Les conditions de l’efficacité du nouveau code d’investissement afin de relancer la croissance économique : Eliminer l’entrave bureaucratique

31/01/2023 mis à jour: 05:04
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Professeur des universités, expert international, docteur d’Etat 1974, Abderrahmane Mebtoul, directeur d’études, ministère Industrie/Energie1974/1979-1990/1995-2000*2008-2013/2015-président du conseil national des privatisations de 1996/1999

Le président de la République  a affirmé le 27/01/2023 que «l’Algérie continuera à assurer toutes les conditions et tous les moyens pour promouvoir l’investissement, améliorer et protéger le climat des affaires dans le pays, au profit des investisseurs algériens ou étrangers, soulignant que l’investissement figure parmi les «priorités stratégiques». Le nouveau code d’investissement est un cadre juridique attractif afin de relancer l’investissement productif, sous réserve de revoir le fonctionnement de l’écosystème par la débureaucratisation.  Un code n’est qu’ un moyen juridique,  afin de  faciliter la mise en  œuvre des affaires,  devant s’insérer dans le cadre d’une vision stratégique tenant compte tant des mutations tant internes qu’internationales, évitant les perpétuels changements du cadre juridique et l’instabilité monétaire afin de libérer les énergies créatrices.

1.  Le code de l’investissement, le nouveau cadre institutionnel et les secteurs prioritaires pour dynamiser la  croissance

Sur le plan juridique, le nouveau code d’investissement lève bon nombre de verrous et apporte certaines solutions pour attirer les investisseurs et dynamiser la croissance où je recense sept facteurs positifs.

Premièrement, la révision du rôle du CNI, en réhabilitant les missions et attributions organiques prévues lors de sa création, notamment pour les aspects portant approbation de stratégies et de politiques de promotion de l’investissement et sur la reconfiguration de l’ANDI qui portera la dénomination «Invest Algeria» afin qu’elle soit plus visible à l’international, tout en lui accordant le rôle d’un vrai promoteur et accompagnateur des investisseurs.

Deuxièmement, la mise en place d’une plateforme numérique de l’investisseur au niveau de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement, à l’effet d’assurer une interconnexion avec les organismes et administrations concernés par l’acte d’investir.

Troisièmement, la création auprès de l’agence d’un guichet unique dédié aux grands projets d’investissement et des investissements étrangers, permettant une meilleure prise en charge pour la concrétisation de ces projets d’investissement avec des centres créés au niveau des guichets uniques décentralisés, abritant l’ensemble des services habilités à fournir les prestations nécessaires à la création des entreprises, à leur soutien, à leur développement ainsi qu’à la réalisation des projets, par leur adaptation à la situation de chaque wilaya.

Quatrièmement, l’orientation des avantages et incitations exclusivement vers les investissements dans les secteurs prioritaires, notamment les projets d’investissement stratégiques et/ou structurants pour le pays, et ceux implantés dans des zones nécessitant un accompagnement particulier de l’État et la mise en place, par voie réglementaire, de grilles d’évaluation en fonction des critères liés, d’une part, à l’importance et la priorité des projets, et, d’autre part, à leur lieu d’implantation.

Cinquièmement, la fixation des délais de réalisation des projets d’investissement, à l’effet d’inciter les promoteurs à accélérer la concrétisation de ces projets, avec possibilité de prolongation de délai à une année renouvelable une seule fois à condition d’être entériné,  étant  proposé «l’établissement des procès-verbaux d’entrée en phase d’exploitation par l’agence et la mise en place des services fiscaux, pour permettre aux porteurs de projets d’investissement de s’orienter dans leurs démarches vers un seul interlocuteur, l’application d’un taux modulable de la TVA pour les investissements réalisés dans le régime des secteurs prioritaires. Sixièmement, l’intégration d’une disposition se rapportant à l’information sur l’offre foncière en matière d’octroi et de disponibilité des terrains relevant du domaine privé de l’État destinés à la réalisation des projets d’investissement Et les avantages à octroyer au profit des projets d’investissement et en accordant les pleins pouvoirs de décision aux représentants des organismes et des administrations au sein des guichets uniques, de façon à leur permettre de délivrer et d’octroyer l’ensemble des décisions, documents et autorisations en lien avec la concrétisation et l’exploitation du projet d’investissement.

