La steppe de Bouira subit les aléas des changements climatiques : L’impératif d’une reconversion des systèmes de cultures

03/07/2022 mis à jour: 00:27
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Photo : El Watan

Une des particularités de la wilaya de Bouira est qu’elle est, à l’échelle du couloir steppique national, la steppe la plus proche de la mer. Elle est située plus exactement à 90 kilomètres des côtes méditerranéennes. Cet immense espace aride et semi-aride est considéré comme le dernier rempart avant la désertification.

La wilaya de Bouira est connue beaucoup plus par ses massifs verdoyants du Djurdjura au nord et nord-est et ceux de l’Atlas blidéen au nord-ouest. Quant à sa partie sud steppique qui s’étend sur plus de 85 000 hectares, constituée essentiellement de terrains de parcours, elle demeure méconnue.

Une de ses particularités est qu’elle est, à l’échelle du couloir steppique national, la steppe la plus proche de la mer. Elle est située plus exactement à 90 kilomètres des côtes méditerranéennes. Cet immense espace aride et semi-aride est considéré comme le dernier rempart avant la désertification. De vastes étendues de terrains nus, offrant un panorama de couleurs variant entre le gris, le jaune, l’ocre, etc.

Dans cet écosystème si fragile, différentes plantes y poussent, défiant les rudes conditions climatiques caractérisées par une faible pluviométrie qui ne dépasse pas les 250 millimètres par année. On y trouve des dizaines d’espèces végétales, dont l’alfa, l’armoise blanche, etc., et même de petites forêts endémiques de pin d’Alep et d’autres comprises dans l’aire du Barrage vert.

Cependant, l’activité humaine conjuguée au changement climatique ont accéléré la dégradation de la steppe. Les parcours existant se sont détériorés à cause, notamment, de la sécheresse qui a frappé la région durant les trois dernières années, ainsi que par la forte pression sur les fourrages qui a engendré une perte du couvert végétal. Ce qui a ouvert les portes à la dégradation du sol, l’exposant aux différentes formes d’érosion éolienne et hydriques.

Et c’est ainsi que le phénomène de la désertification prend place avec la panoplie de dégâts qu’il véhicule. «Ce qui s’est passé est désolant. Pour nourrir leurs bestiaux, des éleveurs issus d’autres régions du pays, ont commis l’irréparable. Ils ont détruit d’importantes surfaces fourragères en déracinant l’alfa et la transportant ailleurs», déplore Amar Nait Messaoud, expert forestier et cadre à la Conservation des forêts de la wilaya de Bouira.

Des projets verts pour sauver ce qui reste

Afin d’y remédier, les pouvoirs publics avaient lancé plusieurs initiatives pour limiter les dégâts. Parmi les projets chapeautés par la Conservation des forêts de la wilaya Bouira, un programme de reboisement d’une superficie de 1000 hectares.

Le projet inscrit en 2020 s’étalera jusqu’à 2023. En deux ans, 650 ha ont été plantés. «Notre objectif est de reconstituer une partie de la forêt qui a disparu suite à des délits forestiers. Des particuliers ont accaparé de parcelles de terrain après des incendies en les transformant en parcelles céréalière, notamment dans les communes de Mezdour, Ouled Rached et Bordj Okhriss. La superficie récupérée, qui est de l’ordre de 550 ha, a été plantée en espèces forestières et fourragères», détaille notre interlocuteur.

Le phénomène d’accaparement des terrains forestiers a pris de l’ampleur ces dernières années. Vis-à-vis de la loi, les contrevenants ne risquent pas gros. A la limite, ils payent une modique amende d’environ 4000 DA.

Dans la localité d’El Maleh, au sud de la commune de Dirah, à l’extrême sud du chef-lieu de Bouira, des restes du Barrage vert sont encore visibles. Quelques pins d’Alep ont quand même résisté. Au milieu du décor désertique une immense étendue d’eau surgit entre les reliefs. Il s’agit d’une grande retenue collinaire bien remplie, une capacité de stockage de 220 000 mètres cubes.

Elle a été réalisée en 2018 avec un montant de 8,5 milliards de centimes, par la Conservation des forêts. Pour la protéger de l’envasement, des gabions de correction torrentielle ont été érigés sur les passages des affluents qui alimentent le petit barrage grâce aux orages qui éclatent occasionnellement, notamment en période estivale. «L’objectif visé derrière ce projet hydraulique est d’encourager la reconversion des céréaliculteurs en arboriculteurs.

Cela nécessite beaucoup d’efforts de sensibilisation et d’émulation. Une telle reconversion permet, d’un côté, une diversification des revenus des familles, comme elle préserve les terres de la dégradation et atténue le phénomène de la désertification», explique notre interlocuteur. A El Maleh et ses environs, plusieurs agriculteurs s’accrochent toujours à la culture des céréales malgré l’insignifiant rendement.

