Laaziz FAID. Ministre des Finances : «L’adhésion de l’Algérie à la NDB ouvre des perspectives nouvelles»

03/09/2024 mis à jour: 06:04
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Photo : H. Lyès

L’adhésion de l’Algérie à la Banque des Brics est loin d’être un fait anodin. Dans cet entretien, le ministre des Finances, Laaziz Faid, revient sur les tenants et les aboutissants de cette adhésion et ses implications pour l’économie nationale. 

  • - La demande d’adhésion de l’Algérie à la Banque des BRICS (NDB) vient d’être approuvée. Qu’attendre concrètement de cette adhésion ?

Comme récemment annoncé, le Conseil des gouverneurs de la NDB, réuni à Cape Town (Afrique du Sud), a approuvé le 31 août 2024 la demande d’adhésion de notre pays à cette institution. 

Cette approbation est un pas important dans notre processus d’adhésion à la NDB, laquelle adhésion traduit la volonté de l’Algérie d’accéder à une architecture financière alternative, offrant des conditions de financement plus souples et adaptées aux besoins spécifiques des économies émergentes et en développement.

La NDB, une institution de création récente, propose des solutions financières innovantes, notamment dans les secteurs des énergies renouvelables, des infrastructures durables et de la digitalisation. Ces initiatives s’alignent parfaitement sur les priorités actuelles de développement de l’Algérie.

Sur un autre plan et en adhérant à la NDB, l’Algérie s’engage dans un dialogue de développement avec d’autres pays en voie d’émergence. Cette collaboration s’inscrit dans une vision de partenariat Sud-Sud, qui vise à promouvoir des solutions plus adaptées aux besoins spécifiques des pays en développement.

Enfin, l’intégration de l’Algérie à la NDB ouvre des perspectives nouvelles pour un enrichissement mutuel, favorisant l’échange de savoir-faire et d’expériences entre économies émergentes. Ce dialogue dynamique est un moteur pour le développement de l’Algérie et de ses partenaires, basé sur des expériences réussites et les meilleures pratiques.

Bien entendu, l’adhésion de notre pays à cette Banque va induire une contribution à son capital et je profite de cette occasion pour clarifier la nature de cette contribution : Pour la NDB et conformément à ses statuts, les contributions des pays membres à son capital sont essentielles pour lui permettre de fonctionner efficacement, de maintenir une stabilité financière et de remplir sa mission de soutien au développement international.

Plusieurs options de contribution sont offertes aux nouveaux pays membres, arrêtées après discussion avec la Direction de la Banque et qui tiendraient compte de plusieurs paramètres dont notamment le poids économique (PIB, population, marché…) ainsi que la volonté d’apporter un niveau déterminé de souscription. Pour les pays membres de la NDB, la contribution au capital leur permet d’avoir une voix dans la gouvernance de la Banque, y compris dans les décisions stratégiques et les politiques de prêt.

  • L’adhésion à la NDB est un processus distinct de celui des BRICS. Y a-t-il une différence entre les pays membres des BRICS et ceux qui font partie de la Banque NDB ?

En effet, il existe une différence importante entre les deux processus d’adhésion respectivement en qualité de pays membres des BRICS  et de ceux qui font partie de la Nouvelle Banque de Développement (NDB).

Comme vous le savez, le Groupe des BRICS est une coalition politique et économique initiée à la base par cinq grandes économies émergentes : le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Ces pays se sont regroupés pour coopérer sur des questions économiques, politiques et culturelles globales, et pour faire entendre une voix alternative sur la scène internationale.

Quant à la NDB, c’est une institution financière internationale fondée par les BRICS. Le processus d’adhésion à la NDB est indépendant de l’appartenance aux BRICS. Tout pays membre des Nations unies,  qu’il soit ou non membre des BRICS, peut demander à rejoindre la NDB. De même, un pays peut être membre des BRICS sans être impérativement membre de la NDB.

En termes d’objectifs, le Groupe des BRICS se concentre sur des objectifs plus larges, incluant la coopération politique, économique et culturelle entre ses membres, ainsi que l’influence géopolitique globale. Les réunions des BRICS abordent une large gamme de sujets, y compris les politiques de développement, la réforme du système financier international, et d’autres questions globales.

Pour sa part, la NDB est spécifiquement axée sur le financement du développement durable et des infrastructures dans ses pays membres. Son principal rôle est de mobiliser des ressources financières pour soutenir des projets qui contribuent à la croissance économique et au développement durable dans les pays en développement.

En termes  d’avantages, les pays qui adhèrent à la NDB, même s’ils ne sont pas membres des BRICS, peuvent bénéficier de financements pour des projets de développement essentiels. L’adhésion à la NDB peut offrir des conditions de financement favorables, une plus grande flexibilité, et un soutien adapté aux besoins spécifiques des économies émergentes et en développement.

  • L’adhésion de l’Algérie à la NDB  va-t-elle aider dans son processus d’adhésion à l’organisation des BRICS ?

