Le patrimoine sous-marin des pays du Pacifique gravement menacé par les extractions minières

26/03/2025 mis à jour: 05:54
1478

Lors d’une session de l’Autorité internationale des fonds marins en Jamaïque, les représentants des pays du Pacifique ont dénoncé l’exploitation sous-marine et réclament une plus vaste protection du patrimoine englouti.

Les océans renferment un héritage culturel précieux qu’il est essentiel de préserver face aux menaces de l’exploitation minière sous-marine. Outre les écosystèmes marins, ce patrimoine comprend des vestiges historiques tels que des navires engloutis, des témoignages de la traite transatlantique ou encore la connexion spirituelle des peuples du Pacifique avec la mer. ONG et représentants des peuples autochtones plaident pour sa reconnaissance et sa protection.  

Hinano Murphy, membre de l’association polynésienne Tetiaroa Society, rappelle que ses ancêtres ont traversé l’océan pendant des millénaires en transmettant leur savoir de génération en génération. Elle insiste sur l’importance de considérer les fonds marins comme un espace sacré, véritable matrice de la vie, et appelle à leur préservation. Lors de la session en cours de l’Autorité internationale des fonds marins en Jamaïque, les peuples autochtones ont réclamé la prise en compte de leur lien culturel et spirituel avec les océans dans l’élaboration du code minier qui fixera les règles d’exploitation des fonds marins en haute mer.  

Les scientifiques et défenseurs des océans alertent depuis longtemps sur les dangers que cette industrie représente pour la biodiversité. Salim Lahsini, représentant du Maroc au nom des pays africains, souligne que le patrimoine culturel sous-marin est une mémoire vivante des générations passées et doit bénéficier de la même attention que la biodiversité marine. Un projet de texte prévoit déjà certaines mesures de protection, notamment l’obligation pour les entreprises de signaler toute découverte de restes humains, d’objets ou de sites archéologiques, ce qui pourrait entraîner une suspension des activités. Cependant, les définitions précises et les modalités d’application restent sujettes à débat. April Nishimura, représentante d’un clan des Gitxsan au Canada, regrette que le patrimoine culturel soit parfois réduit à la seule présence d’épaves, alors que les liens entre son peuple et la mer, notamment à travers le cycle des saumons, sont tout aussi essentiels.  

Un groupe d’États mené par la Micronésie propose d’inclure dans cette protection non seulement les vestiges matériels tels que les épaves ou les artefacts, mais aussi l’héritage immatériel comme les savoirs ancestraux de navigation ou les pratiques spirituelles liées à l’eau. À ce jour, les technologies d’extraction des nodules polymétalliques du Pacifique sont les plus avancées, mais l’Atlantique pourrait aussi être concerné par l’exploitation des ressources sous-marines. Cet océan recèle en effet les vestiges de navires coulés et d’avions abattus pendant les Guerres mondiales ainsi que les traces des routes de la traite des esclaves. Lucas Lixinski, professeur à l’université de Nouvelle-Galles du Sud, rappelle que de nombreux bateaux transportant des esclaves ont sombré et que beaucoup d’entre eux, morts en mer, ont été jetés par-dessus bord. Ce pan tragique de l’histoire fait partie intégrante du patrimoine sous-marin et de la mémoire collective.  

Si interrompre une exploitation après la découverte d’une épave semble faisable, protéger l’aspect immatériel de cet héritage est plus complexe. L’établissement d’une liste d’évaluation pourrait permettre de mieux anticiper les impacts sur les communautés concernées. Un comité spécialisé, incluant des représentants autochtones, pourrait ainsi être mis en place pour conseiller l’Autorité internationale des fonds marins.  

En matière de conservation des vestiges matériels, des solutions existent. Charlotte Jarvis, archéologue maritime et membre de l’ONG The Ocean Foundation, explique que des techniques permettent de repérer une épave dans les relevés des fonds marins et d’instaurer une zone de protection autour du site. Elle rappelle que même à de grandes profondeurs, les vestiges ne sont pas rares, citant l’exemple du Titanic, gisant à 3 800 mètres sous l’eau.

Copyright 2025 . All Rights Reserved.