Mediapro : Retour à la case départ

19/06/2023 mis à jour: 02:53
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Photo : D. R.

Le groupe espagnol Mediapro, qui est au centre d’une vaste enquête en Algérie pour des raisons évidentes et faciles à deviner (elle était sur le point de signer un contrat avec la fédération algérienne de football), ne fera pas d’affaires en Algérie. Les portes du marché algérien, après celles de beaucoup de pays sur les continents africain et européen, lui sont désormais définitivement fermées. 

Retour sur l’essai de Mediapro de décrocher un contrat avec la FAF. Tout est parti de l’action combinée de la Fifa et de la CAF d’imposer l’utilisation de la vidéo assistance referee (VAR) dans les compétitions continentales et locales. La FAF, comme toujours, s’est inscrite dans cette perspective, pour faire bonne contenance devant les pontes des deux instances (Infantino et Motsepe). 

Dans son projet d’introduire l’utilisation de la VAR dans le championnat national, la FAF, à l’époque où Charaf Eddine Amara était à la tête de l’instance faîtière, a pris langue avec la Fifa pour en savoir un peu plus sur les contours de l’utilisation de cette technologie. 

La Fifa s’était engagée à prendre en charge une partie des frais. Sur ce, la FAF a lancé un avis d’appel d’offres international. Trois ou quatre sociétés européennes se sont montrées intéressées. Des contacts ont été noués et des discussions ont été entamées. Tous les aspects (techniques, financiers…) ont été abordés par les parties en présence. 

Le rythme des négociations est arrêté à cause de la confédération africaine de football (CAF) qui d’emblée impose son diktat. Tout pays africain désireux d’accueillir une compétition de la CAF doit obligatoirement signer un contrat avec Mediapro à qui la confédération a confié tous les droits dans les multiples domaines de ses compétences (retransmission des matchs, utilisation de la VAR (surtout) et bien d’autres volets. 

La CAF, à l’époque où elle était présidée par Issa Hayatou, avait pris soin de se couvrir en inscrivant dans ses statuts la formule du gré à gré à tout ce qui touche à l’activité de Mediapro. Sans cela aucun pays n’obtiendra l’organisation d’une compétition de la CAF. La FAF, désarmée, s’est alignée. Mediapro s’est alors ouvert la voie royale en Algérie. Les Jeux méditerranéens d’Oran 2021 lui ont ouvert l’appétit … et les yeux de beaucoup de patriotes qui ont commencé à suspecter de bien mauvaises choses. 

La CAF, satisfaite par l’accompagnement de la FAF dans ce segment important, s’est félicitée de la bonne conduite de son membre. Mediapro a rapidement senti la bonne affaire et a commencé à faire les yeux doux à son partenaire qui avait dans son agenda deux autres compétitions à couvrir. 

Le championnat d’Afrique des nations (CHAN-2022) et la CAN-U17 que notre pays se préparait à organiser. Cerise sur le gâteau, l’USM Alger s’est qualifiée pour la finale de la coupe de la confédération 2023. Le pactole n’était pas encore complet. Il allait l’être avec la finalisation des négociations avec et signature d’un contrat de 3 ans et plus. 

En contrepartie, Mediapro s’est engagé à offrir gracieusement  l’utilisation de la VAR lors des demi-finales et la finale de la coupe d’Algérie (3 matchs). La société espagnole, décrétée en faillite par ses anciens partenaires, s’est frottée les mains. Arrive alors, la finale retour de la coupe de la confédération et l’entrée sur le territoire national des camions et du matériel de la société ibérique. D’un coup, tout est tombé à l’eau. La VAR n’a pas été utilisée le 3 juin dernier (finale USMA-Young Africans). C’est le point de départ de l’enquête et la convocation de responsables de la FAF devant les services compétents.

Que prévoyait l’accord FAF-Mediapro ?

Il est bon de rappeler que les négociations entre les deux parties ont été entamées à l’époque où le championnat national de ligue 1 comptait 18 équipes. Mediapro s’était engagée à «introduire progressivement cette technologie (VAR) avec la couverture de 3 matchs par journée durant la première année». Le centre du VAR devait être installé au siège de la fédération. Le nombre de caméras utilisées sera de 6 sans le super Slow motion camera. La couverture du projet VAR comportait les détails suivants. 18 équipes (première saison), 3 matchs par semaine, étalé sur 34 semaines. 

Donc, la première année il y aurait eu 3 matchs par journée sur un total de 34 journées. 102 matchs par an. Au cours de la deuxième et troisième années, Mediapro utiliserait la VAR 9 fois par journée. Ce nombre multiplié par 34 journées atteindrait le chiffre de 306 couvertures par la VAR. Elle exige que «tous les signaux, équipements et ressources humaines doivent fonctionner au niveau des stades concernés par la présence de la VAR». 

Le prix par match a été fixé comme suit : première saison, chaque couverture de match coûtera 2500 euros. Avec 102 matchs par an la facture sera de l’ordre 255 000 euros/an. 2e et 3e saisons, le coût baisse à 2350 euros X par 306 matchs/ la facture sera de l’ordre de 719 000 euros. L’autre face du contrat de 3 ans et plus réside dans la facturation des autres services où Mediapro compte bien faire des affaires. 

Sachant que le volet formation est un axe très important sur lequel s’appuie la Fifa qui conditionne l’utilisation de la VAR à la délivrance de la certification par elle pour  pouvoir exercer. Comme l’ont révélé des spécialistes en la matière, il faut au moins 6 mois de formation permanente à un arbitre pour être opérationnel. 

C’est justement là que Mediapro comptait tirer grand profit du contrat avec la FAF. Le montant quotidien pour la formation d’un technicien était proposé à 350 euros/jour.  A côté, il devait y avoir 3 autres techniciens dont le prix de la formation par jour était de 200, 250 et 250 euros. La FAF devait payer 1050 euros/jour pour ces techniciens. Cette somme étalée sur 6 mois, de formation permanente, n’est pas donnée. 

L’utilisation du simulateur coûte 1250 euros/jour au titre de la location du matériel et 1500 euros /jour pour le direct. Mediapro prévoyait d’utiliser  6 caméras par match (facture 4.000 euros) au seul titre de l’installation du matériel. La formation d’un technicien vidéo a un prix. 350 euros/jour.  Le personnel concerné par la formation peut atteindre jusqu’à 60. C’était une affaire en or si le contrat avait été signé par la FAF. 

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