Une page se tourne dans le milieu du luxe : le créateur Hedi Slimane quitte son poste de directeur artistique de la maison Celine, où il était entré en janvier 2018, relançant les spéculations sur son avenir et celui de Chanel.
Aux côtés de Tom Ford, John Galliano, Simon Porte Jacquemus ou Carine Roitfeld, son nom est parmi ceux qui reviennent pour succéder à Virginie Viard, héritière de Karl Lagerfeld, depuis qu’elle a quitté la direction artistique de la maison en juin. La rumeur d’un départ de Slimane, âgé de 56 ans, courait, mais n’a été confirmée que mercredi, juste après la clôture de la Fashion Week parisienne. Il sera remplacé à partir de 2025 par le créateur Michael Rider, passé chez Balenciaga et... Celine, auprès de Phoebe Philo. Sous la «direction artistique et créative de Hedi Slimane, Celine a connu une croissance exceptionnelle», a salué LVMH, auquel appartient la griffe, dans un communiqué.
Le créateur, un des plus influents et des plus mystérieux de sa génération, a «permis de redessiner les codes» de la marque «tout en réaffirmant son ancrage féminin et parisien», poursuit le groupe de luxe. Il a également développé la haute parfumerie et le vestiaire masculin. Rien de surprenant pour celui qui a imposé sa silhouette fétiche – pantalon slim et veste étroite noirs – dans le monde de la mode et au-delà, révolutionnant le vestiaire pour homme en l’adaptant aux jeunes fêtards. Certains spécialistes parlent même d’un avant et d’un après Slimane. Quant à Karl Lagerfeld, il se vantait d’avoir perdu 40 kg dans les années 2000 pour pouvoir porter les costumes étriqués du créateur.
«Mains d’argent»
Ce fils d’un comptable tunisien et d’une couturière italienne, né à Paris et ayant étudié à l’Ecole du Louvre, fut le premier concevant des collections pour homme à recevoir en 2002 le prix du Conseil des créateurs de mode américain, le plus recherché. Parfois surnommé «Hedi aux mains d’argent», il a été directeur artistique de Dior Homme de 2000 à 2007, puis de Saint Laurent de 2012 à 2016.
Entre cette date et son arrivée chez Celine, il s’est consacré à la photographie, son autre passion. Dans la maison française, il a succédé à la Britannique Phoebe Philo qui avait forgé, au cours des dix dernières années, l’identité très forte de la marque, avec sa touche sport-chic, romantique et épurée. Il a tenté de bousculer ce look bourgeois en y insufflant un vent rock, qui a été mal reçu au départ par la presse anglo-saxonne. Son premier défilé pour Celine en 2018, «Journal nocturne de la jeunesse parisienne», se déroulait aux Invalides dans un espace transformé en boîte de nuit. A l’honneur, des robes noires courtes et des bottines.
Monde de la nuit
«J’ai beaucoup travaillé sur les effets de noir (...), laqués, satinés, lustrés, cuivrés par opposition à la matité», avait souligné le créateur dans une interview rarissime au Figaro, où il expliquait avoir inventé sa fameuse
silhouette parce qu’adolescent il «flottait dans tout». Après ce premier défilé mal compris, il s’inspire de l’élégance bourgeoise et des codes de «l’upper class pour mieux les détourner».
Suivant un défilé mixte en février 2020, à l’allure romantique, Celine quitte le calendrier officiel de la mode parisienne, le jugeant «obsolète».
Hedi Slimane présente alors ses collections homme et femme à son rythme, à travers des films tournés à Nice ou dans des châteaux. En février 2023, il fait un retour fracassant sur les podiums en investissant le Palace où Karl Lagerfeld, Yves Saint Laurent, Serge Gainsbourg ou Mick Jagger ont passé des nuits folles. «C’est un lieu cher à Hedi Slimane qu’il a fréquenté à partir de 16 ans, qui a déclenché son avenir de couturier et où il a fêté ses 50 ans en juillet 2018», selon les notes du défilé.