Le 3 mars 2019, une note du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS), signée par son secrétaire général, invite les recteurs de toutes les universités du pays, disposant d’un département de psychologie, à créer des Centres d’aide psychologique universitaire (CAPU). Cette note est immédiatement accompagnée d’une décision de création d’un CAPU qui désigne son directeur. La décision comporte trois articles qui ne mentionnent aucunement la descendance et la parenté du CAPU Samia Benouniche.
L’université d’Alger 2 ne peut que s’enorgueillir du succès de son idée qui fait fonctionner son premier CAPU, à l’échelle nationale, depuis 1988, jusqu’à ce jour. Les membres du CAPU Samia Benouniche, tous aussi fiers de leur structure d’appartenance, se sentent tout de même lésés et même expropriés du label qu’ils détenaient depuis 35 ans à l’échelle nationale. Pourtant, l’ouvrage consacré à l’échelle internationale sur la santé psychique des étudiants mentionne une seule fois cet acronyme, celui de l’université d’Alger 2.
Le CAPU est sans conteste la propriété de créateurs algériens de l’université d’Alger 2. Nous sommes donc en droit d’abord de supposer une manigance derrière cette usurpation d’acronyme, ensuite une non-reconnaissance de nos 35 années de fonctionnement. La structure actuellement dénommée Centre d’aide psychologique universitaire (CAPU) Samia Benouniche a été créée, à l’origine sous le nom de Bureau d’aide psychologique aux étudiants (BAPE), par décision rectorale sur proposition du Conseil scientifique de l’Institut de psychologie et des sciences de l’éducation de l’université d’Alger, le 7- 5-1990, dont la direction a été confiée à notre maître Samia Benouniche, décédée le 21 août 2016, après sa retraite.
Cependant, le CAPU a commencé à recevoir ses premiers patients en avril 1988. En effet, le registre ouvert à cet effet mentionne cette date, ce qui lui donne, aujourd’hui, un recul de 35 ans de fonctionnement. Cette capitalisation de l’expérience théorico-clinique est très précieuse, puisqu’elle s’appuie sur une base de données réalisée grâce à la tenue rigoureuse du registre, des rapports d’activités annuels de chaque membre du CAPU et des rapports de stage. Le CAPU Samia Benouniche de l’université d’Alger 2 a été créé pour honorer un double objectif : répondre aux demandes de soins de la communauté universitaire et offrir aux enseignants chercheurs du département de psychologie un lieu d’exercice clinique.
A ce propos, tous les membres du CAPU Samia Benouniche suivent ou ont suivi des supervisions de leurs psychothérapies, assurées par des sociétés savantes dûment reconnues à l’échelle internationale, qu’organisent la Société algérienne de recherche en psychologie (SARP) et le Centre de recherche en applications psychologiques (Creapsy), tous les deux gérés par d’anciens intervenants au CAPU. Ces formations viennent appuyer le travail de supervision et d’intervision au sein du CAPU.
Ce dernier attache une importance capitale aux vignettes cliniques et à la lecture en groupe de textes émaillant les différentes avancées scientifiques dans le domaine du travail d’investigation et de psychothérapie et de leurs évaluations respectives. Après le départ à la retraite de Samia Benouniche et après avoir assuré l’intérim, Dalila Samai-Haddadi a été désignée par décision rectorale comme responsable du Centre d’aide psychologique universitaire (CAPU) le 26- 3- 1996, sur proposition des membres du CAPU. Le BAPE a dû changer de nomination, car le mot bureau ne trouvait pas de résonance dans l’organigramme de l’université d’Alger.
Aussi, il ne recevait pas que des étudiants mais le personnel de l’université d’Alger 2, leurs conjoints et leurs enfants. Depuis cette date, Dalila Samai-Haddadi, en sus de ses activités pédagogiques, cliniques et de recherche, a milité pour un statut de ce centre pour qu’il ait une reconnaissance d’utilité publique et a réussi à obtenir du département de psychologie que les intervenants soient rémunérés en heures complémentaires.