Comme je l’ai indiqué précédemment, les processus d’adhésion au Groupe des BRICS et à la NDB sont déliés. Cependant, être membre de la NDB est certainement un atout qui pourrait jouer en faveur de l’Algérie à l’occasion d’éventuelles futures discussions sur son adhésion aux BRICS.

En effet, en rejoignant la NDB, l’Algérie va établir des liens plus étroits avec les pays membres des BRICS, en particulier dans le domaine du développement économique et du financement des infrastructures. Cela pourrait faciliter un dialogue et une coopération plus étroits avec ces pays, faisant de notre pays un partenaire fiable et capable d’apporter sa contribution au développement régional.

De même, en participant aux projets de la NDB, l’Algérie montre son engagement envers des objectifs de développement alignés sur ceux des BRICS, tels que la croissance économique durable, la réduction des inégalités, et la coopération Sud-Sud. Cet alignement peut renforcer la perception de l’Algérie comme un pays partageant des priorités et des intérêts similaires à ceux des BRICS.

Enfin et en participant activement à la NDB, l’Algérie montre sa volonté de s’intégrer dans des réseaux multilatéraux de grande envergure, ce qui pourrait renforcer les possibilités d’être sollicitée pour rejoindre les BRICS à l’avenir.

  • Quelles sont les capacités de financement de cette Banque et quel rôle compte jouer l’Algérie en son sein ?

La NDB dispose de capacités de financement robustes, qui peuvent jouer un rôle important dans le soutien aux projets d’infrastructure et de développement durable. L’Algérie en tant que nouveau membre, a l’opportunité d’utiliser ces ressources pour accélérer son propre développement, tout en contribuant à la coopération internationale et en renforçant sa position sur la scène économique régionale et mondiale.

Partant, le rôle de l’Algérie au sein de la NDB pourrait ainsi être déterminant pour sa croissance future et sa stabilité économique. Plus en détail, la NDB a un capital autorisé total de 100 milliards de dollars. Le capital initial souscrit par les membres fondateurs des BRICS était de 50 milliards de dollars, réparti à parts égales entre les cinq pays (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), soit 10 milliards de dollars par pays.

Ce capital peut être augmenté avec l’admission de nouveaux membres. La NDB dispose également de la possibilité de lever des fonds sur les marchés internationaux via des émissions obligataires. Elle a émis des obligations libellées en yuan, en rouble, et dans d’autres devises locales, permettant de diversifier ses sources de financement. La Banque collabore également avec d’autres institutions financières multilatérales et bilatérales pour cofinancer des projets de grande envergure.

La NDB finance principalement des projets dans les secteurs de l’énergie, des transports, de l’eau et de l’assainissement, de l’agriculture, de la santé, et des infrastructures numériques. Ces projets sont conçus pour promouvoir un développement durable et inclusif.

En dépit de sa création récente, la NDB a déjà approuvé plus de 32 milliards de dollars de prêts pour le financement de 96 projets dans ses pays membres et au-delà. La NDB propose des conditions de financement favorables, avec des taux d’intérêt compétitifs et des périodes de remboursement flexibles, adaptées aux besoins spécifiques des pays en développement.

L’adhésion de l’Algérie à la NDB ouvre la voie à plusieurs rôles potentiels que notre pays pourrait jouer dans l’institution : l’Algérie pourrait tirer parti en cas de besoin et si elle le souhaite, des capacités de financement de la NDB pour soutenir ses propres projets d’infrastructure, particulièrement dans les domaines de l’énergie renouvelable, du transport, et de l’eau.

L’accès à ces financements pourrait accélérer le développement de projets stratégiques qui sont essentiels pour la croissance économique du pays. De même et en accédant aux financements de la NDB, l’Algérie pourrait diversifier son économie en investissant dans de nouveaux secteurs, tels que les technologies vertes et les infrastructures numériques, ce qui renforcerait sa résilience face aux chocs économiques externes.

En tant que membre de la NDB, l’Algérie pourrait jouer un rôle clé en facilitant la coopération entre les pays africains, arabes et les BRICS. L’Algérie pourrait utiliser sa position géographique et ses relations diplomatiques pour promouvoir des partenariats régionaux et interrégionaux.

L’Algérie pourrait également partager son expérience et ses meilleures pratiques en matière de développement avec d’autres membres de la NDB, une opportunité unique pour positionner l’Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement comme un acteur central dans la promotion de la coopération Sud-Sud.

Cela permettrait non seulement de renforcer les capacités et l’influence de l’agence, mais aussi d’accroître la visibilité et le leadership de l’Algérie dans le domaine du développement international. L’Algérie, en tant que membre, aura une voix dans la gouvernance de la NDB.

Elle pourra participer aux décisions stratégiques concernant les priorités de financement et l’orientation future de la Banque. Enfin, l’Algérie pourrait contribuer à façonner la vision stratégique de la NDB, en mettant l’accent sur des priorités régionales spécifiques, telles que le développement en Afrique subsaharienne et la promotion de la stabilité économique dans la région. 

 

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