Lutte contre les flux financiers illicites : De bons points pour l’Algérie, l’Afrique fait des progrès

18/06/2022 mis à jour: 02:22
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La 11e réunion de l’Initiative Afrique, Transparence fiscale en Afrique 2022, tenue le 14 du mois en cours, s’est félicitée des derniers progrès de la région dans la lutte contre l’évasion fiscale et les autres flux financiers illicites (FFI) grâce à la transparence et à l’échange d’informations à des fins fiscales.

Ce rapport annuel est considéré comme une source d’information unique pour les décideurs et les citoyens sensibles à la problématique de l’évasion fiscale transfrontalière, rendant compte d’un programme qui s’est imposé, en tout cas, comme l’une des réponses des pays africains au défi des FFI, estimés entre 50 et 80 milliards de dollars.

Le rapport a distribué des bons points, notamment à l’Algérie qui, en septembre 2021, avait marqué un pas dans sa lutte contre le transfert illicite des capitaux vers l’étranger, en rejoignant le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales.

Par cette adhésion, l’Algérie est devenue le 163e membre du Forum mondial et le 33e membre d’Afrique. «Comme tous les autres membres du Forum mondial, l’Algérie participera sur un pied d’égalité et s’engage à lutter contre l’évasion fiscale par la mise en œuvre progressive des normes internationalement reconnues en matière de transparence et d’échange de renseignements à des fins fiscales», avait déclaré le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane.

Notre pays a signé aussi la Déclaration de Yaoundé, et s’est approprié ainsi des outils capables de lui permettre de rattraper le retard dans la lutte contre l’évasion fiscale transfrontalière, organisée par la maffia des décennies Bouteflika ; une saignée ayant affaibli l’assiette fiscale nationale, et ébranlé sérieusement l’intégrité et l’équité des systèmes fiscaux. Reste à espérer maintenant la mise en place rapide des normes et des mécanismes du programme et attendre les premiers résultats.

Remonter la pente de la Covid

Le rapport, coproduit par le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales, la Commission de l’Union africaine et le Forum africain sur l’administration fiscale, couvre 38 pays africains. «Il mesure l’impact du travail de l’Initiative Afrique et détaille les activités de renforcement des capacités menées par le Forum mondial et ses partenaires en 2021», précise-t-on.

Compte tenu de l’engagement accru des pays africains en faveur du programme de transparence fiscale et des niveaux élevés de flux financiers illicites en provenance des pays africains, l’Initiative Afrique, mise en place pour une période de trois ans (2015-2017), a été renouvelée pour une deuxième phase (2018-2020) en novembre 2017 et pour une troisième phase (2021-2023) en octobre 2020.

«Il est évident que des progrès significatifs ont été enregistrés par rapport à 2020, notamment par l’adhésion de nouveaux membres à l’Initiative et l’utilisation croissante de la demande de renseignements par les pays africains, qui s’est traduite par des recettes fiscales supplémentaires», note dans le préambule Albert M. Muchanga, commissaire au développement économique, au commerce, à l’industrie et aux mines, auprès de la Commission de l’Union africaine.

Le rapport 2022 arrive à un moment où les gouvernements s’efforcent de relancer les économies, impactées ces dernières années par la pandémie de Covid-19, et où la mobilisation des ressources nationales est plus que jamais vitale pour les gouvernements et les citoyens.

Le montant impressionnant des pertes dues à l’évasion fiscale et aux autres FFI a un impact direct sur le programme de développement de la région. Selon Maria José Garde, présidente du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, «l’amélioration de la mobilisation des ressources nationales est au cœur des efforts des gouvernements pour juguler les effets de la pandémie de Covid-19 et améliorer la vie des citoyens.

Au cours des sept dernières années, l’Initiative Afrique a été un catalyseur de changement dans la compréhension et l’utilisation de l’échange de renseignements (ER) comme outil de lutte contre l’évasion fiscale et autres flux financiers illicites et d’augmentation des recettes fiscales. Les résultats présentés dans cette quatrième édition du rapport Transparence fiscale en Afrique montrent que nous sommes sur la bonne voie et nous devons poursuivre nos efforts».

Des résultats «remarquables»

Le rapport relève que de plus en plus de pays africains rejoignent le programme de transparence fiscale, ce qui témoigne, est-il souligné, de l’attention politique croissante accordée à l’échange de renseignements fiscaux sur le continent africain.

Et les résultats sont remarquables, se félicite-t-on. Les informations statistiques fournies sur la mise en œuvre de la norme sur l’échange de renseignements sur demande (la norme ERD) et de la norme sur l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (la norme EAR) en Afrique sont édifiantes.

Pour étayer ce constat, les rédacteurs de la synthèse avancent que «depuis 2014, le nombre de demandes d’ER envoyées par les pays africains a été multiplié par 15. Sur la même période, neuf pays africains ont collecté 233 millions d’euros en utilisant la norme d’EAR».

L’utilisation croissante des demandes de renseignements par les pays africains s’est traduite par des recettes fiscales supplémentaires. En 2021, trois pays africains ont identifié 37,2 millions d’euros (38.9 millions de dollars) d’impôts supplémentaires en conséquence directe des demandes envoyées.

Néanmoins, relativise le rapport, les progrès réalisés en 2021 restent inégaux, puisque quatre pays représentent à eux seuls 92% des demandes envoyées. Par ailleurs, «les membres les plus anciens du Forum mondial sont, en général, à un stade avancé de mise en œuvre des normes, tandis que les nouveaux membres cherchent à mettre en place les bases», est-il encore signalé.

L’ampleur des flux financiers illicites en provenance d’Afrique est ravageuse pour les économies du continent. Un rapport de 2019 de la Commission de l’UA a estimé le montant entre 50 et 80 milliards de dollars par an, tandis qu’en 2020, la Cnuced a identifié des pertes de 88,6 milliards de dollars par an.

Ce qui a creusé le déficit de financement des Objectifs de développement durable de l’Afrique (près de 200 milliards par an). Un déficit augmenté d’environ 50% selon les estimations de 2021, à cause de la pandémie. Ce qui a poussé l’Union africaine à placer la lutte contre les flux financiers illicites en tête de ses priorités, les considérant comme essentiels à la réalisation de l’Agenda 2063, «L’Afrique que nous voulons». 

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