Le gouvernement égyptien continue de privilégier «la diplomatie» et à gérer en démineur la situation à la frontière avec Ghaza pour éviter tout casus belli avec Tel-Aviv.
Abdallah Ramadan, 22 ans, conscrit égyptien affecté comme garde-frontière dans la zone de Rafah, a été inhumé hier dans sa bourgade de naissance, dans la province du Fayoum, lors d’obsèques qui n’ont pas eu de cachet officiel, sinon ce drapeau couvrant le cercueil du défunt. Le soldat a été tué avant-hier par des tirs israéliens lors d’un «incident» qui s’est soldé d’autre part par les blessures d’autres gardes-frontières égyptiens en position dans l’un des avant-postes hautement exposés depuis que l’armée de l’Etat hébreu a lancé son offensive sur Rafah, le 7 mais dernier.
Les circonstances de l’accrochage restent non précises, mais toutes les versions s’accordent sur le fait que ce «contact» entre les deux forces armées était inévitable, compte tenu de l’intensification des mouvements israéliens dans la zone ces derniers jours.
Les deux gouvernements annoncent enquêter pour déterminer les responsabilités dans ce qu’il s’est passé. «Les forces armées égyptiennes, via les autorités compétentes, enquêtent sur des tirs à la zone frontalière de Rafah ayant entraîné la mort d’un des gardes», a annoncé un communiqué laconique publié le 27 mai par la direction de communication des forces armées égyptiennes. Les porte-parole de l’armée israélienne ont pour leur part confirmé que des contacts sont établis avec Le Caire pour tirer au clair l’affaire.
Une des thèses avancées les plus plausibles suggère que les unités israéliennes en opération dans le périmètre se seraient trop rapprochées de la zone gardée par les troupes égyptiennes, obligeant ces dernières à lancer une sommation. Le bilan de l’accrochage ne signale pas de morts ou de blessés du côté israélien, ce qui laisse penser que ses commandos n’ont pas eu les mêmes instructions hiérarchiques de retenue que leurs vis-à-vis égyptiens.
Un front intérieur tendu
Quoi qu’il en soit, l’incident vient confirmer toutes les craintes déjà exprimées par Le Caire quant aux conséquences d’une opération militaire israélienne à Rafah, plus particulièrement ses incidences sur la sécurité de ses propres frontières. Il vient également mettre les autorités du Caire dans un surcroît d’embarras concernant le peu de cas fait par Tel-Aviv de ses précédentes mises en garde, et plus globalement de son mépris des clauses des Accords de Camp David, en particulier leur avenant limitant au strict minimum l’activité et la consistance de la présence militaire des deux côtés de la bande frontière.
Mais Tel-Aviv semble manifestement avoir fait le choix unilatéral de suspendre lesdits accords, le temps de mettre à exécution ses plans présumés de traques à mort des résistants palestiniens.
A ce titre, la reprise en main du poste-frontière de Rafah, côté palestinien, le 7 mai dernier, est l’entorse la plus manifeste aux traités signés. Il y a trois mois, alors que Netanyahu affichait ses intentions d’envahir la zone, les hautes autorités égyptiennes, dont le président Abdelfattah Al Sissi, avaient averti contre ce scénario et annoncé devoir riposter s’il devait se réaliser.
Les derniers événements viennent donc remettre l’attention sur l’attitude du Caire, après une semaine marquée également par une avalanche de critiques qui ont ciblé ses autorités pour avoir refusé d’ouvrir le passage frontière aux Palestiniens fuyant les bombardements et les tanks israéliens. Le moment est mis à profit par des voix dans l’opposition, souvent dans la clandestinité, pour appeler à des réactions populaires exigeant des positions plus fermes du gouvernement et de l’institution militaire égyptiens.
L’institution Al Azhar a pour sa part publié un communiqué qui salue la résistance palestinienne et appelle la communauté internationale à agir pour arrêter les massacres. Le pouvoir égyptien, quant à lui, continue à gérer en démineur la situation à la frontière avec Ghaza pour éviter toute détérioration des relations avec Tel-Aviv qui puisse se muer en casus belli, en avançant l’argument que Le Caire a plus utile à faire en concentrant ses efforts sur sa mission de médiateur international dans le conflit. Quitte à ce que l’image du pays et son gouvernement prennent des coups sévères dans l’opinion et que celle-ci multiplient les signes d’exaspération.