L'entretien / Abdelkrim Chebri. Directeur général de la Société de l’eau et de l’assainissement de Constantine (Seaco) : «Nos créances ont atteint environ 700 milliards de centimes»

20/05/2024 mis à jour: 16:48
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(Photo: El Watan)

Dans cet entretien accordé à El Watan, le directeur de la Société de l’eau et de l’assainissement de Constantine (Seaco) revient sur le bilan du programme de réparation des fuites, les causes des problèmes rencontrés par les citoyens et l’entreprise ainsi que les solutions envisagées.

 

Propos recueillis par Yousra Salem  

 

 

-Vous avez lancé récemment une vaste campagne de réparation des fuites d’eau dans la wilaya de Constantine. Quel bilan faites-vous ? 

Le programme anti-fuites a été lancé par le wali de Constantine, il y a deux mois. Il a été initié au chef-lieu de la wilaya où il a été constaté un nombre de assez important de fuites. Nous avons enregistré environ 600 fuites dans les différents quartiers, notamment dans les réseaux galvanisés, les conduites en amiante ciment et en fonte grise. En une semaine, nous avons pu réparer 140 fuites qui nous ont donné un gain en débit de plus de 200 l/seconde. Il s’agissait d’importantes fuites de 1 à 5 l/s, surtout dans les branchements particuliers de nos abonnés. L’opération a été menée par cinq zones, avec la mobilisation de tous les moyens pour régler ce problème. 
 

-Quelles sont les causes de ces fuites récurrentes ?

Depuis mon arrivée, j’ai demandé à la Direction des ressources en eau (DRE) de lancer une opération de diagnostic du réseau. À notre niveau, nous avons le plan qui comporte pratiquement l’ensemble des réseaux d’AEP, surtout dans la ville de Constantine, les différents types de matériaux utilisés et l’état de vétusté du réseau. Nous avons constaté que ces fuites sont signalées dans les matériaux galvanisés, de l’amiante ciment, de la fonte grise et des plombs utilisés depuis l’époque coloniale. Je peux dire que 30 à 40% du réseau ont été rénovés. Des opérations de rénovation sont également enregistrées au niveau de la DRE, dans le cadre du PSD de l’année 2024 et du FNE (Fonds national de l’eau) géré par notre ministère. Les cahiers des charges sont en cours d’élaboration et les opérations seront lancées dès l’achèvement des procédures administratives. 


-Ce problème est-il signalé uniquement à Constantine ? 

Nous remarquons également d’autres villes comme El Khroub, Aïn Abid, Zighoud Youcef, Hamma Bouziane et Didouche Mourad qui sont concernées par ce phénomène de fuites. C’est uniquement la partie nord de la wilaya qui est concernée, notamment Constantine, Hamma Bouziane et  Didouche Mourad, où on constate la présence du calcaire dû essentiellement à la qualité des eaux très chargées.  


-En plus des fuites, il y a le problème des branchements illicites... 
 

Effectivement. Il s’agit d’un grand problème, surtout dans les quartiers précaires. Ce phénomène nous cause des pertes sèches assez conséquentes qui affectent directement le recouvrement. 
 

-Pouvez-vous nous donner des chiffres ? 

Pratiquement entre 15 et 20% des habitations de la wilaya sont concernées par ces branchements illicites. Ce sont des citoyens qui se raccordent directement au réseau de manière sommaire. Le cas le plus frappant est celui d’un quartier du côté d’El Gammas. Nous avons recensé 1800 habitations raccordées au réseau illicitement. Ce cas a été discuté récemment pour reprendre le réseau sommaire réalisé parfois par les citoyens eux-mêmes. 


-Le problème des créances perdure. Quel est le taux de recouvrement ?  

Le taux de recouvrement est le plus bas. Je dirais qu’il est pratiquement nul. Nous avons deux types de créances, auprès des communes et des citoyens. Nous avons également le problème des 30% de nos abonnés qui n’ont pas de compteurs et payent au forfait. La situation de l’entreprise ne permet pas d’acquérir des compteurs qui sont trop chers. Mais nous avons mené quelques opérations d’acquisition cette année. Précisément, nous avons acquis 2 500 compteurs durant le premier trimestre. Nous venons de recevoir 2000 autres, depuis le début du deuxième trimestre, soit au mois d’avril. C’est très insuffisant. Notre objectif est d’atteindre 14 500 compteurs posés pour l’année 2024. Je rassure que même le forfait est comptabilisé selon la consommation de l’abonné. 


-Vous avez dit que le taux de recouvrement est le plus bas. Pouvez-vous l’expliquer par des chiffres ?  

Nos créances ont atteint cette année environ 700 milliards de centimes. Pourtant, on était à environ 600 milliards de centimes, depuis 2004 jusqu’à l’année écoulée. Pour les communes, nous avons des créances de 26 milliards de centimes. Nous sommes en train de négocier avec les APC pour le recouvrement, avec l’assistance de la Direction de l’administration locale (DAL). Pour les créances des particuliers, nous avons opté pour les campagnes de sensibilisation envers les citoyens, en proposant le paiement par échéancier. 
 

Qui sont les mauvais payeurs, les communes ou les citoyens ? 
 

Je dirais les citoyens où les créances représentent 400 milliards de centimes.
 

-Certaines communes se plaignent de la qualité des interventions de la Seaco et la non-remise en l’état de la chaussée. Que dites-vous ?
 