L’argument avancé pour cette rémunération et que c’est le département de psychologie qui profite des retombées pédagogiques et de recherche de cette activité. En effet, comment peut-on enseigner l’entretien clinique, l’examen psychologique et la psychothérapie, etc., sans les pratiquer quotidiennement. A ce propos, je ne peux que me réjouir à l’idée que la création des CAPU en date du 3 mars 2019 utilise cette formule pour rémunérer les intervenants des CAPU, même si MESRS ne me reconnaît pas ce mérite.
Pour moi, il va de soi de faire profiter mes collègues de cette rémunération dûment méritée. Suivant le règlement intérieur du CAPU Samia Benouniche, tout nouveau membre doit passer par une période de stage et doit comptabiliser 10 séances en tant qu’observateur.
Lorsque les 10 séances sont assurées, sous l’encadrement de deux parrains, choisis parmi les membres titulaires de l’équipe, le stagiaire doit effectuer un examen psychologique approfondi avec deux épreuves de personnalité et une épreuve d’efficience. Lorsqu’il termine cet examen, il doit rédiger un compte rendu et en remettre une copie à chaque membre du CAPU. Les parrains et tous les membres du CAPU étudient le compte rendu et le stagiaire l’expose oralement. Après cet exposé, tous les membres examinent la qualité du travail et avec les parrains discutent de l’intégration du stagiaire ou de la prolongation de son stage.
Ces réunions de synthèse auxquelles assistent toute l’équipe et les stagiaires se déroulent, depuis 1988 jusqu’à ce jour, tous les premiers et troisième mercredi du mois de 13h15 à 16h. Riche de cette expérience et animant les réunions bimensuelles du CAPU, je me suis rendu compte que tels conçus, les CAPU ne peuvent pas être viables. Il faut qu’ils s’autofinancent et qu’ils soient plus rigoureux dans le choix des intervenants dont le travail doit être supervisé par des seniors affiliés et des sociétés savantes dûment reconnues.
Le 11 mars 2023, en collaboration avec le MESRS, le CAPU Samia Benouniche a émis des recommandations dans ce sens. Aussi, au vu des possibilités que nous permettait la Direction générale de la recherche scientifique et technologique (DGRST), j’ai proposé la création d’un service commun sous forme de plateforme d’Aide psychologique universitaire, qui a obtenu l’avis favorable de la DGRST le 13 novembre 2018, sous réserve que notre université lui offre un hébergement.
Comme les réserves n’ont pas été levées, le projet est tombé dans les oubliettes. A l’image des services communs créés par la DGRST, la plateforme d’Aide psychologique universitaire aurait assuré la pérennité des CAPU, tout en formant les doctorants à l’évaluation psycho-diagnostique et psychothérapeutique. Face à l’indisponibilité des locaux qui auraient pu héberger ce service commun, j’ai proposé la création d’un centre universitaire de diagnostic psychologique et de psychothérapie (CUDPP) en juin 2023.
Le fonctionnement du CAPU Samia Benouniche de l’Université d’Alger 2 est donc un modèle de transmission du savoir, du savoir-être et du savoir-faire en psycho-diagnostic et en psychothérapie. Pendant 35 ans, avec des moyens dérisoires, il a sauvé plusieurs étudiants de la déperdition scolaire, tout en participant à la promotion de la santé psychique des enfants et des adolescents. Le MESRS gagnerait à tenir compte de son expérience, d’abord en lui restituant l’honneur de son label, ensuite en adoptant ses recommandations fondées sur des observations cliniques longitudinales mais aussi ponctuelles.
A cause des failles enregistrées dans son fonctionnement, liées principalement à sa composante humaine, pas toujours fiables du point de vue de la formation fondamentale et continue, le MESRS gagnerait énormément à vaincre ces entraves en s’inscrivant dans ce qui est développé actuellement, dans le monde, sous le principe de clinique universitaire , tel proposé précédemment dans le CUDPP.
Par Dalila Samai-Haddadi , Professeur
Responsable du Centre d’aide psychologique universitaire - Directrice du Laboratoire de psychologie clinique et métrique
Enseignant-chercheur à l’université d’Alger 2