Septièmement, l’exemption des formalités du commerce extérieur et de domiciliation bancaire pour les biens neufs constituant un apport extérieur en nature» et la garantie de transfert de l’investisseur étranger ainsi que le montant transférable étant  déterminés en fonction de sa part de financement dans le coût total de l’investissement. Le nouveau code d’investissement structure les projets prioritaires, mettant en place trois régimes d’incitation :  le régime d’incitation aux secteurs prioritaires est dénommé «régime des secteurs», celui des zones auxquelles l’Etat accorde un intérêt particulier est désigné «régime des zones», tandis que celui dédié aux investissements revêtant un caractère structurant est appelé «régime des investissements structurants». Ainsi, sont éligibles au «régime des secteurs» les investissements réalisés dans les domaines des mines et carrières, l’agriculture, l’aquaculture et pêche, l’industrie, l’industrie agro-alimentaire, l’industrie pharmaceutique et pétrochimique, les services et tourisme, les énergies nouvelles et renouvelables, ainsi que celui de l’économie de la connaissance et des TIC. Au titre de la phase réalisation, ces investissements peuvent bénéficier, outre les incitations fiscales, parafiscales et douanières prévues dans le cadre du droit commun, d’exonération des droits de douane pour les biens importés et de franchise de la TVA pour les biens et services. Sont éligibles au «régime des zones», les investissements  réalisés dans des localités des Hauts-Plateaux, du Sud et du Grand Sud, dans des localités dont le développement nécessite un accompagnement particulier de l’Etat ou encore des localités disposant de potentialités en ressources naturelles à valoriser. Outre les incitations fiscales, parafiscales et douanières prévues dans le cadre du droit commun et les avantages attribués aux investissements relevant du «régime des secteurs» à la phase réalisation, les investissements du «régime des zones», dont les activités ne sont pas exclues, peuvent également bénéficier, au titre de la phase exploitation, d’exonération de l’IBS et de la TAP pour une durée allant de 5 à 10 ans à compter de la date d’entrée en exploitation du projet et enfin sont éligibles «au régime structurants», les investissements à haut potentiel de création de richesse et d’emploi, susceptibles d’augmenter l’attractivité du territoire et de créer un effet d’entraînement sur l’activité économique pour un développement durable, selon le document. Ces projets peuvent jouir des incitations fiscales, parafiscales et douanières prévues dans le cadre du droit commun, ainsi que les avantages accordés aux «régime des secteurs» et «régime des zones» au titre de la phase réalisation, les avantages de réalisation pouvant être transférées aux contractants de l’investisseur bénéficiaire chargés de la réalisation de l’investissement pour le compte de ce dernier. Au titre de la phase d’exploitation, ils bénéficient également de d’exonération de l’IBS et de la TAP pour une durée allant de 5 à 10 ans à compter de la date d’entrée en exploitation du projet.

2. L’efficacité du nouveau code d’investissement doit s’inscrire dans le cadre d’une vision stratégique évitant l’instabilité juridique et monétaire

L’économie algérienne, à dominance publique, a connu différentes formes d’organisation des entreprises publiques, ces changements périodiques démobilisant les cadres du secteur économique public, et même les investisseurs locaux et étrangers. Cela n’est pas une question d’argent puisque selon deux rapports récents du premier ministère, l’assainissement des entreprises publiques pour quelques centaines de milliers d’employés  a couté au trésor durant les 30 dernières années à 2020, environ  250 milliards de dollars et les réévaluations durant les  dix dernières années  plus de 40 milliards de dollars, un véritable gouffre financier alors que la population active dépasse les 12,5 millions et qu’il faille créer  350 000/400 000 emplois /an qui s ‘ajoute au taux de chômage actuel nécessitant 8/9% de taux de croissance sur plusieurs années tiré par des entreprises compétitives, innovatrices  nouvelles  qu’elles soient publiques ou privées en attirant l’investissement étranger dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant. Pour éviter des remous sociaux, tous les gouvernements ont généralisé les subventions, source de gaspillage croissant des ressources financières du pays. Selon les prévisions pour 2022, les subventions implicites, constituées notamment de subventions aux produits énergétiques et des subventions de nature fiscale, représentent environ 80 % du total des subventions et que les subventions explicites représentent un cinquième du total des subventions, étant dominées par le soutien aux prix des produits alimentaires et aux logements étant prévu 1 942 milliards de dinars, soit 14,17 milliards de dollars et 19,7 % du budget de l’État et la loi de finances 2023 prévoit 5000 milliards de dinars pour le total des transferts sociaux soit au cours actuel près de 37 milliards de dollars . C’est là un dossier très complexe que le gouvernement a décidé de revoir. Mais sans maîtrise du système d’information et la quantification de la sphère informelle, produit de la bureaucratie et favorisant les délits d’initiés – dont l’extension d’ailleurs décourage tout investisseur – et qui permet la consolidation de revenus non déclarés, en temps réel, la réforme risque d’avoir des effets pervers.

