Là où la partie sage du monde se dirige vers des démocraties plus ou moins apaisées, plusieurs psychologues et sociologues algériens se sont penchés sur la nature des classes dirigeantes locales, dures et autocratiques, qui refusent le partage ou la décentralisation, névrotiques du contrôle, de l’autorisation et de l’agrément, convaincus d’avoir raison avec comme fondement cet éternel problème des libertés.
La caste dirigeante, ces hauts cadres qui ne sont pas forcément ministres ou walis, est ce qui tourne autour du centre du pouvoir suivant des cercles concentriques, un personnel cruel mais docile, carriériste et versatile, se courbe devant le puissant et méprisant envers le faible. C’est ainsi que dans les années 1970 elle a fermé les yeux sur les emprisonnements, tortures et assassinats d’opposants sans trouver ridicule que dans une voiture de militaire, on posait sa casquette sur la lunette arrière pour montrer son appartenance et ouvrir la porte à certains passe-droits, comme ne pas faire la queue devant les magasins d’Etat. De la même façon, elle a trouvé tout à fait normal un parti unique, des listes uniques de députés et un journal unique, et plus tard, a applaudi aux nationalisations pour applaudir ensuite aux privatisations.
Plus près de nous, ce sont les mêmes cercles dirigeants qui ont fait voter la loi sur les hydrocarbures pour ensuite passer une loi qui dit le contraire et n’ont à aucun moment senti le ridicule quand on promenait un cadre de Président sur les boulevards du pays, qu’on posait un cadre de Président à côté des ministres pour une photo ou une prière à la Grande Mosquée et n’ont même pas senti que le monde entier se moquait de nous quand à la télévision un groupe de soutien offrait un cheval à ce même cadre. Finalement, avec le recul, la seule chose qu’ils ont trouvée anormale est la pénurie d’huile, ce qui a donné lieu à une enquête parlementaire. Tout comme l’homme de pouvoir est détruit par le pouvoir, l’homme servile sera détruit par la servilité.