Messaoud Boudiba. porte-parole du Cnapeste :  «Une année scolaire de transition qui risque de connaître des turbulences…»  

12/09/2022 mis à jour: 14:00
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-Avec le retour à un système d’enseignement classique et une nouvelle matière au primaire, comment se présente la rentrée scolaire 2022-2023 ?
 

La rentrée scolaire 2022-2023 survient après une phase de crise sanitaire très difficile imposée par la pandémie de Covid-19 qui a duré près de 3 ans. Nous avons vécu une situation très dure qui a chamboulé tout le système sociopsychologique et sanitaire de la société. L’école n’était pas à l’abri. Justement, cette crise a imposé la fermeture des établissements d’enseignement pour une période de 8 mois et le recours à un système d’enseignement par alternance. Sur cette base, le Cnapeste estime que l’année scolaire 2022-2023 sera tout aussi extraordinaire. 

C’est une période de transition entre une phase exceptionnelle et un retour à la normale qui diffère complètement de la période d’avant-Covid. A savoir que cette nouvelle année est de transition, nous devons impérativement comprendre qu’elle nécessite une bonne préparation qui soit surtout bien réfléchie. La préparation doit être sur tous les plans, tant sur l’humain que sur le matériel et infrastructurel. Nous serons face à une rentrée peu ordinaire avec beaucoup de zones de turbulences au cours de l’année. Les obstacles apparaîtront au fur et à mesure qu’on avancera dans l’année et dans le programme. 
 

-Pensez-vous que nous allons avoir une année difficile ? 
 

Il est encore tôt pour le dire, mais les prémices sont déjà là. La réalité sur le terrain révèle des lacunes et des déséquilibres dans les établissements d’enseignement à tous les niveaux, notamment avec des budgets très minimes. Nous constatons, encore une fois, un déficit très important en personnels éducatifs tous postes confondus. Le plus important reste dans le rang des enseignants. Il y a également un manque de moyens pédagogiques et éducatifs, de travailleurs et de superviseurs scolaires et d’installations et d’infrastructures. 

Cette réalité aura un impact négatif direct sur le succès de l’entrée à l’école, y compris la stabilité de l’année scolaire. Ce n’est pas tout ! En plus de tout cela, la décision de revenir au système ordinaire de la même façon qu’avant la période Covid nous mènera inévitablement à la surcharge des classes. Autre problème à prendre en charge obligatoirement : l’habitude des élèves au système d’enseignement par alternance qui encourageait le décrochage scolaire. Le programme était allégé. Il faut se l’avouer, ils n’ont pas acquis assez de connaissances pédagogiques durant ces trois dernières années. Toutes ces données doivent être prises en considération, sinon nous allons être face à un échec programmé de l’année scolaire. 
 

- Quelles sont vos suggestions pour réussir l’entrée à l’école et tout au long de cette année scolaire ?
 

Les responsables du ministère de l’Education nationale assurent que tout est prêt pour réussir la rentrée scolaire. L’année scolaire n’est pas seulement la rentrée, mais une année complète. De plus, tous ces préparatifs ont été faits et se font sans consulter et entendre nos suggestions en tant que partenaire social. Selon notre expertise sur le terrain, nous constatons que la situation dans les établissements d’enseignement est très difficile et que les superviseurs sont désavantagés, d’autant plus qu’ils n’ont pas les possibilités et les moyens nécessaires pour agir efficacement à l’avantage de l’année scolaire. Ils vivent sous une forte pression des directions de l’éducation. Ce qui est important pour eux, c’est cette photo qui sera diffusée dans les médias le jour de la rentrée scolaire. Le reste de l’année est moins important, puisqu’il va être géré au jour le jour. Ce qui compte, c’est que chaque élève ait une chaise, un professeur et c’est fini. Au départ, nous avons demandé le retour progressif du nouveau système ordinaire en adoptant des classes ne dépassant pas 30 élèves.
 

Ceci est en ligne avec les objectifs de la loi d’orientation 08/04. Cela nous permettrait de placer les établissements d’enseignement dans un environnement sain qui nous éviterait les décisions hâtives notamment de suspension de la scolarité en cas de nouvelles surprises épidémiologiques. 
Il faut également ouvrir des postes budgétaires pour les enseignants. Ce n’est pas un luxe mais une urgence. Le recrutement se fera à travers un concours sur la base du diplôme. Il faudra également augmenter les budgets des établissements scolaires. 
 

-Comment voyez-vous la politique de recrutement et la procédure d’inclusion de l’anglais dans l’enseignement primaire ?
 

La décision d’inclure l’anglais dans l’enseignement primaire est très bénéfique dans le système éducatif. La mise en œuvre nécessite l’adoption d’une stratégie pédagogique opérationnelle qui assure sa réussite sur le terrain. Les décisions hâtives n’y ont pas de place. Je rappelle que le Cnapeste n’a jamais été contre cette décision d’inclure l’anglais. Ce que nous rejetons est la politique du factuel qui a souvent créé des problèmes sur le terrain pour nos élèves et leurs enseignants. En l’absence de notre participation à l’élaboration de mécanismes d’application et de mise en œuvre de ce type de décisions, nous avons toujours de la difficulté à faire face à des problèmes de terrain facilement évitables, si nous avions choisi une méthodologie scientifique réfléchie pour l’application. 

Pour nous inclure l’anglais sans revoir le système éducatif de l’enseignement primaire et sans un véritable diagnostic et une évaluation qui permet la solution des problèmes déjà présents, tels que le poids du cartable, serait un raccourci vers l’échec de ce projet si ambitieux et bénéfique. Sans élargir la consultation avec les experts, les spécialistes, le personnel de terrain, ainsi que les partenaires sociaux, nous n’irons nulle part. Quant au recrutement de professeurs, nous avons toujours plaidé pour le recrutement des diplômés des ENS avec exceptions en cas de besoin pour les autres diplômés tout en mettant des critères bien définis. Sans cela, c’est l’avenir pédagogique de l’élève qui est compromis. 

 

Entretien réalisé par Asma Bersali

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