Médicaments : Des experts tirent la sonnette d’alarme

25/01/2022 mis à jour: 06:20
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Des experts appellent les autorités sanitaires, notamment le Conseil scientifique de suivi de la pandémie, afin qu’elles établissent un consensus thérapeutique / Photo : D. R.

L’usage abusif des antibiotiques et des anticoagulants fait craindre aux experts cliniciens et membres de l’observatoire de veille sur la disponibilité des produits pharmaceutiques des conséquences graves sur la santé des Algériens, notamment l’antibiorésistance et d’autres complications.

La prescription systématique des antibiotiques et des anticoagulants en plus de l’automédication face à la Covid-19 inquiète sérieusement les experts cliniciens et les membres de l’observatoire de veille sur la disponibilité des produits pharmaceutiques, qui redoutent des conséquences graves sur la santé des Algériens, notamment l’antibiorésistance et autres complications.

Ce qui est, entre autres, à l’origine d’une perturbation dans la disponibilité de ces produits, dont certains sont sous forte tension, vu les pénuries causées par leur rétention au niveau des ménages et la vente concomitante.

Le problème a été justement évoqué, jeudi dernier, lors de la réunion de l’observatoire de veille sur la disponibilité des produits pharmaceutiques entrant dans le protocole thérapeutique de la Covid-19, sur instruction du ministre de l’Industrie pharmaceutique, Lotfi Benbahmed, en présence des représentants du ministère de la Défense nationale, du ministère de la Santé, du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire, de la Direction générale de la Sûreté nationale, de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques, du groupe Saidal, de l’Ordre des pharmaciens, des associations des producteurs et des distributeurs, des syndicats des pharmaciens et des médecins ainsi que des experts cliniciens.

Les membres de l’observatoire ont tiré la sonnette d’alarme sur toutes ces pratiques sanctionnées par la législation et la réglementation en vigueur. Interrogé à ce propos, le président du conseil de l’Ordre national des médecins, membre de l’observatoire, le Dr Mohamed Bekkat Berkani estime qu’«il aurait fallu que les autorités sanitaires, notamment le conseil scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie et les autres autorités, établissent un consensus thérapeutique qui doit être réactualisé selon l’évolution de l’épidémie qui est à même de convenir à une infection virale, comme la Covid-19, et éviter ces prescriptions inutiles des antibiotiques qui impliqueraient des résistances ultérieures».

Pour lui, il est suffisant pour les médecins généralistes et spécialistes de «donner des traitements symptomatiques, étant donné qu’il n’y a pas de traitement étiologique pour la Covid et éviter des complications pour les malades et les résistances ultérieures aux antibiotiques», a-t-il indiqué. Il reste convaincu que «la vaccination est l’arme fatale pour éviter des formes graves de la maladie et qui vaincra l’extension de la pandémie», d’où l’importance de «sensibiliser les patients à aller se faire vacciner au lieu de leur prescrire des médicaments inutiles pour eux», a-t-il ajouté.

Un phénomène que le Dr Abdelkrim Touahiria, pharmacien et membre du comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie, déplore énergiquement. «Les pharmacies d’officine sont prises d’assaut partout par des citoyens pour demander des médicaments qu’ils connaissent par cœur, à savoir la vitamine C/Zinc, Azithromycine et paracétamol, alors que nous savons tous qu’ il n’y a pas un traitement spécifique à la Covid, autre que le respect des mesures barrières et la prévention par la vaccination», a relevé M. Touahria.

Il se dit plutôt surpris en tant que pharmacien par les nombreuses prescriptions «inexpliquées» d’antibiotiques et parfois des ordonnances de deux à trois antibiotiques à larges spectres associés sans que les patients aient eu des complications ou une exploration.

«Ce sont les patients eux-mêmes dans un bon état général qui se présentent à la pharmacie. Qu’est-ce qui explique la prescription de tant d’antibiotiques contre un virus, sachant qu’avec la vague Omicron nous constatons plutôt des formes bénignes de la Covid-19 avec des symptômes très légers et similaires à ceux de la grippe saisonnière nécessitant simplement du repos et un supplément vitaminé ?» s’interroge-t-il.

M. Touahria déplore également «l’attitude de certains confrères pharmaciens qui conseillent et dispensent des antibiotiques sans ordonnance. C’est malheureusement une réalité, qui participe à favoriser le développement de l’antibiorésistance aux conséquences graves sur la santé des Algériens et sur l’économie».

Ainsi, tout cela, participe, selon lui, à provoquer des rétentions de ruptures de médicaments essentiels, alors que certains patients en ont besoin.

A noter que lors de la réunion au ministère de l’Industrie pharmaceutique, des recommandations ont été retenues, à savoir la mutualisation des moyens et des efforts pour assurer un approvisionnement continu des officines réparties à travers le territoire national, informer le ministère de l’Industrie pharmaceutique de toute pratique illégale de spéculation, de rétention ou de vente concomitante à travers la boîte mail : [email protected], coordonner dans le cadre de la prévention des problématiques d’approvisionnement et de l’anticipation des ruptures en informant le ministère de l’Industrie pharmaceutique des produits sous tension et/ou en rupture en ville, et les produits hospitaliers avec un stock inférieur aux seuils de sécurité au niveau de la Pharmacie centrale des hôpitaux et sensibiliser les prescripteurs et les pharmaciens sur la nécessité de respecter le protocole thérapeutique et la dispensation sur prescription médicale afin d’éviter le mésusage des médicaments.

Rappelons que le ministère de l’Industrie pharmaceutique a réquisitionné des fabricants locaux des médicaments utilisés dans le protocole de la Covid à l’effet de mettre toutes les quantités disponibles sur le marché, ainsi que l’obligation de communiquer aux services compétents du ministère les états prévisionnels de fabrication, de livraison aux grossistes, de distribution aux pharmaciens d’officine et la déclaration obligatoire des stocks et de livraison chaque jeudi avant 12h.

Comme il leur a été également instruit d’augmenter les capacités de production, notamment le paracétamol de 19 millions d’unités du 14 janvier au 28 février, 3,3 millions d’unités d’enoxaparine, tous dosages confondus, et 1,3 million d’unités de l’amoxicilline + acide clavulanique pour la même période. 

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