La troupe Russe de Saint-Pétersbourg au FITPB de Béjaïa : L’Ours de Tchekhov en noir et blanc, mais sensationnelle

16/10/2024 mis à jour: 03:39
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Les comédiens sont vêtus dans le style du XIXe siècle

L’histoire originale d’Anton Tchekhov,  L’Ours, a atterri lundi sur les planches du théâtre régional de Béjaïa a l’occasion de la 5e journée du Festival international du théâtre professionnel (FITPB), abrité par la capitale des Hammadites depuis le 10 octobre. 

 

L’Ours, pièce théâtrale, produite par le Théâtre pour jeunes spectateurs A. A. Briantsev de Saint-Pétersbourg, de Russie, a donc voyagé, léger, de Sousse, en Tunisie, où il a été aperçu la dernière fois, le 27 avril, avant de rejoindre Béjaïa pour égayer les admirateurs de la littérature de Tchekhov. Il n’est un secret pour personne que ce texte a été adapté par beaucoup de compagnies théâtrales, mais chacune, dans un cadre et une conception technique différente. Le nouveau cadre auquel a opté la metteuse en scène Iya Arkhipov est un cadre classique ancien, évoquant le cinéma en noir et blanc, ou le théâtre des années 20’ et 30’, notamment, en matière de décor, de maquillage. 

Ce dernier participe à ressortir les émotions à travers les traits des visages, qui étaient le long de la pièce, faits d’affliction, de tendres sourires, de délivrance et de bonheur. La pièce a nécessité la mobilisation d’un décor minimaliste, fait d’un pouf rond imitation peau d’ours noir, un pilier décoratif monté d’une tête d’ours blanc et un écran de cinéma en arrière-plan. Les comédiens sont vêtus dans le style du XIXe siècle. Pour le major d’homme, Luka, serviteur de la veuve Popova, c’est un costume blanc. 

 

 

Le richissime Smirnov a débarqué en costume trois pièces de couleur noire et une chemise blanche et enfin, la veuve toute de noir vêtue, en soie et en dentelle. La pièce inspirée du texte de l’écrivain, éditée en 1888, est conçue comme un vaudeville en noir et blanc, une (petite comédie légère, d’une intrigue amusante et vive, mêlée de couplets souvent composés sur un air connu et populaire). Jouée d’une traite en 55 minutes seulement, les trois personnages : Elena Ivanovna Popova, Luka et Grigory Stepanovich Smirnov ont exécuté en grande partie une comédie musicale ponctuée d’humour, de tirade et de récit.   Luka, le valet, tente d’atténuer le chagrin de sa maîtresse, après le décès de son époux. 


 

Misogynie

Sa mission était de redonner à Popova, repliée sur elle-même, le goût de vivre, de se lier une nouvelle fois d’amour à un homme, de renouer avec la vie, mais la veuve a désormais choisi de rester fidèle à son défunt mari. Mais surtout, se conformant aux traditions soviétiques orthodoxes qui exigent de la veuve surtout, chasteté et pudibonderie. 

Dans cette maison sombre, tout objet et toutes odeurs lui font rappeler son compagnon. Soudain, un homme frappe fort à la porte. Popova ne veut voir personne, elle se plaint du fait que nulle ne respecte son deuil. Mais cette visite est, pour Luka, une importunité de sortir sa maîtresse de sa solitude ; il le fait entrer. C’est un homme trapu, au regard dur, criant, «je suis un créancier. Je suis venu prendre l’argent que je dois à ton époux». 

Étonnée, Popova murmure : «Une dette?» «Oui, il m’a acheté du foin», réplique Smirnov. Obstiné, cet ancien militaire à l’allure d’un grizzli décide de camper chez la bonne femme jusqu’à ce qu’il prenne son argent, une dette que Popova ne peut honorer, en inventant toute sorte de prétexte. Le tournant de l’histoire. Un soir, dans sa longue attente, le créancier avale un verre de Vodka. 

L’effet de cet alcool fort bien de Russie, lui fait ressortir l’homme tendre ou l’humain bien veillant qui est en lui. Plus fort que l’alcool, le caractère et le charme de Popova ont nourri son admiration envers cette femme qui refuse de céder à la volonté du visiteur, en lui offrant ce qu’il désire sans attendre le lendemain. 

Toute la misogynie, le sadisme et le machisme du créancier se fondent, s’affaiblissent devant l’admirable veuve, convaincue qu’un grizzli, par son caractère, n’est pas belliqueux, et que c’est sa taille et son allure qui lui évitent des attaques. 

C’est ainsi que le dernier duel au pistolet entre l’homme et la femme n’a pas abouti à l’ouverture du feu de part et d’autre. Plutôt, il finit en une longue étreinte amoureuse, suivie d’un baiser qui a laissé le public silencieux un moment, avant de se lever pour applaudir la formidable  prestation des comédiens. 
 

Béjaïa
De notre bureau Nordine Douici

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