Ce projet contesté, qui prévoit de raser des hectares de forêt au cœur d’une zone humide de grande dimension, a déjà empoché des centaines de millions d’euros d’argent public.
Lourd de défis industriels et de controverses environnementales, le projet Flying Whales, constructeur franco-canadien de dirigeables de fret, vise un premier vol en 2027 après plusieurs années de retard. Initialement prévu pour 2023, le vol inaugural du LCA60T, un dirigeable rigide de 200 mètres de long capable de transporter 60 tonnes, a été repoussé en raison de difficultés à recréer une filière industrielle et de contraintes environnementales qui retardent la construction d’une usine en Gironde.
Ce projet, porté par une équipe de 250 employés, ambitionne de « décarboner le transport et désenclaver les zones isolées », selon Vincent Guibout, directeur général de Flying Whales. Le dirigeable, capable de charger et décharger en vol stationnaire, est destiné à des zones difficiles d’accès comme les régions montagneuses ou forestières. L’entreprise promet une réduction des émissions carbone de 70 % pour certaines missions, comme le transport de pales d’éoliennes.
Flying Whales a déjà levé 230 millions d’euros sur un financement total de 450 millions, grâce à des investisseurs français, québécois et bientôt australiens. Les premières pièces sont en cours de fabrication, et des pilotes d’essai ont été formés. Le dirigeable utilisera de l’hélium, un gaz inerte jugé plus sûr que l’hydrogène, malgré un coût plus élevé.
Malgré ces ambitions, des doutes subsistent quant à la faisabilité du projet. Les défis techniques incluent la résistance au vent et aux intempéries d’une structure de 180 000 m³, volant à 100 km/h sur une distance de 1 000 kilomètres. Des experts, comme Olivier Doaré de l’ENSTA, reconnaissent le potentiel du marché des dirigeables, tout en soulignant qu’il s’agit d’une niche encore loin d’une utilisation généralisée.
Le projet est également critiqué pour son impact environnemental. L’usine prévue à Laruscade, en Gironde, a suscité des avis défavorables de l’Autorité environnementale en 2023 et 2024, en raison de la destruction de 58 hectares de milieux naturels, dont 32,5 hectares de zones humides. Les écologistes dénoncent la mise en péril d’espèces protégées, comme le vison d’Europe. Malgré ces inquiétudes, les responsables du projet, soutenus par la région Nouvelle-Aquitaine, défendent la nécessité économique et stratégique du site choisi, affirmant que changer d’emplacement engendrerait des retards préjudiciables.
Vincent Guibout insiste sur la nécessité de compromis pour réindustrialiser la région, tandis qu’Alain Rousset, président socialiste de la Nouvelle-Aquitaine, voit dans ce projet une « révolution technologique » comparable à Airbus ou Ariane. La commercialisation du LCA60T est prévue entre 2028 et 2029, avec un prix estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros.