé, à travers le distributeur exclusif des hôpitaux, la PCH (Pharmacie centrale des hôpitaux), joue un rôle important dans la gestion de la disponibilité de ces produits sensibles. La coordination entre les différents intervenants est plus qu’indispensable pour réduire les alertes sur les produits anticancéreux ou la disponibilité de ces derniers.

Les tensions sur ces produits sont dues à d’autres causes spécifiques, comme les budgets des structures hospitalières et leur solvabilité envers la PCH, le code des marchés publics, qui reste figé même devant l’acquisition de ce genre de produits sensibles, et l’enregistrement des nouvelles thérapies qui relève de la responsabilité de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP).

  • L’Anpha plaide pour la réalisation d’une cartographie des besoins en vue de «dépasser ces problèmes et assurer une autosuffisance via le développement de la production nationale». Le projet a-t-il été mis en place ?

Le projet a démarré. Il nécessite la coopération de différents secteurs. Nous avons besoin encore de la volonté et du dialogue et de l’ouverture vers les initiatives des partenaires sociaux pour partager cette lourde responsabilité ensemble.

Les journées de l’Anpha prévues en octobre prochain vont donner un nouveau souffle au projet et on va sortir certainement avec des recommandations bien étudiées et concertées pour atteindre notre objectif commun : la santé et le bien-être du citoyen algérien. 

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