Avant 1965, la forme d’autogestion était privilégiée ; de 1965 à 1980, nous avons eu de grandes sociétés nationales et de 1980 à 1988, il y a eu leur restructuration. Comme conséquence de la crise de 1986 qui vit le cours du pétrole s’effondrer, des réformes timides sont entamées en 1988 : l’Etat crée 8 fonds de participation, chargés de gérer les portefeuilles de l’Etat. En 1996, l’État crée 11 holdings en plus des 5 régionaux, avec un Conseil national des privatisations ; en 2000, nous assistons à leur fusion en 5 méga holdings et la suppression du Conseil national des privatisations ; en 2001, nouvelle organisation : on crée 28 Sociétés de gestion des participations de l’Etat (SGP), en plus des grandes entreprises considérées comme stratégiques ; en 2004, ces SGP sont regroupées en 11 et 4 régionaux. En 2007, une nouvelle organisation est à nouveau proposée par le ministère de l’Industrie et de la Promotion des investissements, articulée autour de quatre grands segments : des sociétés de développement économique qui relèvent de la gestion exclusive de l’État gestionnaire ; des sociétés de promotion et de développement en favorisant le partenariat avec le secteur privé international et national ; des sociétés de participation de l’État appelées à être privatisées à terme et, enfin, une société chargée de la liquidation des entreprises structurellement déficitaires. Cependant, en 2008, cette proposition d’organisation est abandonnée et est émise en 2009 l’idée de groupes industriels. Entre 2018-2022, on semble revenir aux tutelles ministérielles alors que l’objectif  est plus la transition d’un Etat gestionnaire à un Etat régulateur avec plus d’autonomie aux entreprises, avec moins  d’interférences politiques, Au niveau local, la décision récente de donner plus de prérogatives aux walis implique que l’on passe des collectivités locales providences aux collectivités créatrices de richesse, impliquant  des walis managers étant souhaitable à l’avenir que l’on, l’on évite de puiser toujours dans l’Ecole nationale d’administration pour la nomination de walis, où la formation est une formation surtout  administrative et que l’on fasse appel à d’autres disciplines, avec bien sur l’expérience, des économistes, ingénieurs anciens PDG de sociétés  afin de faire émerger  des walis managers. Devant  privilégier tant au niveau national que local non pas la dominance de la démarche administrative et bureaucratique mais la démarche opérationnelle économique, devant mettre fin au gaspillage des ressources financières ainsi qu’au renforcement de la dynamique rentière, bloquant tout transfert de technologique et managérial, l’action opérationnelle regroupant , au niveau central l’Etat étant chargé des grandes orientations et actions stratégiques,  les représentants de l’Etat au niveau local,  les entreprises publiques et privées, les  banques, les universités, les centres de formation, professionnelle nécessite  de grands pôles économiques  régionaux ( six à huit), une micro wilaya attirant peu les investisseurs  créateur de valeur ajoutée. Car une croissance économique plus forte et plus inclusive, en ciblant et facilitant les investissements stratégiques nationaux et étrangers dans le pays, implique une cohérence dans la politique socio-économique devant assurer un environnement des affaires sain et stable et une réglementation efficace pour stimuler et encourager l’émergence des partenariats entre les différents acteurs économiques. Il faut être réaliste cela demandera du temps, car pour le PMI/PME si le projet entre en production en 2023, il lui faudra  deux à trois ans pour atteindre le seuil de rentabilité et pour les grands projets entre 5/7 ans, c’est une loi économique applicable à tous les pays. En 2022, les entrées en devises  pour 97/98% proviennent de Sonatrach,  y compris les dérivées qui sont comptabilisés dans la rubrique hors hydrocarbures pour un ratio en valeur,  selon les statistiques  douanières entre 60/70%. Cependant si le gouvernement  veut que le nouveau code d’investissement ait un impact réel, il y a urgence de s’attaquer aux freins réels c’est à dire  à  l’éco- système dont la bureaucratie centrale et locale paralysante, impliquant  de profondes réformes structurelles devant synchroniser la sphère réelle et la sphère financière, la dynamique économique et la dynamique sociale. Le retour à la confiance, sans laquelle aucun développement n’est possible, passe par une vision stratégique clairement définie évitant l’instabilité juridique, du taux de change avec la dépréciation officielle  du dinar, la dominance de la sphère informelle qui selon le président de la république contrôle entre 6000 et 10 000 milliards de dinars soit entre 33 e t45% du PIB , tout cela  freinant l’attrait de l’investissement à moyen et long terme avec le  risque d’amplifier les actions spéculatives, tant dans la sphère réelle (stockage de produits durables) que par l’achat de devises. Mon expérience et mes contacts internationaux aux plus hauts niveaux montrent : que le temps est terminé, des relations personnalisées entre chefs d’État ou de ministres à ministres dans les relations internationales où dominent désormais les réseaux décentralisés ; que dans la pratique des affaires n’existent pas de sentiments mais uniquement des intérêts, et que tout investisseur est attiré par le profit, qu’il soit américain, chinois, russe, turc ou européen. Il appartient ainsi à l’État régulateur, dont le rôle stratégique en économie de marché s’apparente à celui d’un chef d’orchestre, de concilier les coûts privés et les coûts sociaux. C’est par la méconnaissance des nouvelles règles qui régissent le commerce international que s’expliquent les nombreux litiges internationaux, avec des pertes se chiffrant en dizaines de millions de dollars. L’observation des grands espaces mondiaux montrent clairement que seules quelques grandes firmes contrôlent les circuits du commerce mondial, et il est impossible aux opérateurs algériens de pénétrer le marché sans un partenariat gagnant/gagnant. L’essentiel, ce ne sont donc pas les lois, mais de s’attaquer au fonctionnement du système afin de déterminer les blocages qui freinent l’épanouissement des entreprises créatrices de richesses, qu’elles soient publiques, privées locales ou internationales. L’investissement hors hydrocarbures en Algérie, porteur de croissance  est victime de nombreux freins dont les principaux restent l’omniprésence de la bureaucratie et la corruption, le terrorisme bureaucratique avec la léthargie du système financier représentant  à eux  seuls plus de 70 % des freins à l’investissement  sans compter l’épineux  problème du foncier livrer à des prix exorbitants et souvent sans utilités, route, téléphone, eau, électricité, égouts  (voir notre interview quotient horizon dz 26/01/20232).

