Depuis l’effondrement du sol provoqué par les travaux de construction d’une tour immobilière de 14 étages (R+14) sur le chantier du boulevard Seddik Benyahia, le 10 décembre 2024, le quartier de Oued Kouba, dans la ville d’Annaba, vit dans un climat d’indignation et d’exaspération croissante.
Plus de trois semaines après, la route demeure fermée, compliquant considérablement la vie des habitants et alimentant un profond sentiment de colère. Dans une lettre adressée au wali d’Annaba, dont El Watan a été destinataire, le comité de quartier de la cité des 100 Logements dénonce un projet qu’il juge à la fois «inadapté et dangereux».
Ce chantier, lancé en avril 2024 sur un terrain initialement destiné aux aires de jeux et de loisirs pour les enfants, est perçu par les habitants comme une véritable «aberration urbanistique». «La construction, implantée sur un terrain constitué de remblais et reposant sur une nappe phréatique n’aurait jamais dû voir le jour», affirment les résidants qui rappellent que l’entreprise allemande ayant construit la cité dans les années 1970 avait sciemment exclu cet espace de toute construction en raison de son instabilité manifeste.
«Les travaux de creusement ont révélé la nature problématique du sol : des terres gorgées d’eau, boueuses et impraticables», soulignent-ils, appuyant leurs propos sur l’apparition d’une large fissure sur la voie adjacente bien avant l’effondrement.
Le projet controversé a par ailleurs subi des modifications douteuses. Initialement conçu pour un bâtiment de 4 étages (R+4), il s’est transformé comme par enchantement en une tour de 14 étages à la suite d’un changement du Plan d’occupation des sols (POS), opéré en 2011 dans des conditions qualifiées d’opaques par les habitants. Cette décision, prise sans enquête de commodo et incommodo ni consultation des riverains, a suscité une vague de mécontentement. L’extension du chantier au-delà des limites légales aggrave encore la situation.
Selon les habitants, «la superficie de l’espace occupé atteint désormais quelque 1800 m², dépassant largement les 1492 m² légalement attribués. L’entreprise promotrice aurait également empiété sur des espaces verts en déplaçant illégalement les limites du chantier, avec la complicité présumée de certaines instances locales».
L’impact de ces travaux sur les infrastructures voisines est préoccupant. Le creusement à proximité d’un poste transformateur électrique de moyenne tension (MT), récemment installé par Sonelgaz, a fragilisé son socle, tandis que les vibrations générées par les engins lourds menacent la stabilité des bâtiments environnants. Face à ces multiples abus et à l’inertie des autorités compétentes, les habitants ont décidé d’élever leur voix jusqu’au sommet de l’Etat.
Une lettre ouverte adressée au président de la République appelle à «l’annulation immédiate du projet, considéré comme une menace pour la sécurité publique et l’intégrité du quartier». Cet incident met en lumière de graves dysfonctionnements dans la gestion urbanistique locale. Les organismes de contrôle sont accusés d’avoir failli à leur mission, tandis que certains élus sont soupçonnés d’avoir facilité des modifications irrégulières du POS, au mépris des règles élémentaires d’urbanisme.
Pour les habitants, ce chantier est bien plus qu’un simple projet immobilier controversé : «Il incarne une gestion défaillante où les intérêts privés semblent avoir pris le pas sur la sécurité et le bien-être collectif». Leur mobilisation ne vise pas seulement à stopper cette construction, mais aussi à exiger des réformes structurelles dans les politiques d’aménagement urbain à Annaba.
Dans leur lettre, les riverains adressent un dernier cri d’alarme : «Si aucune mesure n’est prise, nous risquons de connaître des drames bien plus graves. Nous appelons les autorités à agir sans délai pour mettre un terme à cette injustice et protéger notre quartier.»
En attendant des réponses concrètes des pouvoirs publics, l’affaissement de terrain reste un symbole inquiétant des dérives de l’urbanisme dans la région. L’avenir de ce quartier emblématique qui mène à la Corniche repose désormais entre les mains des décideurs publics. A suivre…