Lever de rideau sur le Festival international de théâtre de Béjaïa : Les Palestiniens, poignants et saisissants !

12/10/2024 mis à jour: 07:43
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Réalisée par Georgina Ousfour, la pièce La ghobara Alayh est inspirée de la pièce The Island (l’île) de l’écrivain sud-africain Athol Fugard - Photo : D. R.

Le théâtre national palestinien, Al Hakawati, ouvre le bal au TRB de Béjaïa avec la pièce La ghobara Alayh, réalisée par Kamel Bacha, lui-même ancien otage. Elle est inspirée du texte théâtral The Island (l’île) de l’écrivain sud-africain Athol Fugard.

Derrière les barreaux d’un cachot lugubre et sombre, apparaissent deux prisonniers, les corps disloqués mais expressifs, assis par terre sur des matelas. Ils s’affairent à plier et à déplier les chemises carcérales dans un geste anxieux, avant que l’un deux ne soit pris par une crise de panique. Le gîte se limite à une cruche en plastique et un seau rempli d’eau pour leur besoin sanitaire. Ce sont deux otages palestiniens condamnés pour avoir désiré de vivre, à l’issue d’un procès «tout à fait régulier et équitable», de point de vue de l’ennemi. 

Une loi «claire», ne soufrant d’aucune ambiguïté. La ghobara Alayh, «Sans aucun doute» où littéralement «Aucune poussière sur lui», est le titre de la pièce théâtrale qui a ouvert le Festival international du théâtre de  Béjaïa, jeudi soir, dans une salle pleine comme un œuf. Bien que la chaleur commençait à grimper dans la salle, à cause d’une panne du climatiseur central, le public, éreinté par un long cérémonial d’ouverture de deux heures, franchement démesuré, est resté tout de même concentré jusqu’à la fin, capté par le jeu théâtral des acteurs du Théâtre national palestinien, Al Hakawati, à savoir les comédiens Mohamed Bacha et Alaa Abou Gharbiah. Réalisée par Georgina Ousfour, la pièce est produite en 2021.

Elle est inspirée de la pièce The Island (l’île) de l’écrivain sud-africain, Athol Fugard. La pièce est saisissante par sa thématique et la puissance de son message déroulé par deux acteurs d’une incroyable complicité et d’une présence sur scène saillante. Au premier plan, elle raconte le quotidien des prisonniers palestiniens. Vivant entre colère, affliction, douleur et espoir, des sentiments, des illusions et des états d’âme se relayent en maintenant les deux hommes en captivité et en apesanteur, mais avec la peur que le rêve ne soit brisé par la réalité ardue de l’occupation sioniste.

Plan d’évasion

La question à laquelle doit répondre ce travail artistique est de savoir si les deux compatriotes réussiront à s’évader, à résister aux conditions inhumaines de la prison en attendant un hypothétique échange d’otage, et ce, sans mettre leur vie en péril. Parce que, la dernière fois, rappelle Rachid à Adhaam, les gardiens de la prison «nous ont tout pris et punis», disait-il pour tenter de calmer Adhaam, en panique. 

Ce dernier est impatient de s’arracher de ces geôles. Rachid tente de le ramener à chaque fois à la raison, mais son ami a fléchi encore une fois en se remémorant la dépouille de sa mère qu’on lui a privé d’enterrer. Afin de garder la tête sur les épaules, et de prendre le temps de mûrir leur plan d’évasion, ils s’inventent des jeux de rôles, comme au théâtre et fredonnent des chansons d’amour. Dans cette phase de la pièce, l’élément de comédie est incorporé pour diluer l’aspect dramatique. La scène démontre que les otages palestiniens ne sont pas que des chiffres comme le considère l’armée israélienne.

Cette phase de la pièce découvre l’humain qui est chez ce peuple déshumanisé où les deux prisonniers rêvent de grand air et de liberté, fantasment, interrogent des souvenirs lointains, rient, et parfois de leur condition, réduits par le colonisateur à des terroristes sur leur terre. Adhaam ne voit aucune différence entre la vie dans cette cellule et celle imposée à l’extérieur : «Si ce n’est qu’un petit peu d’espace en plus dehors.» 

Il rechute dans le désespoir. Rachid tente de le ramener désespérément à la raison en lui évoquant les efforts de la communauté internationale quant à leur cause nationale. Adhaam n’y croit plus. Surtout pas en les adeptes de «la normalisation» (Tatbii). Il a déjà tout perdu et le désir de mettre en terre la dépouille de sa mère s’estompe. Cette fois, la crise d’angoisse l’emporte. S’allongeant sur le sol, le corps inerte, Rachid sait qu’il ne peut plus rien pour son codétenu. La pièce finit comme elle a commencé, dans la douleur, mais tant qu’il en reste un résistant, l’espoir demeurera.
 

 

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