La demande de retrait de la mission du maintien de la paix Minusma, formulée par les forces de transition maliennes, suscite des inquiétudes. La question sera tranchée par le Conseil de sécurité de l’ONU lors de sa réunion le 29 juin.
Le projet d’une nouvelle Constitution au Mali, soumis à référendum le 18 juin dernier, est approuvé. Selon les résultats provisoires de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), le «oui» l’a emporté avec 97,07 % des voix exprimées.
Le taux de participation s’est élevé, quant à lui, à 39,40% des 8 millions de Maliens inscrits sur les listes électorales. L’AIGE a précisé que les résultats définitifs seront proclamés prochainement par la Cour constitutionnelle. Cette instance électorale a affirmé que le scrutin s’est déroulé normalement sur l’ensemble du territoire malien, estimant ainsi avoir su relever le défi d’organiser des «élections libres, transparentes et apaisées».
Mais selon des observateurs cités par des médias étrangers, le vote a été perturbé au nord et au centre du pays. Au Nord, les forces regroupées autour du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), ont déclaré qu’elles ne se reconnaissaient pas dans ce projet constitutionnel, parce qu’il ne prenait pas en charge certains points cardinaux contenus dans l’Accord de paix signé en 2015 à Alger avec les autorités gouvernementales maliennes.
Au Centre, ce sont les influentes organisations et associations religieuses qui se sont élevées contre ce projet de Constitution à cause du maintien du caractère laïque de l’Etat malien. Le faible taux de participation reflète ainsi ce contexte tendu dans lequel a été organisé le référendum.
«Ni inclusive ni consensuelle»
Au lendemain de l’annonce des résultats, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS), a appelé les autorités de transition à annuler cette élection. Le coordinateur du CMAS, Youssouf Daba Diawara, a fait état, dans un communiqué rendu public le 20 juin, d’ «irrégularités» et de «manquements le jour du vote», qui «décrédibilisent» le processus électoral, demandant aux autorités d’«annuler purement et simplement cette élection».
«On a constaté qu’il y a beaucoup d’endroits où les gens n’ont pas pu aller voter, et on a constaté des fraudes massives. Par exemple, là où il y a des déplacés, dans le Nord et dans la région de Mopti, les gens ne sont pas présents, mais on a des vidéos où l’on voit des gens émarger à la place des autres», a-t-il précisé dans le même communiqué.
De son côté, le CSP-PSD, qui regroupe les différentes organisations de l’Azawad, a affirmé dans une déclaration rendue publique le 21 juin et signé par son porte-parole Mohamed Elmaouloud Ramadane que le vote n’a pas eu lieu dans les zones qu’il contrôlait, particulièrement dans la région de Kidel et la quasi-totalité des localités des régions de l’Azawad.
Ainsi, le CSP-PSD «ne saurait se reconnaître» dans cette Constitution qui n’est ni inclusive ni consensuelle». Ces critiques et oppositions ne semblent cependant pas être suffisantes pour pousser les forces de transition, à leur tête le colonel Assimi Goïta, à revoir leur feuille de route.
Bien au contraire. Le cap est maintenu, avec au bout de cette transition une présidentielle, prévue en février 2024. Une élection qui est censée consacrer le retour du Mali à la légalité constitutionnelle et à un pouvoir civil.
Ayant réussi à faire passer la réforme constitutionnelle qu’elles ont présenté comme la pierre angulaire de la refondation de l’Etat malien, les forces de transition attendent la satisfaction de leur demande de retrait de la mission du maintien de la paix Minusma par le Conseil de sécurité de l’ONU qui doit se réunir sur la question le 29 juin.
Le 16 juin, le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, a confirmé devant le Conseil de sécurité de l’ONU la demande de retrait de la Minusma déjà formulée par son pays.
Créée en 2013, la Minusma a pour mandat de veiller à la sécurité, à la stabilisation et protection des civils, à l’appui au dialogue politique et à la réconciliation nationale, au rétablissement de l’autorité de l’État, à la promotion et la protection des droits de l’homme et à l’aide humanitaire.
Elle compte au total 17 430 personnes dont 11 739 soldats. Cette force de maintien de la paix au Mali est composée essentiellement de contingents du Tchad, du Bangladesh, de l’Égypte et du Sénégal.
«Coup fatal à l’Accord d’Alger»
La demande de son retrait est vivement dénoncée par les mouvements de l’Azawad regroupés dans le CSP-PSD. «Le retrait de la Minusma sera un coup fatal porté délibérément contre l’Accord pour la paix, dont la mise en œuvre est poussive depuis sa signature et dont le gouvernement malien porte l’entière responsabilité», a écrit le CSP-PSD dans un communiqué, appelant ainsi au renouvellement du mandat de cette mission.
Le CSP-PSD a également rappelé que la Minusma est «la cheville ouvrière des parties garantes de la mise en œuvre et du suivi de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger». Aussi, «le départ de la Minusma sans autre alternative crédible constituerait une menace pour la sécurité du Mali et toute la région», a-t-il souligné, mettant en garde contre «les conséquences directes sur les populations déjà fragilisées par le terrorisme et le sous-développement.
Ainsi, il y a de sérieuses craintes que le retrait de cette mission onusienne du Mali provoque un vide sécuritaire qui profiterait aux groupes terroristes. Un vide que l’armée malienne, qui dispose de capacités limitées, ne pourrait pas combler de sitôt.