Le continent a les moyens suffisants pour accélérer sa productivité : Pourquoi un décollage économique de l’Afrique est possible

17/06/2023 mis à jour: 07:09
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D’ici 2030, le secteur des services sur sa trajectoire actuelle créera au moins 85 millions de nouveaux emplois nets sur le continent - Photo : D. R.

Avec une population qui devrait presque doubler pour atteindre 2,5 milliards de personnes d’ici 2050, le continent a une chance d’améliorer considérablement sa productivité et d’inverser la décélération économique qu’il a subie de 2010 à 2019.

L’économie africaine a ralenti au cours de la dernière décennie, mais la moitié de sa population vit dans des pays qui ont prospéré sur le continent. L’Afrique dispose du capital humain et des ressources naturelles nécessaires pour accélérer sa productivité et réinventer sa croissance économique, qui est, plus que jamais, vitale pour le bien-être du monde», indique une étude récente du Cabinet Conseil en stratégie McKinsey, basé à New-york aux Etats-Unis.

Selon cette étude, «l’Afrique abrite la population la plus jeune et la plus dynamique du monde, des villes en plein essor et des innovations audacieuses dans tous les domaines, de la fintech à l’énergie propre.»

Avec une population qui devrait presque doubler pour atteindre 2,5 milliards de personnes d’ici 2050, le continent a une chance d’améliorer considérablement sa productivité et d’inverser la décélération économique qu’il a subie de 2010 à 2019. La croissance du PIB a chuté de 35 % au cours de cette période, puis la pandémie de Covid-19 s’est installée, suivie du conflit en Ukraine.

Des événements qui ont eu des répercussions négatives dans l’économie mondiale, indique le Cabinet Conseil, pour qui, «aujourd’hui, 60% de la population africaine vit dans la pauvreté, résultat d’une croissance du revenu par habitant qui n’a été en moyenne que de 1,1 % par an au cours des dernières décennies.» Pourtant, les statistiques à l’échelle du continent masquent les succès dans nombre des pays constitutifs qui peuvent servir de modèles pour faire de la productivité le fondement de la croissance économique de l’Afrique.

Au cours de la dernière décennie, certains pays, villes, secteurs et entreprises ont été des phares de l’innovation, de la productivité et de la croissance. «Il n’y a pas une seule Afrique» soulignent les rédacteurs de l’étude, pour qui, «dans ces phares se trouvent des leçons et des innovations qui peuvent revigorer l’économie africaine.»

De l’agriculture et de l’extraction aux services

L’économie africaine a subi un profond changement structurel vers les services au cours des 20 dernières années, l’emploi dans les services est passé de 30% à 39% au cours de cette période, bien qu’en 2019, la moitié de la main-d’œuvre africaine soit restée dans l’agriculture. Les services ont assuré leur place en tant que principal moteur de la production économique du continent, indique McKinsey, contribuant à hauteur de 56% en 2019 contre 50% en 2000.

«Le secteur offre aux pays africains d’importantes opportunités de stimuler la production économique et la création d’emplois, mais seulement si la productivité s’améliore.» précise-t-on. La productivité réelle du secteur des services en Afrique, à 7 200 dollars en 2019 contre 8 900 dollars en Inde, 17 700 dollars en Amérique latine et 20 900 dollars en Chine, est la plus faible de toutes les régions du monde, a-t-on tenu à souligner.

D’ici 2030, le secteur des services sur sa trajectoire actuelle créera au moins 85 millions de nouveaux emplois nets sur le continent, suffisamment pour absorber la moitié des nouveaux entrants sur le marché du travail dans des emplois à haute productivité. Le nombre de nouveaux emplois dans les services triplerait presque si l’Afrique égalait la productivité du centre de services le plus solide d’Asie, ce qui ajouterait 1,4 billion de dollars à l’économie du continent.

En outre, l’agriculture reste l’épine dorsale de nombreuses économies africaines, représentant 49% de l’emploi total du continent. La productivité et la production du secteur agricole se sont améliorées régulièrement au cours des deux dernières décennies. Alors que de plus en plus de personnes quittent l’agriculture pour se tourner vers les services, l’Afrique a la possibilité d’accroître les rendements et d’ajouter de la valeur à la production agricole pour correspondre aux normes de ses pairs mondiaux.

Pour le cabinet conseil américain, «l’astuce consistera à développer les compétences et à accroître les outils et technologies numériques qui permettent au riche réservoir de talents de l’Afrique de stimuler et de soutenir une croissance tirée par la productivité sur tout le continent.» Autre tare révélée par l’étude, le commerce intrafricain toujours au plus bas. En effet, seulement 10 % de ses importations et 17 % de ses exportations sont intra-régionales.

En revanche, dans l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, ou ASEAN, 21% des importations et 22% des exportations sont intra-régionales, tandis qu’en Amérique latine, le commerce intra-régional représente 19% des importations et 20% des exportations. McKinsey préconise aux dirigeants africains de trouver des moyens de réaliser le potentiel de l’Accord de libre-échange continental africain.

«L’agro-industrie, les produits pharmaceutiques, l’automobile et la logistique pourraient apporter une valeur substantielle, mais des interventions et des investissements audacieux sont nécessaires pour réaliser leur potentiel», précise-t-on, citant comme exemples l’amélioration du transport et de la logistique, la réduction des retards des clients aux frontières, l’augmentation de la quantité et de la disponibilité de camions de qualité grâce au financement et l’expansion de l’entreposage et du transport de la chaîne du froid, toutes des étapes qui conduisent à une productivité accrue.

Par ailleurs, l’étude de McKinsey n’a pas omis de mettre l’accent sur la dynamique de développement des villes sur le Continent, non sans considérer que «l’avenir de l’Afrique réside dans ses villes dynamiques.» Bien que 57% de la population vivait dans des zones rurales en 2019, le continent s’urbanise plus rapidement que tout autre endroit sur la planète.

Depuis 2000, la population urbaine de l’Afrique a augmenté de 3,7 %, dépassant la croissance démographique globale du continent de 
2,5%. Au cours des deux prochaines décennies, l’Afrique deviendra majoritairement urbaine alors que plus de 500 millions de personnes migreront vers ses villes et créeront le plus grand nombre total de citadins au monde, estiment les rédacteurs de l’étude.

D’ici 2040, l’Afrique abritera 12 villes de plus de dix millions d’habitants chacune. Néanmoins, les villes primaires et secondaires africaines ont besoin d’investissements dans les infrastructures pour soutenir les entreprises et les travailleurs afin qu’ils puissent fournir la productivité élevée nécessaire pour accélérer le rythme de la croissance économique sur le continent, a-t-on conclu. 

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