Je peux confirmer que nos services sont très rapides lors de l’intervention. La Seaco a la technicité de réparation, mais parfois les branchements particuliers, qui sont superficiels, posent problème. J’évoque un exemple d’un quartier de l’Ancienne ville où le branchement est à 20 cm ou 30 cm. Il suffit le passage d’un camion lourd pour que le réseau éclate. D’autant plus, l’intervention pour le réseau ne concerne pas uniquement le secteur de l’hydraulique, tous les acteurs sont concernés, à l’instar de la DUAC au niveau des zones d’activité et industrielles ainsi que l’agence foncière qui réalise parfois les réseaux. Pour la remise en l’état de la chaussée, nous avons signé un contrat avec Voierep, une équipe communale de Constantine chargée des réparations.  


-Qu’en est-il des autres interventions ? 

Nous avons signalé 3 000 fuites par trimestre, avec la réparation de 70% d’entre elles. Le nombre des fuites enregistrées par an est de 8 000. Tout l’effort de la Seaco est focalisé sur les fuites, la distribution de l’eau et les travaux, dont de petites extensions. 
 

-Avez-vous les moyens humains et matériels pour intervenir ?  
 

La Seaco a une subdivision et cinq zones qui déploient tous les efforts nécessaires au niveau, entre autres, de la ville d’Ali Mendjeli, Zighoud Youcef, Hamma Bouziane et El Khroub. Chaque zone est subdivisée en deux, des équipes chargées de la distribution de l’eau et des travaux et celles chargées du recouvrement. Pour ce qui est des moyens, nous n’avons pas les moyens assez appropriés pour faire face à toutes les insuffisances. Mais nous essayons de faire mieux pour pallier ces difficultés. La Seaco compte plus de 1700 employés entre cadres, agents de maîtrise et agents d’intervention, un chiffre très minime par rapport aux agents de maîtrise. C’est ce qui fait la difficulté de l’entreprise. En plus, chaque année nous essayons d’acquérir des moyens matériels, soit en équipements hydrauliques ou pour la réparation. Les difficultés sont rencontrées au niveau de la disponibilité des engins, ce qui constitue un problème énorme pour l’entreprise. Nous sollicitons parfois les entreprises privées pour combler ce manque. En ce qui concerne l’outillage, nous avons chaque année des marchés pour les équipements hydrauliques, les canalisations et les pièces spéciales, sans aucun souci. Par contre, nous avons fait un effort au détriment de la trésorerie de la Seaco pour avoir les compteurs, sachant que l’entreprise a des difficultés financières assez importantes. 


-Les communes de Hamma Bouziane et Didouche Mourad connaissent un problème récurrent d’obstructions dans les conduites, suite au dépôt du calcaire. Pouvez-vous nous donner un aperçu sur cette situation ? 
 

Depuis mon arrivée à la tête de la Seaco, j’ai toujours soulevé ce problème, notamment dans la partie nord de la wilaya. Certes, il s’agit d’un vrai casse-tête pour le personnel, où les interventions sont fréquentes. Tout l’effort est pratiquement destiné à cette problématique. J’ai soulevé ce phénomène aux autorités locales et à notre tutelle pour la possibilité de réaliser une station de décarbonatation qui a été initiée même durant les années précédentes. Cette station va nous épargner un effort très important et des dépenses coûteuses. Sachant que les communes avaient réalisé la rénovation du réseau. Pas plus tard que le mois passé, la commune de Didouche Mourad a fait un effort louable, pour rénover les réseaux. Mais cela reste un problème pesant pour nous en tant que gestionnaires. J’évoque aussi un projet avec Cosider, en cours de finalisation pour le renforcement et la sécurisation en eau potable des communes alimentées à partir des eaux chargées en calcaire. Il s’agit de la réalisation d’un réservoir de 25 000 m3 à Hamma Bouziane, permettant le brassage des eaux chargées avec les eaux du barrage, afin d’améliorer leur qualité. 

 

-Nous avons fait une expérimentation en analysant ce brassage d’eau et le résultat était assez concluant. 
Quand ce problème sera-t-il réglé définitivement ? 

 

Le problème sera réglé une fois que la méga station située à Djebel Ouahch sera mise en service. D’ailleurs, le wali a donné une instruction à la DRE dans ce sens.  

 

-Malgré ces efforts, la plupart des clients se plaignent des mauvaises prestations et des fréquentes coupures, en dépit de la disponibilité des ressources en eau  pouvant couvrir la demande. Qu’en dites-vous ? 
 

Je peux vous confirmer que la situation est très satisfaisante relativement à d’autres wilayas et à la disponibilité de la ressource, comme les autorités locales le disent à chaque fois. Les coupures ne sont pas assez fréquentes, mais elles sont dues essentiellement aux coupures électriques ou parfois aux pannes dans les équipements installés. Toutefois, l’intervention est rapide, ces coupures ne durent pas 8 heures par jour. 

En conclusion, la Seaco compte 290 000 abonnés, dont 30%  sont comptabilisés au forfait. Pour la fréquence de la distribution, je peux vous confirmer que 50 à 60% des abonnés sont desservis H24, ceux alimentés quotidiennement entre 4 heures et 12 heures sont à 30%. Le reste est alimenté un jour sur deux avec des fréquences de distribution de 2 à 8 heures.
 

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