Cette guerre, l’humanité doit la mener contre les lobbies. Actuellement, ces entreprises investissent plus de huit milliards d’euros pour promouvoir la cigarette, et leur offensif marketing ne s’embarrasse pas de mensonges pour maintenir, voire augmenter le nombre de leurs cibles et gagner plus.
La lutte contre le tabagisme est une guerre mondiale que l’humanité doit mener. La célébration aujourd’hui, 31 mai, de la Journée mondiale sans tabac doit nous rappeler combien cette guerre est importante ne serait-ce qu’en raison de l’incidence sur la santé. 19,3 millions de cas de cancers et 10 millions de décès ont été enregistrés dans le monde en 2020, selon l’OMS. Cette guerre, l’humanité doit la mener contre les lobbies.
Actuellement, ces entreprises investissent plus de huit milliards d’euros pour promouvoir la cigarette, et leur offensif marketing ne s’embarrasse pas de mensonges pour maintenir, voire augmenter le nombre de leurs cibles et gagner plus.
Récemment, leur propagande est allée jusqu’à «faire croire que la nicotine protège contre la Covid», ce qui est non seulement faux, mais a été à l’origine de l’aggravation de nombreux cas. C’est ce qui a été souligné dans l’éditorial du dernier numéro de la revue mensuelle de l’Observatoire régional de la santé-Est (ORS-Est), signé par le Pr Djamel Zoughailech.
Selon la même source, toutes les études confirment que plus de 80% des fumeurs, le sont avant l’âge de 18 ans. Une donnée effrayante qui s’explique par la vulnérabilité des plus jeunes face à ce produit addictif. «Au plan neurobiologique d’abord, le cerveau est encore en pleine phase de développement à cet âge-là, nous explique l’éditorial (la maturation du système nerveux se termine après 20 ans chez les humains).
Au plan psychologique ensuite, sachant qu’il s’agit d’une phase de transition majeure qui génère des défis en termes de construction de l’identité. Et en dernier, sur le plan social, puisque s’intégrer aux groupes sociaux et exister vis-à-vis des pairs sont des enjeux majeurs et les comportements qui affectent directement la santé sont des vecteurs d’intégration», a-t-il avancé.
La consommation du tabac est devenue un phénomène socioculturel universel. Si, à l’origine, la cigarette était un symbole d’émancipation lié au phénomène de mode (artistes célèbres, politiques, sportifs), de libération (femmes, grands révolutionnaires) et d’accomplissement de soi, sa démocratisation a été le fait du marketing orchestré par l’industrie du tabac. Aujourd’hui, le tabac est un produit très dangereux, et ce, pour plusieurs raisons, explique encore le Pr Zoughailech. «Il devient un signe de servitude, comme les psychotropes (…).
C’est aussi la principale cause de mortalité et morbidité par cancer du poumon et un facteur de risque de tous les cancers et de l’insuffisance respiratoire chronique (BPCO). Par ailleurs, il est source de trafics (produit de contrebande) et l’expansion de sa culture source de réchauffement climatique par les déforestations et d’appauvrissement des populations, en Afrique particulièrement.»
Notre pays, largement touché par ce fléau, gagnerait à impliquer davantage les institutions chargées des jeunes, la société civile et l’école, en appuyant deux axes des plus importants, estime l’éditorialiste, dans la lutte contre le tabagisme, à savoir l’éducation et la surveillance.
En plus des mesures fortes prises par les gouvernements et l’OMS, convention-cadre et divers règlementations antitabac, l’ORS-Est préconise de donner plus d’importance à ces deux axes, sachant que les jeunes sont les plus touchés.
«Concernant l’éducation, il s’agit de préparer les institutions qui ont en charge les enfants et les jeunes (clubs sportifs, maisons de jeunes, l’école) via la formation, l’accompagnement et la mise à disposition d’outils adaptés. Préparer aussi les professionnels de la santé et la société civile par des programmes d’éducation critique permettant à l’élève de disposer des compétences pour conserver sa liberté et être capable de faire des choix éclairés.
Certaines expériences ont donné de bons résultats dans ce sens, et c’est le cas, notamment, du programme Unplugged, qui concerne les collégiens de 12 à 14 ans et dont la stratégie repose sur le développement des compétences psychosociales et la prise de recul vis-à-vis des normes sociales lors de 12 séances délivrées par l’enseignant», est-il noté dans le même document.
Le deuxième axe, considéré comme majeur, vise à «renforcer le dispositif de surveillance par des enquêtes épidémiologiques du tabagisme chez les jeunes, et à travers les registres du cancer et des maladies cardiovasculaires de son impact sur la morbidité et mortalité de la population».