La production agricole n’assure que 50% des besoins nationaux selon le Cead : Le défi lancinant de la sécurité alimentaire

24/03/2022 mis à jour: 08:19
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La facture d’importation des céréales continue à peser sur le budget de l’Etat

L’analyse de l’état de la Sécurité alimentaire (SA) en Algérie fait ressortir de nombreuses incertitudes liées, essentiellement, à la dépendance vis-à-vis des importations et au poids de la pression démographique. 

Un point considéré comme facteur déterminant de la SA avec l’augmentation exponentielle des besoins à travers différentes filières où le recours à l’importation pèse de plus en plus lourd sur le Trésor. La consommation représente, en effet, deux fois la production agricole nationale. Autrement dit, l’Algérie importe 50% de ses besoins alimentaires. 

Reposant excessivement sur des pratiques hyper-intensives et propulsés par des politiques longtemps proactives et promotrices de l’agro-productivisme, les modèles adoptés jusque-là aux conséquences aussi perverses en matière de durabilité de ressources productives, n’assurent finalement que la moitié de nos besoins alimentaires, mettant ainsi à rude épreuve nos politiques agricoles. C’est l’une des conclusions principales d’une étude du Centre de recherches en économie appliquée pour le développement (Cread) à l’occasion d’un séminaire sur les enjeux actuels et défis à venir en matière de SA organisé à l’Ecole nationale d’administration (ENA). Amel Bouzid, chercheure au Cread rappelle d’emblée que l’Algérie est le premier importateur de blé dur et parmi les trois premiers acheteurs de poudre de lait. 

Ce qui illustre parfaitement la forte dépendance alimentaire vis-à-vis des marchés extérieurs. «La production agricole est insuffisante, car nous avons des ressources naturelles limitées, des rendements qui restent faibles par rapport à la moyenne internationale, donc une production conditionnée par les contraintes climatiques», résume ainsi l’intervenante. En plus de ces éléments, la crise sanitaire et géopolitique, à l’exemple du conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine, vient compliquer la situation. 

C’est dire que le premier élément-clé est le niveau et la stabilité de la production alimentaire domestique. Cela pour signifier que la situation actuelle présente un déficit structurel dans les produits dits de base. «En moyenne annuelle sur la période 2010-2017, la production nationale ne couvre que faiblement les besoins : 10% du blé tendre, 50% du blé dur et 58% pour le lait», explique Amel Bouzid. Et de citer l’exemple du couscous, dont 50% de sa matière première sont importés, alors que la baguette de pain est presque à 100% importée. 

Pour les produits maraîchers, même si on enregistre une certaine autosuffisance en matière de production, il y a une forte dépendance par rapport aux engrais et la semence 

Certes, soixante ans après son indépendance, l’Algérie affiche, à l’échelle internationale, des scores positifs, en matière de SA, mais cette dernière est fragilisée. Selon le Global Food Security Index, le pays réalise un score de 63,9 contre 48 en 2012 (pays à faible risque alimentaire) sur une échelle qui compte 100 points (Economist impact, 2021). 

Ce score place l’Algérie au 54e rang mondial sur un total de 113 pays. Le Global Hunger Index (GHI), un indice publié par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) qui classe 113 pays selon l’impact de la faim et la malnutrition, est passé pour l’Algérie de 14,5 en 2000 à 6,9 en 2021, marquant une progression importante dans l’éradication de la faim. L’Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a révélé pour sa part, par le biais d’un rapport, que l’Algérie est le seul pays africain qui ne souffre pas de famine. 

Autant d’indicateurs positifs qui sont cependant réalisés massivement avec l’intervention de l’Etat grâce à l’argent du pétrole. «D’après ces résultats, on peut dire que l’Algérie a toujours pu assurer sa SA, en dépit de certaines disparités», souligne Mme Bouzid. Mais comment ? «Soit par les importations, les subventions ou des mesures de transferts sociaux, de sorte que le pays n’a jamais connu la famine depuis son indépendance.» Est-il possible de poursuivre une telle démarche ? Pas évident. 

Et pour cause, ces importations sont conditionnées par la disponibilité à l’échelle internationale et les questions géopolitiques prennent de plus en plus de place dans ces conditions, comme c’est le cas actuellement avec la crise en mer Noire. 

La structure du foncier cultive les contre-performances 

D’où l’urgence de prendre certains éléments en considération à l’échelle du pays pour rendre l’agriculture plus résiliente face aux contraintes environnementales, économiques et sociales. A commencer par la prise en charge effective de la question du foncier, ainsi que souligné par Ali Daoudi dans son exposé qui résume l’impact du régime foncier sur la stratégie de acteurs. «Il y a lieu de clarifier les choses. Il reste des insuffisances nécessaires et urgentes à déterminer. Il faut une loi sur les concessions et les mises en valeur», soutient-il. Et de préciser qu’avec une taille moyenne de 8,7 hectares pour une exploitation de céréales, «les contre-performances de la céréaliculture sont aussi un problème de structures. Le problème se pose également pour les terres privées avec des incomplétudes et une insuffisance du cadre légal. Idem pour le domaine privé de l’Etat». 

C’est en somme, selon le conférencier, la complexité du foncier en Algérie avec la promulgation de lois en contradiction avec d’autres lois. M. Daoudi le dit clairement : «On a dépensé énormément d’argent pour la mise en valeur, mais les rendements restent faibles.» Autant alors placer ce point parmi les priorités dans cet environnement de volatilité, d’incertitude, de complexité et d’ambiguïté. Et aller ainsi vers une politique de SA au lieu de se pencher exclusivement sur des politiques sectorielles, selon Sid Ahmed Ferroukhi, ancien ministre du secteur. 

Pour ce dernier, il faut une rupture avec le modèle actuel en misant sur l’innovation et en remettant les acteurs au cœur du changement. «C’est aussi une question de modèle de consommation à prendre en charge. Il va falloir travailler sur un modèle transitoire, même si c’est très compliqué sur le plan social», conclut Sahli Zoubir, expert en économie rurale et agroalimentaire.

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