Meriem Belala. Présidente de l’association «SOS femmes en détresse» : «Ni les victimes ni les accompagnantes ne sont protégées des violences»

25/09/2023 mis à jour: 21:42
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Photo : D. R.

- Est-il facile, pour vous, d’accompagner les femmes victimes de violences dans leur quête de droits, notamment une prise en charge digne de ce nom, une protection et surtout une réparation ?

Les victimes de violence n’ont pas eu toutes leurs droits. Si elles ont pu avoir celui de déposer plainte, elles n’ont, cependant, pas obtenu la protection  nécessaire. En tant qu’association, nous avons plusieurs rôles à assumer. D’abord en tant qu’accompagnatrices. Ce qui est très difficile, autant pour la victime que pour nous. Lorsque ces victimes viennent des wilayas éloignées, le travail devient très dur parce qu’il faut se déplacer sur place pour déposer plainte  et prendre le risque d’être confrontés à l’agresseur, assurer par nous-mêmes, la protection des victimes avec des moyens dérisoires.

Lors de l’audience au tribunal,  nous nous  retrouvons, victimes et nous, face aux familles et  voisins de l’agresseur. Et ce ne sont là que quelques obstacles auxquels nous sommes confrontés. Les associations qui font ce travail sont extrêmement rares, pour ne pas dire inexistantes.

Les structures, aussi bien étatiques qu’associatives, sont peu outillées. Il faut une reconnaissance des «actrices» de l’accompagnement, professionnelles et militantes, pour qu’elles soient reconnues en tant que telles et pouvoir être acceptées par certaines institutions de l’Etat, lors de la procédure d’accompagnement des victimes durant laquelle  ni la victime, ni l’accompagnante ne sont protégées des menaces, des insultes,  et des agressions.

Cela  prend beaucoup de temps. Médecin légiste, police, la gendarmerie, tribunal, tout cela est énorme et, parfois, le processus n’aboutit pas. C’est une situation compliquée qui ne donne pas aux victimes l’espoir de pouvoir terminer leurs démarches.

Lorsque la victime a des enfants, ces derniers sont aussi violentés et affectés. Il faut que le processus d’accompagnement assure la protection et l’hébergement aux femmes et à leurs enfants. Mais avant tout, convaincre la victime, lui assurer les services des avocats, lui faire connaître ses droits, les risques qu’elle encourt. Ce sont des survivantes qui ont besoin de réconfort et de protection. Nous avons une obligation morale d’assurer la sécurité aux victimes. Nous ne les  laissons jamais seules.

- Qu’en est-il de la réparation ?

Pour pouvoir obtenir réparation, il faut suivre toute cette chaîne de sécurité, médecine légale, tribunal, gendarmerie, etc. Si celle-ci se rompe quelque part,  c’est très difficile de continuer à assurer une prise en charge. Les victimes sont encore plus fragilisées. Elles ne croient plus à rien et ne verrons que cette solidarité masculine, ce système  patriarcal sclérosé qui ne les protège plus.

C’est cela qui pousse  les femmes victimes de violence à refuser d’aller loin dans leurs plaintes. Nous n’avons vu nulle part des victimes mises a l’abri. Elles n’ont que la rue pour les accueillir. Pour elles, la violence qu’elles encourent dans cette rue est un moindre mal. Il arrive, parfois, qu’elle reste jusqu'au lever du jour pour aller chez le médecin légiste pour le constat. Mais elle est obligée de rester chez elle, avec son agresseur.  Il n'y a aucune mesure d’éloignement de l’agresseur. Nous devons faire un plaidoyer dans ce sens, durant cette année, espérons qu’il y aura un retour d’écho.

- Que faut-il faire pour une meilleure prise en charge ?

Il est indispensable d’avoir des structures d’urgence. Si une femme se fait violer la nuit, elle n’a pas à attendre le matin pour se rendre dans un hôpital ou un commissariat. L’absence de ces structures pose un vrai problème, y compris pour la police et la gendarmerie qui n’arrivent pas à orienter les victimes qui s’adressent à elles. Nous ne pouvons pas accueillir sans arrêt. Nous sommes épuisés devant cette situation chaotique où le nombre de violence est en augmentation.

Certes, celle-ci est mondiale, mais ailleurs, on assure la protection aux victimes et aux témoins. Ce qui n’est pas le cas en Algérie. Parfois, certains magistrats ou éléments de la gendarmerie et de la police dissua-dent les victimes d’aller dans un centre d’hébergement. Ils les conseillent de louer une maison. Nous avons eu des cas et nous étions obligés d’aider ces femmes financièrement pour qu’elles puissent payer une location et maintenir la garde des enfants.

Comment une femme qui ne travaille pas se doit de chercher une location ? Il nous faut une réponse rapide à tous ces problèmes, par des textes  de loi portant protection, prise en charge,  de la prise au sérieux des menaces, etc.

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