En résumé, l’économique étant avant tout politique sous réserve d’une mobilisation générale, tenant compte des différentes sensibilités, d’une lutte implacable contre la corruption et la bureaucratie,  l’efficacité du nouveau code d’investissement implique  de profondes réformes structurelles. L’objectif est devant synchroniser la sphère réelle et la sphère financière, la dynamique économique et la dynamique sociale afin de s’adapter aux nouvelles mutations mondiales marquées par l’innovation technologique, la bonne gouvernance et le savoir, fondement de tout processus de développement, la transition énergétique liée au réchauffement climatique et la maîtrise de la transition numérique. L’on devra éviter l’illusion des années 1970-1990 de l’ère mécanique, étant à l’ère de l’immatérialité où les firmes éclatent en réseaux à travers un monde turbulent et instable comme une toile d’araignée. Le retour à la confiance, sans laquelle aucun développement n’est possible, passe par une vision stratégique clairement définie. Évitons tant l’autosatisfaction que la sinistrose. L’Algérie a un stock de la dette extérieure maitrisable qui est passé de 7,253 milliards de dollars en 2010 à 5,463 milliards de dollars en 2016, 5,492 en 2019 et   en  2020 à  5,178 milliards de dollars,  selon  le rapport «International Debt Statistics 2022», moins de 5% du PIB et des réserves de change fin 222 d’environ 60 milliards de dollars. Cependant, attention à l’accroissement du déficit budgétaire et de la dette publique. Le  déficit budgétaire de l’année 2023  devrait atteindre, selon le projet de loi de finances 2023 , 5,884,9 milliards de dinars (-22,5% du PIB)  soit au cours  de 137 dinars un dollar,  42,95 milliards de dollars contre environ 30 en 2022  et la dette publique, selon les données du FMI,  54,4% du PIB en 2020,  63% du PIB en 2021 et 65,4% du PIB  en 2022, déficit  qui pourrait accroître le processus inflationniste  en cas  de  non-maîtrise de la dépense publique.  Le dépassement de l’entropie actuelle, avec les tensions géostratégiques à nos frontières, où de nouvelles reconfigurations se dessinent, la relance économique pour 2023/2025 pose la problématique de la sécurité nationale. 

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