Le montage d’un film est considéré comme la dernière écriture d’un film, et à ce titre, les monteurs sont un rouage très important d’une production qui peuvent détruire ou au contraire rehausser l’histoire. Mais qui sont ces monteurs, inconnus du public et relégués dans d’obscurs bureaux ?
Que de chemin parcouru depuis la fin du XIXe siècle où les premiers films ne comportaient qu’une seule action en une seule prise de vues et avec cadrage fixe. C’est après qu’apparaissent les premiers montages, «soudures» ou «collures» du film à l’acétone, après une coupure au ciseau de bouts de pellicule.
Cette innovation accidentelle a donné une expression, en rassemblant des prises de vue différentes qui ne prennent de sens que par leur ajustement global et ordonné, ce qu’on appellera plus tard une séquence, comportant aujourd’hui plusieurs plans, ce qui fera ensuite du montage non pas un simple assemblage de pellicule mais un véritable langage cinématographique. Bref, aujourd’hui, le montage reste la dernière écriture du film, et pour les puristes, il faut en revenir aux Russes et Eisenstein qui explique que «le montage, c’est le dépassement du conflit à l’intérieur du cadre vers le conflit de deux fragments placés l’un à côté de l’autre, qui brise sa cage carrée dans un accroissement d’intensité et rejette son conflit au stade du montage, dans les chocs entre les plans montés». Langage incompréhensible mais validé par la pratique, bien que le montage ne soit maintenant en Algérie souvent qu’un simple morcellement linéaire. Mais les monteurs, c’est qui ?
Les monteurs sont-ils des menteurs ?
Dans le grand public, ils sont inconnus, et en Algérie également, ce sont d’ailleurs souvent des étrangers, français pour la plupart (dans les films de Allouache, La dernière reine, Héliopolis, Révolution Zendj, En attendant les hirondelles, Parfums d’Alger, L’Oranais, Chroniques des années de braise…), mais on peut citer Abderrahmane Mahfoudi, Fakhreddine Amri ou Narimane Mari, et surtout Salah Issad, connu pour être aussi réalisateur, de Soula, dont le montage est très réussi. L’immense majorité est issue de la transition analogique/numérique qui ne sont donc pas concernés par la rareté des rushs, contrairement à l’argentique où le droit à l’erreur est limité, la pellicule coûtant cher, et les rushs de fait moins nombreux, avec ce rapport final pour l’argentique, entre 5/1 et 20/1, soit 1 minute de film au final pour 5 minutes à 20 minutes de tournage. Bien sûr, ce n’est pas que quantitatif, il y a différentes techniques de montage, parallèle (Inception), elliptique (L’Odyssée de Pi), discontinu, d’action, alterné (Le Parrain) ou poétique, sans parler du plan séquence ou de l’effet Koulechov, encore un Soviet, biais cognitif où le spectateur tire du sens de l’interaction d’un plan avec un autre plan auquel il est associé et non d’un plan isolé.
Mais comment devient-on monteur ? Par formation, 2 ans (BTS) dans de vrais instituts dans les vrais pays de cinéma, en formation accélérée, dans des écoles privées, entre 15 000 et 40 000 DA sur les logiciels les plus utilisés dans le domaine, Avid, Da Vinci resolve, Adobe Premiere ou Final Cut. Le final cut justement, qui désigne la dernière version du montage validée par le réalisateur et le producteur, ce qui n’a rien à voir avec le bout-à-bout, premier montage d’un film et base de travail.
Ce qui n’a rien à voir non plus avec le bout-à-bout de toutes les scènes censurées en Algérie qui constitue un film en lui-même de tout ce qui est interdit au public.
D’où la question, où est ce film dont les monteurs jurent qu’il existe, monté par un monteur, montage de montage et assemblage de coupures ? Selon un monteur qui a tenu à garder l’anonymat alors que personne ne le connait, il serait aux mains d’un collectionneur privé sur les hauteurs d’Alger, qui ne le céderait qu’à 1 milliard. De dollars bien sûr.