Produite par le TN de Tunis en collaboration avec le Centre des arts dramatiques et scéniques de la ville de Kef et le Centre des arts dramatiques et scéniques de Zaghouan, l’œuvre a réuni une «brochette» de comédiens de talent, qui ont su conduire le public, à travers la pièce Danse Céleste, dans un voyage à travers les âges, des lieux, un va-et-vient incessant entre le XVIIe et le XXIe siècles, entre le monde des darawiches et le monde digitale. Le travail du metteur en scène, Taher Issa Ben Arabi, est visiblement influencé par l’art cinématographique.
Deux heures de spectacle, dont le passage d’une situation à une autre, d’un espace à une ère, est assuré par une «clapwoman», un personnage fantastique, devant le zoom d’un cameraman, dont certaines répliques évoquent souvent le poids du patriarche. Les effets spéciaux, la scanographie rappelle les outils du 7e art.
Ceux-là sont mélangés avec les techniques du 4e art, donnant une conception assez moderne à la prestation. Variant chant, danse spirituelle, le discours littéraire, la poésie, des scènes audacieuses, le spectacle ne laisse pas de place à l’ennui, ou au décrochage du spectateur.
Cette création théâtrale interroge des aspects de la vie humaine et des croyances dans les deux mondes céleste et terrestre. Au sein des deux intervalles temporels, chacune est caractérisée d’histoires d’amour, de terreur, d’humanisme et de foi. Passant d’une idée à une autre, Danse céleste a su aussi amuser le public par des scènes comiques et d’impressionner par des prouesses techniques permettant de manier l’attention du spectateur. D’après le synopsis, Hala, cloîtrée, vit dans un environnement familial, qui sacralise l’assujettissement à la figure masculine.
Mari infidèle
Elle découvre que l’amour est aux antipodes des protocoles sociaux, qu’une croyance pour les uns peut rimer avec égarement social pour d’autres. Elle interroge l’amour absolu qui existant entre l’humain et le céleste : Les ressentis de l’ordre de la foi pour certains peuvent se confondre avec la tyrannie ou l’oppression pour d’autres». Au tour d’une longue table, les membres d’une famille mondaine partagent un dîner copieux. Halla, éduquée sur les valeurs de la haute société, la liberté de choisir ce qui lui convient, est confrontée au refus de ses parents d’épouser un personnage bavard, branché, venu de «la rue».
Elle constate tout de suite que ses rêves sont contrariés par les désirs de sa famille nombreuse. Ici, l’écrivain du texte a montré que nul parmi la composante de ce foyer n’est pas bien placé pour moraliser la jeune fille. Allant dans l’intimité de chaque individu, il dévoile une famille soufrant de déchirures sournoises. La suite des séquences démontre alors un mari infidèle, ayant un faible pour les femmes dominantes, une mère fatiguée des années de soumission qui finit par s’engager avec un amant, entretenant une relation épistolaire avec Aziz, un oncle atypique…
Une situation qui a nourri la déception chez Halla. Celle-ci a menacé de se suicider avant de se résigner à se rebeller. Les histoires se déroulant dans le 17e Siècle, le deuxième monde, propose un plongeon dans l’univers Soufi, s’intéressant à la relation intime entre Jalal Eddine Rumi et Shams Tabrizi où les personnages sur scène ont narré l’ouvrage autrement, en poésie, en littérature et en philosophie pour illustrer des chocs et des valeurs intemporelles. La séquence est puisée de l’œuvre littéraire d’Elif Shafak Soufi mon amour. Grâce à l’immersion dans le monde soufi, à travers l’histoire de Rumi et Shams, on a pu constater beaucoup de similitudes dans les deux époques en termes de vie sociétale et politique.
Peu de choses changent. L’esprit humain et les valeurs sont influencés par l'aspect matériel et technologique évoluant.
Béjaïa
De notre bureau Nordine Douici