L’intégration de l’Ethiopie et de l’Egypte au sein des BRICS n’est pas du tout une surprise. Loin s’en faut. L'expansion du bloc de pays émergents à six nouveaux membres, décidée lors du 15e sommet des BRICS, qui vient de se tenir en Afrique du Sud, est pleine d’enseignements. Sur la quarantaine de nations qui ont demandé leur adhésion ou manifesté leur intérêt pour rejoindre le bloc, seuls six pays ont été invités à y adhérer à compter de janvier 2024.
L’Iran, l’Argentine, l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, l’Egypte et l’Ethiopie, vont rejoindre le groupe des BRICS. Après l’adhésion, en 2010, de l’Afrique du Sud, le continent africain compte désormais trois membres au sein des BRICS. Comment expliquer le choix fait d’intégrer l’Ethiopie et l’Egypte ? La Chine qui est le moteur des BRICS et le membre le plus influent a jeté son dévolu sur ces deux pays africains. Ce choix est loin d’être anodin.
Ces deux pays ont certes de sérieuses difficultés économiques conjoncturelles, mais ils représentent un énorme potentiel géostratégique pour la Chine et ses partenaires des BRICS. L'intégration de l’Egypte au sein des BRICS répond plus à des considérations géopolitiques qu’économiques.
Berceau de la civilisation, ce grand pays nord-africain est certes en proie à de grandes difficultés économiques, avec notamment une dette extérieure qui a plus que triplé en dix ans à 155 milliards de dollars. Mais pour les Chinois, ce pays est un acteur politique et stratégique important. L'Egypte est, avec le passage stratégique du canal de Suez, sur les grandes routes commerciales Europe-Asie : mer Rouge, Méditerranée et océan Indien. Sur fond d'enjeux des routes maritimes, le lien entre l'Egypte et la Chine a toujours été important.
L’Egypte est un grand acteur présent au sein des deux organisations multilatérales initiées par la Chine, que sont le Forum de coopération sino-africain et le Forum de coopération sino-arabe.
Les nouvelles routes de la soie ont renforcé la position stratégique de l’Egypte située à la jonction de la Méditerranée et de la mer Rouge. Le Caire est l’un des membres fondateurs de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, institution financière mise en place par Pékin pour asseoir un système financier international. L’Egypte est également présente auprès d’autres organisations conçues par la Chine.
Le Caire est candidat au statut d’observateur au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).
Les pays des BRICS misent également sur le potentiel à long terme de l’Ethiopie qui entretient des liens économiques et géostratégiques forts avec la Chine. L'Ethiopie, qui n’a jamais été colonisée, abrite le siège de l'Union africaine. Ce pays, qui vient de sortir d’un conflit armé au Tigré, s’est lancé dans une vaste industrialisation, notamment dans le textile, l’agroalimentaire et l’industrie pharmaceutique.
Un miracle économique s’est produit, puisque l’Ethiopie jouit d’une forte croissance depuis 15 ans (6,4% en 2022). La banque des BRICS est une alternative pour l’Ethiopie qui a des difficultés à avoir un financement de la part du FMI pour procéder à une restructuration de sa dette extérieure qui culmine à 27,4 milliards de dollars (27,1% du PIB). En proie à un haut risque de surendettement, le pays n’a pas trouvé mieux que la Chine pour financer ses mégaprojets d’infrastructures, notamment dans le domaine des chemins de fer. La Chine détient 77% du stock de dette bilatérale éthiopienne.