Le bateau Netanyahu prend l’eau de toutes parts

23/05/2024 mis à jour: 00:48
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L’aveuglement meurtrier du gouvernement, nourri aux obsessions criminelles de son extrême droite, lui a fait perdre jusqu’à la logique des calculs politiques, tant et si bien qu’il a mis dans l’embarras ses soutiens les plus réguliers, obligeant les moins fanatiques d’entre eux aujourd’hui à marquer leur distance.

Quarante-huit heures après la demande par le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI) d’émission de mandats d’arrêt internationaux contre le Premier ministre israélien et son ministre de la Défense, trois pays européens franchissent le pas d’annoncer la reconnaissance d’un Etat palestinien. Comme pour la procédure au niveau de la juridiction internationale, la décision prise par l’Espagne, l’Irlande et la Norvège, en attendant un autre contingent d’Etats du Vieux Continent également intéressés par l’option, doit énormément au sacrifice du peuple de Ghaza et à la résistance palestinienne.

L’aveuglement meurtrier du gouvernement de Tel-Aviv, nourri aux obsessions criminelles de son extrême droite, lui a fait également perdre la logique des calculs politiques, tant et si bien qu’il a mis dans l’embarras ses soutiens les plus réguliers, obligeant les moins fanatiques d’entre eux aujourd’hui à marquer leur distance. 

Massacres à grande échelle dans l’enclave palestinienne, n’épargnant pas les enfants, les agents onusiens, les journalistes..., famine organisée contre des populations déplacées de force, entraves répétées aux processus de négociations sur des trêves, poursuites d’opérations militaires sans objectif politique et condamnation grandissante et sans précédent dans le monde…

Le bilan de la guerre voulue et exécutée par le gouvernement Netanyahu est difficile à assumer y compris par les Etats-Unis. Une toute récente séquence, venant s’ajouter à de nombreuses autres, illustre le sale pétrin dans lequel le gouvernement israélien a fini par mettre son allié le plus zélé et le plus puissant. Intervenant avant-hier devant la commission des affaires extérieures du Sénat américain, Anthony Blinken, le diplomate en chef de l’administration Biden, a été plusieurs fois interrompu par le surgissement de manifestants le traitant de «criminel de guerre» et de «boucher de Ghaza».

La guerre au cabinet de guerre

Au plan interne, les fractures au sein de la classe politique de l’Etat hébreu n’ont pas cessé de s’aggraver depuis des mois ; elles connaissent en ce moment un point de basculement inédit à la faveur des derniers développements. Après avoir eu de la gêne à reconnaître la responsabilité de l’équipe dirigeante dans l’évolution que connaît le dossier de la CPI, Yaïr Lapid, le chef de l’opposition, n’a pu s’empêcher de faire endosser au Premier ministre la grande défaite pour Israël que constitue la reconnaissance, de manière unilatérale, de trois Etats européens d’un Etat palestinien.

Hier, l’homme a redit toute la culpabilité de Benyamin Netanyahu dans la série de déconvenues et d’impasses que subit l’entité juive. «Votre sanction, M. Netanyahu, est ce que l’histoire retiendra de vous. C’est la manière dont on se souviendra de vous. De quelqu’un qui n’a pas pris ses responsabilités, qui n’a pas admis ses fautes. On se souviendra du fait que vous n’avez même pas demandé pardon et que vous n’êtes pas parti au moment approprié (…).

Nous ne gagnerons pas avec ce gouvernement», a-t-il chargé. Il y a une semaine, Ehud Barack, ancien Premier ministre, avait appelé quant à lui à des sit-in permanents devant le siège du gouvernement jusqu’à ce que Netanyahu et sa coalition de droite se décident enfin à lâcher le pouvoir. Mais la fissure la plus sérieuse est celle qui divise, de manière publique désormais, l’état-major politico-militaire restreint qui dirige les opérations depuis octobre dernier.

Les hostilités sont ouvertes par les deux hommes clés du cabinet de guerre contre le Premier ministre, Yoav Gallant  et Benny Gantz. Il y a quelques jours, le ministre de la Défense, sous la pression d’un appareil militaire de plus en plus sceptique et démoralisé, s’est adressé à la télévision pour déclarer son opposition au plan d’occupation de Ghaza cogité par le Premier ministre.

Gallant avait essuyé immédiatement après les répliques assassines de Netanyahu et ses «bodyguards» agités d’extrême droite. Le lendemain, Benny Gantz, que l’on présente comme la personnalité politique pouvant servir d’alternative en cas d’élections anticipées, partageant une partie de l’angoisse du ministre de la Défense quant aux improvisations coûteuses de Netanyahu, lance un ultimatum à ce dernier pour tracer une feuille de route claire concernant le conflit.

L’ultimatum est assorti de la menace de démission d’ici le 8 juin prochain si le Premier ministre continuait à naviguer à vue ; dans les faits, travailler à réaliser les fantasmes obsessionnels de l’extrême droite d’occuper et de coloniser Ghaza et bouter sa population hors du territoire, et ce, quel qu’en soit le prix stratégique, diplomatique et humain.

L’ancien ministre de la Défense et chef du Parti d’Union nationale représente un peu la caution centriste dont a besoin le gouvernement. Il est également le numéro préféré de Washington, en cas de renouvellement de l’Exécutif. Son départ du cabinet de guerre, souhaité par l’opposition comme moyen de désarticuler les équilibres fragiles au sein du gouvernement, serait le coup de grâce pour le Premier ministre. 


 

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