Notre-Dame de la Garde fait face à Notre-Dame d’Alger. Ces deux basiliques, repères d’une histoire commune, sont aussi symboliquement le trait d’union entre deux villes, sur deux continents, au centre de ce qui pourrait demain être un axe de développement économique majeur pour le monde.
L’ordre international est désormais bouleversé par une situation géopolitique mouvante et inquiétante. Ce qui peut paradoxalement propulser Marseille et sa métropole dans une ère de coprospérité avec ses voisins du sud de la Méditerranée et bien sûr le plus grand d’entre eux : l’Algérie. Dopée par des prix du pétrole quasiment revenus à leurs sommets, Alger a repris sa marche en avant, en relançant tous les projets mis au placard durant les dernières années de la présidence Bouteflika.
Le premier d’entre eux étant le TSGP (Trans-Saharan Gas-Pipeline) qui doit relier les immenses réserves en hydrocarbures du delta du fleuve Niger au Nigeria, aux gazoducs et infrastructures pétrochimiques (Galsi et Medgaz) algériens sur la côte méditerranéenne. Gaz algériens et nigérians viendraient enfin soustraire l’Europe, ses habitants et son industrie, à sa dépendance vis-à-vis de la ténébreuse Russie.
Parallèlement à ce projet majeur pour notre souveraineté énergétique, l’Algérie lancera bientôt la construction d’un nouveau port en eau profonde qui a clairement pour ambition de devenir le plus grand port de Méditerranée occidentale. Pourtant, Marseille et son grand port autonome n’ont pas à s’inquiéter de cette nouvelle infrastructure. Celle-ci permettra de relier la côte au cœur de l’Afrique riche bientôt d’un milliard d’habitants.
Et la Transsaharienne, cette route qui traverse le Sahara, permettra, quant à elle, une fois achevée, de mettre Lagos, ville la plus peuplée d’Afrique avec vingt millions d’habitants, à seulement dix jours en camions d’Alger. A terme, la Transsaharienne permettra, plus globalement, le transport des marchandises vers le Sahel et au-delà vers le Bassin du Congo. Dans ce développement de l’Afrique qui s’amorce, Marseille a un rôle capital à jouer.
Celui de la porte par laquelle la France et l’Europe du Sud peuvent projeter leurs exportations de biens et de services vers le berceau de l’humanité. Les industries de pointe qui bénéficient notamment de milliers d’étudiants sortant chaque année du pôle universitaire d’Aix-Marseille sont un vivier inestimable pour notre territoire dans ses relations transméditerranéennes.
L’innovation, la technologie, la santé sont des atouts qui demain intéresseront un continent africain friand de nouveautés, de produits high-tech et de bien-être pour sa bouillonnante et magnifique jeunesse. Consciente de ces enjeux, la municipalité démontre par ses actes son désir de renouer des liens fraternels avec l’autre rive de la Méditerranée. Le changement de nom de l’ex-école Bugeaud (devenue école Ahmed Litim) ou encore la mise en place d’un repas célébrant le Nouvel An berbère dans toutes les cantines scolaires témoignent du regard amical que portent le maire Benoit Payan et sa majorité, sur le Maghreb et le continent africain. Marseille et sa métropole sont à la confluence de l’Europe, de l’Afrique et de l’Orient. Bientôt, entre l’Afrique du Nord et l’est de la Méditerranée, cinq cents millions de personnes auront un pouvoir d’achat équivalent à celui de la classe moyenne européenne. Si Barcelone ou Naples peuvent faire figure de sérieux concurrents, nos atouts semblent néanmoins plus importants.
Notre relation culturelle et humaine avec l’Afrique est unique, voire singulière. Les diasporas, quelles soient maghrébines ou subsahariennes et qui ont fait souche aujourd’hui entre les massifs de la Nerthe et celui de la Sainte-Victoire, portent en elles un potentiel quasi infini de projets d’ordre culturels, économiques et environnementaux.
Marseille n’abrite pas moins de 25 consulats africains, avec qui demain pourraient être amorcés des projets de coopérations mutuellement profitables à tous. Marseille devient également une destination touristique de premier plan pour les classes supérieures africaines et notamment maghrébines. Les Algériens sont de plus en plus nombreux à venir passer leurs vacances dans la cité phocéenne.
A ce propos, nos commerçants et les différents centres commerciaux peuvent témoigner de l’important pouvoir d’achat de cette nouvelle manne touristique. Ces vacanciers d’un nouveau genre sont à satisfaire, ils aiment Marseille, n’ont pas pour eux les quelques heures d’une escale, mais séjournent en règle générale plusieurs jours.
Elles et ils profitent de la beauté de nos calanques, de notre art de vivre et de la richesse de notre patrimoine. La dorsale euro-africaine n’est pas une vue de l’esprit, c’est un axe de développement naturel qu’il convient cependant d’accompagner et de valoriser. Si les délocalisations ont montré combien elles pouvaient être pénalisantes pour une société, tant sur le plan économique que social et donc politique, la coproduction et la coopération peuvent demain être le trait d’union entre des territoires situés sur des continents différents, mais reliés depuis l’Antiquité par une histoire partagée et un destin commun.
Dans 27 ans, en 2050, trois milliards de personnes peupleront la grande région Europe-Afrique, et Marseille est au centre de cette région. Pour notre métropole, les gains en termes d’échanges et de dynamisme pourraient permettre d’offrir à tant de jeunes la possibilité de se former et bientôt de saisir des opportunités extraordinaires en termes de responsabilité permettant cet épanouissement professionnel que chacun appelle de ses vœux. Si Marseille a toujours été la porte du Sud, nous devons désormais ensemble concrétiser l’ambition d’en faire le cœur.
Par Hassan Guenfici
Président de l’Espace Franco-Algérien PACA