En plus de l’augmentation des prix d’achat des légumineuses auprès des agriculteurs et de la marge bénéficiaire des producteurs et distributeurs de lait, le dernier Conseil des ministres a pris comme décision phare d’accorder l’exclusivité en matière d’importation des céréales à l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC).
Ainsi, l’Office, qui s’est retrouvé chargé d’assurer l’approvisionnement et la régulation du marché via la distribution de céréales aux minoteries à des prix subventionnés pour la production de la farine et la semoule, importera désormais «exclusivement» les matières premières céréalières destinées à la transformation dans les biscuiteries et les usines de production de pâtes alimentaires. Les entreprises versées dans ces deux créneaux, qui importaient auparavant leurs propres besoins, devraient donc passer par l’OAIC. L’Office se retrouve face à d’autres charges et des plus complexes.
Alors que théoriquement le rôle des différents Offices sous tutelle du ministère de l’Agriculture et du Développement rural (MADR) porte sur la supervision des filières agricoles stratégiques, à travers l’accompagnement technique et logistique des professionnels dans l’objectif d’assurer la production et protéger aussi bien le producteur que le consommateur, les Offices, comme c’est le cas pour l’OACI, ont eu comme autre mission dans le contexte de la hausse des prix des produits de large consommation de réguler le marché.
L’OACI approvisionne d’ailleurs depuis le dernier trimestre 2021 le marché en légumineuses à un prix de référence (lentilles à 100 Da et pois chiche à 120 Da), suite à l’augmentation des prix de ces produits sur les marchés national et international. Aussi, depuis l’éclatement de la crise en mer Noire, il prend en charge l’exécution du programme d’importation et de constitution du stock stratégique de céréales. Et voilà qu’aujourd’hui, il a l’exclusivité du marché de l’importation des céréales.
Comment interpréter une telle décision qui reste à clarifier ? Rappelant que l’OACI est une interprofession, donc une mutualité qui joue un important rôle dans le développement de la filière des céréales, en préparant la campagne de labour-semailles et moisson-battage par l’approvisionnement des entrants de production des semences et des engrais notamment, Mohamed Amokrane Nouad, expert et consultant agricole, estime qu’à travers une telle décision, on ne fait qu’alourdir les tâches de l’OAIC et marquer un retour au monopole de l’Etat dans une filière qui baigne déjà dans la désorganisation.
Comment ? «L’Office qui assurait jusque-là la distribution des céréales aux minoteries via le système de quotas, en ayant l’exclusivité de l’importation se retrouve dans un autre rôle, celui d’approvisionner certaines filières agro-industrielles relevant des dérivés des céréales, comme les biscuiteries. Il appliquera dans ce cadre deux catégories de prix, l’un dédié aux minoteries et le deuxième aux producteurs de semoule et de farine dont les prix sont subventionnés», nous explique M. Nouad. Et de s’interroger : «Quelle serait la limite entre les deux catégories de prix ? Comment opérera l’Office pour assurer un certain équilibre ?»
Autant de questions qui restent à éclairer, selon notre expert. Et ce d’autant, nous dit encore M. Nouad, qu'«avec ce retour au monopole, ce sera l’anarchie alors que c’est déjà le cas dans cette filière». Pour notre interlocuteur, l’idéal aurait été de libérer et laisser le marché travailler pour stimuler la demande et non pas de resserrer l’étau autour des producteurs en les rendant dépendants aux importations de l’OAIC au moment où les rendements céréaliers sont en baisse.
Des rendements que le gouvernement cherche justement à augmenter pour les porter à 40 quintaux l’hectare, à travers l’intensification des recherches agronomiques, alors que les rendements actuels sont relativement faibles. Durant les cinq dernières années, ils étaient en moyenne de 17 quintaux l’hectare pour le blé dur et de 13 quintaux l’hectare pour le blé tendre. Il s’agit donc, pour Abdelmadjid Tebboune, de les accroître de 23 quintaux l’hectare (blé dur) et de 27 quintaux l’hectare (blé tendre).
Ce qui semble difficile à atteindre dans les conditions actuelles. Dans ce sillage, le gouvernement est invité à recourir aux dernières technologies d’irrigation agricole, notamment en ce qui concerne les superficies de culture céréalière.
Enfin, concernant la fourniture du lait subventionné, le président Tebboune a instruit le gouvernement de prendre en charge l’augmentation de la marge bénéficiaire d’1 DA/litre de lait pour les usines et 2 Da pour les distributeurs. Des incitations jugées d’ores et déjà insuffisantes par les acteurs de la filière.