Le musée du Quai Branly à Paris : Enquête sur la provenance de ses œuvres d’art africaines

13/04/2025 mis à jour: 17:55
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Cette photo, prise le 13 septembre 2022, montre un buste du président sénégalais Léopold Sedar Senghor, dans sa maison à Verson, dans l’ouest de la France - Photo : D. R.

Acquis durant la période coloniale souvent par la force ou la coercition, mais pas toujours, une partie des 72 000 objets africains du musée du Quai Branly à Paris font l’objet d’un travail au long cours sur leur provenance en vue d’éventuelles restitutions.

Mené depuis 2019 par les conservateurs et chercheurs du musée en collaboration avec leurs homologues africains, ce travail peut porter potentiellement sur 46 000 pièces. Le Quai Branly ne détaille pas combien sont concernées au total actuellement. Deux postes à plein temps, dédiés à ces recherches en provenance, ont été créés en 2023 et l’année dernière, selon le musée. Fruit de cette collaboration, l’exposition «Mission Dakar-Djibouti (1931-1933), contre-enquêtes», inaugurée lundi, met pour la première fois en lumière les conditions d’acquisition de 3600 objets collectés dans les années 1930 par une célèbre mission ethnographique.

Les recherches dans le cadre de la préparation de cette exposition ont permis au Mali, qui avait fait une demande de restitution à la France, d’identifier 81 objets, dont plusieurs réquisitionnés par la mission, répondant aux critères de restitution (acquis par la force ou la coercition), tandis qu’une trentaine d’autres sont encore à l’étude, selon le musée.

A ce jour, une dizaine de pays ont adressé des demandes à la France, selon le ministère de la Culture, qui distingue les requêtes «ciblées» sur des biens particuliers (Sénégal, Mali, Algérie...) et celles trop générales pour être instruites (Tchad ou Ethiopie). En France, les collections publiques étant inaliénables, pour chaque demande de restitution et après examen de la provenance des oeuvres ou biens culturels, une loi est nécessaire pour permettre leur sortie. Fin 2020, le Parlement avait ainsi adopté un texte autorisant le retour définitif au Bénin, intervenu en 2021, de 26 œuvres du trésor royal d’Abomey, prises de guerre françaises en 1892.

Pas aussi vite que prévu

Paris avait déjà remis en 2019 à Dakar un sabre et son fourreau attribués à El Hadj Omar Tall, grande figure militaire et religieuse ouest-africaine du XIXe siècle, d’abord dans le cadre d’un prêt de longue durée. La loi permettant au Sénégal d’en récupérer la pleine propriété a été votée par le Parlement fin 2020. Les autorités françaises ont consenti d’autres prêts de longue durée (dépôts, l’objet restant la propriété de l’Etat français), comme celui du tambour parleur ivoirien, le Djidji Ayokwe, restauré sous l’égide du Quai Branly.

Fin 2020, une couronne de la reine Ranavalona III, qui était conservée au musée de l’Armée à Paris, a été remise à Madagascar selon la même modalité. Une proposition de loi pour transformer le prêt du tambour ivoirien en restitution a été adoptée cette semaine en commission des Affaires culturelles du Sénat. Elle sera examinée le 28 avril en séance publique afin de répondre à la demande de la Côte d’Ivoire, qui réclame 148 oeuvres au total.

Pour éviter ces lois spécifiques, le président Emmanuel Macron s’était engagé à faire adopter une loi-cadre permettant de restituer des biens culturels sans passer par le Parlement.  Adopté pour les biens spoliés par les nazis et les restes humains, ce projet est au point mort pour les objets coloniaux. «Les choses n’avancent pas aussi vite que prévu, ce qui ne nous empêche pas d’instruire ces questions», a dit à l’AFP le président du musée du Quai Branly, Emmanuel Kasarhérou. «En ouvrant la porte aux restitutions», le discours de Ouagadougou du président Macron en 2017 a marqué un «tournant» dans la doctrine française et donné «une impulsion au travail du musée», a-t-il souligné.

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