Les villageois d’Amizour et de Tala Hamza ont organisé, avant-hier, un rassemblement au village Ibezghichen (Merdj Ouaman), à 18 km à l’est de Béjaïa, pour réaffirmer leur rejet du projet de l’exploitation de la mine de zinc et de plomb, localisée sur leur territoire. A l’issue de cette action, une réunion a été tenue sur place. C’est la deuxième depuis l’annonce de la relance du projet par le ministère de l’Energie et des Mines.
Cette rencontre, selon Kamel Aïssat, universitaire et habitant de la région, «est ouverte à toutes les associations des régions et au-delà afin de mettre en place une structure de coordination et élaborer un programme d’actions pour interpeller les pouvoirs publics quant au rejet de la population de ce projet».
C’est également une occasion, ajoute notre interlocuteur, «pour sensibiliser la population contre les retombées sanitaires, sociales et économiques néfastes, qui n’ont pas été divulguées dans leur totalité par le comité scientifique des entreprises, sur cette zone rurale».
Face aux risques avérés sur l’environnement et la population, «il est urgent d’instaurer immédiatement un moratoire à ce projet, manifestement porteur de gros risques, afin d’épargner à Oued Amizour et à la région une éventuelle tragédie», à suggéré le Dr Abderrezak Bouchama, chercheur, dans une contribution.
Ce dernier estime, comme l’exigent d’ailleurs les villageois, qu’«il est objectivement nécessaire de donner une information réelle, complète et transparente sur tous les aspects de ce projet et de demander l’avis des habitants, avant de poursuivre ce qui pourrait devenir une catastrophe humaine et environnementale nationale sans précédent».
L’exploitation de cette mine, selon Kamel Aïssat, «impactera l’ensemble des villes densément peuplées de Tala Hamza, Amizour, Oued Ghir et Béjaïa et affectera, au-delà de cette zone, le contour naturel de ces agglomérations, faites du mont Gouraya et de la vallée de la Soummam. Des espaces abritant une biodiversité d’espèces végétales et animales, dont certaines sont protégées».
Se basant sur les recherches de deux jeunes universitaires du département des mines et géologie, en l’occurrence Azri Rachid et Zerara Aissam, intitulée «Flottation du minerai plomb-zinc d’Amizour et caractérisation physico-chimique du rejet», Hicham Rouibah, doctorant en socio-économie, Institut de recherche pour le développement, affilié à l’université d’Oran 2 et de Paris 7, conclut qu’«en somme, le projet minier d’Amizour porte une balance bénéfice-risque déficitaire à la fois sur les plans écologique et économique».
Dans le cas d’Amizour, précise-t-il, «il n’y a que 7% de métaux à exploiter entre zinc, plomb, cuivre et fer ; soit 93% sera une déchetterie toxique qui transitera, sans doute, par le sol, l’eau et l’air ; c’est-à-dire très difficile à évincer sans dispositifs rigoureux de traitement».
En dehors du plomb qui est demandé sur le marché mondial, le zinc est moins rentable dans la conjoncture actuelle vu son coût d’extraction qui est presque égale à celui de vente, selon la même source. Les regards seront donc tournés vers le plomb qui, de l’avis de Hicham Rouibah, «est la principale cible des Australiens à Amizour. Son exploitation annuelle maximale est estimée à 40 000 tonnes pour en moyenne 30 ans d’extraction – en partant de l’hypothèse optimale que les conditions d’exploitation demeureraient linéaires, ce qui est techniquement très peu probable».
Quant à la promesse de création d’emplois, l’auteur atteste qu’en l’absence d’une véritable industrie de transformation et de traitement des mènerais sur place, puisque l’exploitant se contentera d’alimenter le marché mondial en ces minerais, il faut compter la création de pas plus de 400 postes «d’emploi précaires».