Le Foundou, la musique symbole de la Saoura : Le oûd entre les mains d’«Alla»

18/05/2022 mis à jour: 23:22
APS
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Photo : D. R.

Musique symbole de la Saoura, le foundou est l’émanation de l’environnement culturel et spirituel saharien et l’expression contemporaine des souffrances des mineurs des anciennes houillères de Kenadza (Béchar).

Cette musique inspirante et reposante, née à Bechar, comme son génial créateur, en l’occurrence, le virtuose du oûd (luth) Alla, de son vrai nom Abdelaziz Abdallah, fait désormais partie du patrimoine culturel de cette région et du pays.

Le foundou est joué par Alla par improvisation au fil de la représentation, parfois sans instruments de percussions, c’est une musique qui va directement au cœur, et ce, grâce à la manière du jeu exceptionnel et unique du oûd par Alla, expliquent des adeptes de ce genre culturel.

Plusieurs générations de mélomanes hommes et femmes du sud-ouest du pays sont marquées par cette musique qui a contribué à faire connaître, tant en Algérie qu’ailleurs, une nouvelle sonorité musicale et une nouvelle manière de jouer du luth, un instrument à la base des musiques arabe, maghrébine et également des musiques traditionnelles du sud du pays.

La musique foundou est basée sur les inspirations du luthiste Alla, nées de la douleur ou de la joie de l’instant.

«Tout ce qui me fait mal ressort», a-t-il dit un jour.

Le défunt grand luthiste irakien Mounir Bachir disait de la musique foundou : «Vous avez en Algérie un luthiste exceptionnel, Alla, dont le jeu échappe aux schémas de la musique arabe». L’appellation du foundou n’existe dans aucune langue du monde.

A l’origine, c’était un jargon que les mineurs des houillères de Kenadza utilisaient pour situer le puits de charbon où ils trimaient, car les fonds de la mine des houillères étaient numérotés, et le fond deux (2) où travaillait le père de Alla a donné naissance à l’appellation «foundou», et ce, comme hommage du luthiste à son père, explique Ameur Younsi, qui active dans le domaine de la valorisation et la promotion du patrimoine culturel de la Saoura et spécifiquement du foundou.

Aux origines du Foundou

Cette appellation n’était connue que dans la région de Béchar, avant la renommée nationale et mondiale de Alla. Elle n’est pas fortuite, car elle évoque d’abord la terre et aussi toutes les richesses qu’elle recèle, y compris le charbon, a-t-il souligné. «Le foundou est une musique qui nous parvient des entrailles de la terre, mêlé à un goût de ‘charbon’, le tout pétri avec la sueur et le sang de nos pères et de nos grand-pères», a-t-il dit.

Selon M. Younsi, les notes musicales du foundou, sèches et stridentes, sont «un cri lancinant et douloureux pour rappeler l’exploitation et l’injustice que nos aïeuls ont subies durant la douloureuse et triste période coloniale».

Si le reggae est le reflet et l’écho du rasta, le foundou est le symbole de la Saoura et de plusieurs générations des populations de cette région du pays. Singulière, douce, pure, envoûtante et unique, cette musique a pris l’appellation foundou pour nom afin de se démarquer de ce qui se fait tout autour comme musique, a-t-il ajouté.

Cette douce musique, devenue maintenant universelle, est l’expression parfaite du riche patrimoine musical et culturel des régions du sud du pays et est le reflet de l’attachement de l’artiste Alla à son environnement saharien et algérien, malgré le fait qu’il vit depuis plusieurs décennies à Paris (France), a estimé Azzeddine Benyakoub, chercheur en patrimoine culturel et anciennement directeur des radios locales de Bechar et d’Oran.

«Avec plusieurs albums, dont El-Gasmia, Zohra, Tanakoul, Taghit et plein d’autres, vendus à des milliers d’exemplaires tant en Algérie qu’à l’étranger, Alla a prouvé que le foundou symbolise la Saoura et la culture algérienne, en plus d’être considéré comme l’un des meilleurs joueurs de luth dans le monde arabe et ailleurs», a-t-il conclu.

L’officialisation du prix national «Alla» de la musique spirituelle

«Le oûd entre les mains de Alla a des yeux écarquillés, c’est un oûd qui enfantait à chaque caresse des brassées de lumière sonores, éclaboussant les parois rigides de l’immobile, transformant la solennité en errance, et le silence du désert en recueillement», indique, pour sa part, Rabah Sebaa, professeur de sociologie et d’anthropologie de l’université d’Oran, ayant à son actif plusieurs articles de presse et recherche sur la musique foundou.

Cette dernière a des sonorités indociles qui aiment se confondre avec la chevelure écarlate de Taghit, localité dont est originaire la famille de Alla, a-t-il souligné. Pour cela, plusieurs artistes de la région de la Saoura estiment nécessaire l’officialisation et l’organisation du prix national «Alla» de la musique spirituelle, et ce, pour la promotion des musiques spirituelles et des jeunes talents.

Lors d’une visite de travail en mars 2020 dans la wilaya, la ministre de la Culture d’alors avait annoncé l’institution de ce prix national dans le but de créer et de promouvoir les musiques spirituelles et d’encourager les artistes à innover dans le jeu du luth.

«L’institution de ce prix national, en plus de constituer une reconnaissance en hommage au maître du foundou, sera d’un apport à la culture et aux arts dans le pays», a estimé le compositeur Amar Amroun, également responsable local du syndicat des artistes affilié à l’Union générale des travailleurs algériens. 

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