La mécanisation, inadaptée aux conditions écologiques de la steppe entraîne, au fil des années, une stérilisation des sols. Ce qui les rend impropre à toute culture. Malgré les cet état de fait, l’espoir est permis. «C’est un défi que nous avons pu relever dans plusieurs sites. Des petits investisseurs ont bien réussi leurs projets. En outre, nous avons relancé le reboisement de 10 hectares en pin d’Alep, peuplier et eucalyptus dans des endroits plus ou moins humides» , ajoute l’expert forestier.

Au sud-ouest de la commune de Dirah, se trouve le site de Zeboudja, qui veut dire oléastre en tamazight.Et c’est le point focal du programme dit de Ceinture oléicole, dont la superficie totale est de 912 ha. Elle est réalisée entre 2010 et 2016 par le Haut Commissariat au développement de la steppe (HCDS). Avec le reste des oliveraies réalisées dans d’autres programmes, la région steppique de Bouira compte un patrimoine oléicole de 2500 ha.

Des années plus tard, plusieurs des oliveraies sont entrées en phase de production. Cependant, les nouveaux oléiculteurs ont soulevé quelques préoccupations qui freinent leur élan, entre autres, l’inexistence d’une huilerie dans toute la zone sud de la wilaya, ainsi que la pénurie de la ressource hydrique due à la sécheresse.

«Nous avons pu réaliser 25 bassins de 40 et 50 mètres cubes pour l’arrosage des oliveraies. Ce qui est encourageant, c’est qu’il y a des oléiculteurs qui ont procédé à l’irrigation en goutte-à-goutte», indique l’expert forestier. Toujours à Zeboudja, et sur la demande des agriculteurs, l’administration des forêts est en train de planter du cactus fourrager (cactus inerme) sur une superficie de 10 hectares.

En parallèle, plusieurs parcelles privées ont été plantées avec diverses espèces, dont l’Atriplex, pour renforcer l’offre fourragère. En outre, le deuxième objectif que s’est fixé l’administration des forêts dans sa lutte contre la désertification est celui de la consolidation des actions du Barrage vert. A Bouira, ce sont les sept communes Sour El Ghozlane, Dirah, El Hakimia, Hadjra Zarga, Taguedite, Dechmia et Maâmora, qui ont sont incluses dans l’aire de la fameuse ceinture verte.

Biyara, un tout nouveau village qui voit le jour

La région steppique de Bouira avait bénéficié, auparavant, d’un projet de l’emploi rural (PER2) d’un coût de 720 millions de dinars, cofinancé par la Banque mondiale. Sa réalisation a duré 5 ans, de 2005 à 2010 en touchant 3 volets. Il s’agit de celui de l’aménagement anti-érosif, un autre de développement agricole et enfin celui de la mobilisation des ressources en eau.

Tous ces projets de grande envergure ont contribué, un tant soit peu, à l’amélioration des conditions de vie et à stabiliser des populations de la steppe. L’exemple du nouveau village baptisé Biyara en est témoin. D’aucuns à Dirah n’imaginaient, qu’un jour, une nouvelle agglomération serait érigée sur les hauteurs des montagnes surplombant le chef-lieu. Et pourtant, la bourgade existe bel et bien depuis 2010.

Le patelin offre une imprenable vue sur Djebel Essakhra (La montagne du rocher). Biyara est le fruit d’une combinaison de plusieurs programmes étatiques de développement, lancés depuis l’année 2001. Le commencement a été enclenché, comme toujours, avec ceux de l’administration des forêts.

«Nous avons recensé plusieurs personnes qui venaient depuis la ville pour cultiver leurs champs en montagne. Afin de les soutenir, nous avions initié une première action qui consistait en la plantation de l’olivier, environ 5 hectares, à la réalisation des brise-vents, des aides aux apiculteurs et l’ouverture de pistes agricoles, etc.», précise M. Naït Messaoud. Par la suite, les propriétaires des terrains dans ce qui allait devenir un futur village ont bénéficié de quotas d’aides à l’habitat rural.

Une fois les nouveaux habitants installés, la construction d’une école et autres équipement publics est devenue une nécessité. Une dizaine d’années plus tard, d’autres travaux de renforcement du réseau de pistes agricoles ont été effectués pour faciliter l’accès aux nouveaux habitants vers leurs champs, poulaillers, ruchers, oliveraies, etc. 

Pour sa part, la Direction des services agricoles (DSA) avait aussi contribué à l’essor du nouveau village, et ce, via des aides aux aviculteurs et autres éleveurs.

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